Mia Hansen-Løve raconte la maladie dégénérative qui a frappé son père. Ce qui n’aurait pu être qu’une anecdotique chronique se transforme en feel-good movie élégant grâce au regard talentueux et bienveillant de la réalisatrice.


La vie de Sandra (Léa Seydoux), brillante femme de lettres et traductrice est à un tournant. Alors que son père (Pascal Gregory), envers qui elle partage une relation privilégiée, sombre peu à peu dans la démence, elle retrouve un ami de longue date (Melvil Poupaud) qui réveille en elle des sentiments qu’elle croyait éteints depuis longtemps.


Il ne se passe pas grand-chose dans cette chronique douce-amère. Heureusement, la cinéaste Mia Hansen-Løve excelle à filmer le quotidien intime de ses personnages. Clarté et rigueur. Ça a été le leitmotiv du père de Sandra tout au long de sa carrière mais ça décrit également parfaitement les qualités de ce film. La mise en scène s’articule méticuleusement autour de croisements, de symétries et d’échanges. C’est le corps et les émotions de Sandra qui reprennent vie alors que l’esprit de son père s’étiole peu à peu, c’est quatre générations qui s’entraident et se soutiennent mutuellement, ce sont des familles qui se défont pour construire quelque chose de plus solide. Il se dégage quelque chose de lumineux et positif même dans les pires situations. A ce titre, le traitement du père qui décline est exemplaire. Admirablement servi par le jeu tout en sobriété de Pascal Gregory qui évite le piège de la « performance », l’homme brillant, généreux et aimant parvient à exister malgré son lourd handicap. Cela est probablement dû au fait que la réalisatrice s’inspire de ses propres souvenirs et expériences, donnant ainsi dignité et authenticité à ce qu’elle filme. Ce regard lumineux et bienveillant se retrouve distillé dans tous ses personnages, donnant ainsi une touche de feel-good movie élégant à ce qui n’aurait pu être qu’un banal marivaudage. Si cette composante biographique est une force, elle est aussi paradoxalement la faiblesse majeure du film. Il n’est pas certain que tout le monde se sentent concernés par des épreuves et des dilemmes attenant essentiellement à des personnes d’un milieu aisé, éduqué, parisien et privilégié. Idem pour la thématique de l’euthanasie traitée en filigrane, hautement sensible en France mais bien plus anecdotique sous nos contrées où cette pratique est acceptée depuis longtemps.


el_blasio
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le 30 sept. 2022

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