Après le viol de sa fille, devenue catatonique, et le meurtre de sa femme, un architecte, qui jusque là était plutôt bienveillant, devient violent et décide de nettoyer New York de sa pourriture morale.
Ce film est bien souvent caricaturé en œuvre fascisante sur la nécessité de l'auto-justice. On fait facilement le rapprochement avec Dirty Harry, qui a été, en son temps, accusé des mêmes maux. Mais on oublie un peu vite certains aspects du film.
D'abord, à aucun moment le cinéaste ne sympathise avec son personnage principal, Paul. Au contraire, plus le film avance, et plus on le voit comme une sorte de déséquilibré. Michael Winner entretient cependant une ambiguïté, en ce qui concerne la popularité grandissante de son "justicier". mais cette popularité ne concerne finalement que très peu le personnage lui-même, montré comme une sorte de malade en train de plonger. Paul Kersey est une sorte de grand frère du Travis Bickle de Scorsese, en plus sobre, en moins violent, mais en potentiellement aussi malade.
Au passage, il est bon de signaler que ce film n'est pas une histoire de vengeance. A aucun moment Paul ne va rechercher les auteurs de l'assassinat de sa femme (parmi lesquels un tout jeune Jeff Goldblum en chien fou). On n'est pas dans un schéma "rape and vengeance". Le traumatisme subi par Paul ne va pas vraiment faire de lui un "justicier" en ce sens qu'il ne va pas pratiquer l'auto-justice, il va juste s'enfoncer dans un délire violent. Ainsi, on a de plus en plus l'impression qu'il cherche le conflit : il se promène volontairement dans des endroits louches à des heures nocturnes où il est quasiment certain de trouver des petits criminels de quartiers.
Regardez un peu le titre original, Death Wish. Il en dit long, je trouve...

Quant à cette popularité du personnage, elle en dit finalement long sur la société américaine de l'ère Nixon. Une société qui s'enfonce dans la méfiance envers l’État et le gouvernement et se replie, de plus en plus, sur des convictions individualistes. L'état est incompétent, les institutions fédérales sont incapables d'assumer la sécurité des citoyens, donc nous avons le droit de le faire nous-même.
Au-delà de l'histoire particulière du personnage, le film dresse donc le portrait d'un pays où la violence est sacralisée comme un droit divin. La scène dans la ville de western est, à ce titre, très significative. Elle nous rappelle le mythe d'une Amérique fondée sur la violence, conquise par des pionniers qui se sont battus sans cesse le colt à la main et où la justice se pratiquait à la dure. La virilité américaine vient de là.

Alors, bien sûr, le film a des défauts. Il n'est pas très bien réalisé, et le cinéaste ne parvient pas à filmer la violence comme Peckinpah ou Scorsese le font. Et puis, Bronson est vraiment mauvais.
Mais l'ensemble du film mérite quand même d'être ré-évalué et de sortir du procès d'intention qu'on lui fait habituellement.
Après, comme toutes les séries, je suppose que la qualité va disparaître dans les épisodes suivant, sur lesquels je jetterai quand même un petit coup d’œil.
SanFelice
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le 19 avr. 2014

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SanFelice

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