Le raté, la rebelle, l'ambitieux, la chieuse, le larbin et la cruche.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas ri comme ça devant un film, les répliques fusent, et touchent juste, lors de ce repas de famille du vendredi soir.

Un Air de famille est au départ une pièce de théâtre d'Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, dont il semblait difficile de faire un film qui tienne la route, mais Cédric Klapish s'en sort très bien, aidé par un scenario ciselé et des dialogues au poil sans quoi il n'aurait rien pu faire.

Nous voilà dans un huis-clos avec une famille où comme partout, chacun est un peu catalogué, a une place, un rôle, des caractéristiques qui lui collent à la peau, à tort ou a raison.

Faisons la présentation des principaux personnages de ce huis clos :

La Mère (LA CHIEUSE, incarnée par Claire Maurier) aime les chiens plus que tout au monde (« un chien ne vous décevra jamais »), et adule avant tout Philippe, le seul de ses trois enfants qui semble compter à ses yeux, alors qu'elle ne cesse de critiquer Henri et Betty.

Philippe (L'AMBITIEUX, incarné par Wladimir Yordanoff) est le fils préféré, celui qui a réussi, celui qui attire l'attention, celui qui ne s'intéresse qu'à lui et à son travail, et qui traite sa femme comme une merde. Suffisant, il méprise les autres, et est cette soirée uniquement obsédé par son passage à la télé dont il voudrait savoir s'il a été réussi...

Henri (LE RATE, incarné par Jean-Pierre Bacri) est considéré comme un idiot et un bon à rien dans la famille, le peu de succès de son bar confortant tout le monde dans cette idée. Aigri, il est dur avec son serveur, Denis, et il tient des propos peu amènes envers sa femme. Il a ses habitudes, et parle souvent avec des dictons. Le voici en difficulté car il vient apparemment d'être quitté par sa femme.

Betty (LA REBELLE, incarnée par Agnès Jaoui) cherche sa voie, et on l'emmerde dans la famille car elle est trop libre, trop masculine, et pas encore en ménage à trente ans... Un peu déprimée, elle n'a pas l'air satisfaite de sa relation avec Denis, et elle vient d'envoyer chier son chef, qui n'est autre que le supérieur hiérarchique de son frère, Philippe.

Denis (LE LARBIN, incarné par Jean-Pierre Darroussin) est serveur dans le café d'Henri, qui le traite souvent comme un chien, voire moins bien que le chien, pour être exact. Il a une liaison avec Betty, la sœur du patron, mais celle-ci semble vouloir en finir. Gentil et indécis, il se retrouve au milieu des conflits familiaux, mais il reste neutre, ne préférant pas trop s'engager.

Yolande (LA CRUCHE, incarnée par Catherine Frot) est la femme de Philippe, c'est ce soir son anniversaire, mais elle passe au second plan, ignorée et traitée comme de la merde par son mari qui a d'autres préoccupations. Gentille et un peu niaise, elle rêverait bien d'une autre vie.

Présenté comme ça, ça n'est pas forcément génial pour qui ne connaît pas le film, mais je vous assure que c'est très bien. Une suite de répliques cultes, assassines ou pas, notamment dans bouche de Bacri qui incarne un personnage désagréable mais qui est peut-être le plus attachant, le plus émouvant, malgré tous ses défauts. Les acteurs sont pas mal du tout, notamment Darroussin, dans un rôle intéressant. Agnès Jaoui que j'aime pourtant beaucoup est peut-être la moins à l'aise de tous, dans un rôle qui n'est pas le plus facile.

Notons quelques détails qui m'empêchent de mettre 10 à ce film que je recommande chaudement : si la réalisation fait parfois preuve d'un bel esthétisme, avec par exemple de superbes plans d'immeubles en contre-plongée, j'ai moins apprécié quelques effets de caméra inutiles (exemple, les jeux de miroir, notamment avec un pilier décoré de glaces au centre de la salle du bar) ou encore les trois retours en arrière sur Come prima de Dalida que je trouve aujourd'hui insupportable (peut-être l'ai-je trop entendue).

Quelques imperfections, donc, mais le film est tellement drôle que ça passe sans problème. Un film qui rappellera en tout cas beaucoup d'aspects de nos situations familiales, avec des scènes culte, comme celle du collier, à mourir de rire.
socrate
9
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le 17 mai 2012

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socrate

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