Bon moment pour débarquer dans la filmographie de Jafar Panahi après son sacre, me permettant de découvrir un univers tragi-comique passionnant qui comme tous les films iraniens questionnent leur système.
"Un simple accident", un titre frivole pour évoquer un sujet bien plus lourd, représentant avec justesse le ton d'un film qui saura jouer sur la légèreté pour amplifier l'horreur. Un conte où un groupe d'anciens prisonniers politiques retrouvent leur tortionnaire.
C'est donc une histoire de vengeance, mais très différente de ce que l'on a l'habitude de voir. Il y a de la cruauté et de la rancœur bien sûr, mais surtout de l'incertitude. Doute sur l'identité du kidnappé, doute sur sa sentence, doute sur le poids de nos actes. Quand un passé qu'on avait tout fait pour oublier, mais dont on porte encore les séquelles ressurgit par un hasard fortuit, que faire ?
Symbolisant un état malade de ses horreurs passées, Jafar Panahi questionne l'évolution de son pays par rapport à l'humanité de ses occupants. Tenu par sa panoplie de personnages éclectiques, de Vahid marqué à vie par ce passé sombre, aux mariés chamboulés la veille d'un tournant qui aurait pu les aider à tout oublier. Attachants et bouleversant de sincérité, ils auront réussi plusieurs fois à m'émouvoir. Tout autant que cette mise en scène qui laisse de l'espace à ses acteurs, ne coupant jamais pour leur laisser la liberté dont ils ont tant manqué, comme une vengeance face au système.
Au fond, c'est aussi une sorte de réconciliation douce amer, du réalisateur avec son pays, qui, en pleine reconstruction après tout ce qui lui est arrivé, peu enfin délier les langues et nous faire rire de surcroît.