Il est navrant d'observer la trajectoire des deux génies que sont Ricky Gervais & Stephen Merchant. Rois incontestés du rire du malaise naturaliste avec The Office, les deux ne cessent de goûter sans retenue aux joies du film mainstream ultra grand public. Comme s'ils avaient définitivement perdu la foi de faire un film vraiment drôle et caustique qui marche auprès d'un maximum de gens. Ils préfèrent proposer de gentils téléfilms œcuméniques bourrés de moraline qui semblent être destinés avant tout aux enfants et à leurs mamans. 


La trajectoire de Merchant ressemble à celle de son compère mais en moins clinquante. Après son très honorable sitcom "Hello Ladies",  son one man show du même nom, et la coréalisation des séries avec Gervais (les bonnes séries The Office, Extras, Life is too short, et le film très recommandable Cemetery Junction), Merchant cède aux sirènes d'Hollywood et s'attelle au biopic d'une modeste catcheuse anglaise partie à la conquête de la WWA.


Tout ceci est très conventionnel, les rebondissements et moments de tension qu'on a vu 1000 fois avant se succèdent sans jamais surprendre. Un seul truc de drôle dans le film : Stephen Merchant affublé d'une moustache.... Conscient ou pas il s'est réservé le truc, et c'est très maigre sur une comédie film d'1h40 au casting honorable (Vince Vaugh, Nick Frost, Lena Headey, The Rock...). Je m'attendais exactement à ça après avoir vu la bande annonce, et j'ai prié pour qu'un miracle se réalise. Mais au final on est vraiment devant un énième feelgood movie à coloration US malgré la grisaille anglaise. Le vilain petit canard surmonte tous les obstacles de cette chienne de vie pour réaliser son rêve et rendre sa famille fière et heureuse. 


Et le truc énervant c'est que le film ne semble même pas comprendre l'essence de ce divertissement. Oui il est pratiqué par de vrais sportifs, mais la distinction c'est du chiqué / c'est scénarisé qui énerve tant les pratiquants et les amateurs n'est vraiment pas claire. Car pour avoir un vainqueur, il faut qu'un des deux accepte de perdre, et il faut donc une concertation avant, il faut le feu vert de la ligue qui s'occupe du pognon... Et donc, tenter de faire croire qu'il y a un enjeu sportif réel dans l'ultime match, comme cela peut être le cas dans les sports de combat, est donc absolument absurde (cf le combat entre le frère et la sœur alors en pleine période de rancœur où l'anomalie vient du fait que Zack refuse de laisser gagner sa sœur comme cela était prévu). 


Le catch est un divertissement pratiqué par des sportifs de haut niveau, un numéro de cirque en somme. Mais il n'y a pas la glorieuse incertitude du sport (même si les parieurs chinois dans le football ne sont pas forcément de cet avis). Tout le monde sait que les matchs sont scénarisés et chorégraphiés, et l'issue ne dépend pas de la force des deux combattants mais de qui sera le plus vendable sur des T-shirts et les tasses à café. Ce détail n'a pas dérangé Merchant qui nous vend pourtant une success story à la Rocky avec une nana d'1m65 qui bat la championne du monde impitoyable.


Les personnages sont donc ultra stéréotypés et répondent au cahier des charges habituel des apprentis scénaristes (Vince Vaugh, le faux ennemi qui se révèle être un allié, les relations tendues entre le frère et la sœur, la rivalités avec les autres catcheuses qui se terminent en mega happy end, c'est même pas un spoiler puisqu'on voit tout arriver à des kilomètres). Florence Pugh tient encore la baraque dans un énième projet bancal et constitue un des rares arguments pour voir ce truc qui pourrait très bien sortir de la plume tordue d'un Pef ou d'un Olivier Barroux (je le lâche pas ce con).


On me répondra qu'il y aura toujours pire, qu'il y a pas de longueurs, et que les acteurs sont dirigés correctement, mais ça reste un produit ultra standard qui ne surprendra pas ceux qui ont plus de 18 ans et qui ont déjà vu quelques films dans leur vie. J'admets qu'un public est en demande de ce genre de petite comédie sans prétention, sans rien d'autre à proposer qu'une histoire facile à comprendre, peuplée de personnages agréables et qui sont récompensés de leurs efforts. Mais si ce sont des types comme Merchant et Gervais qui s'y collent, qui va réaliser les comédies plus ambitieuses ou satiriques pour cet autre public qui existe et qui est constamment ignoré ? 

Negreanu
4
Écrit par

Créée

le 10 févr. 2021

Critique lue 434 fois

9 j'aime

3 commentaires

Negreanu

Écrit par

Critique lue 434 fois

9
3

D'autres avis sur Une famille sur le ring

Une famille sur le ring
Georgio
8

Par dessus la 3ème corde

Ne rêvez pas de la vie, mais vivez plutôt vos rêves !!!!!Tel est la morale de ce Fighting with my family, nouvelle production des studios WWE, la firme cinématographique de la plus grande fédération...

le 17 mai 2019

9 j'aime

Une famille sur le ring
JorikVesperhaven
7

Un sport loin des clichés, une ode à la famille, du rire et des sentiments, pour une bonne surprise.

Ce long-métrage est clairement ce qu’on appelle une bonne surprise venue un peu de nulle part. Les films sur le catch, qui pourrait pourtant se positionner comme un sport à haut potentiel...

le 22 févr. 2019

7 j'aime

1

Une famille sur le ring
Jay77
7

Mettez vous à la « Paige »

Sa popularité a influencé la révolution féminine, permettant aux femmes de la WWE de gagner en respect et en importance. A tous les laissé-pour-compte, suivez le parcours de Saraya alias Paige dans «...

le 30 août 2019

5 j'aime

Du même critique

The White Lotus
Negreanu
7

The tanned

Saison 1 :Voilà une série qui n'a pas fait grand bruit à sa sortie et qui est pourtant riche d'une écriture assez unique. En cette période de disette, où toutes les séries sont standardisées,...

le 14 déc. 2022

36 j'aime

3

The Outsider
Negreanu
4

Et si The Outsider était la nouvelle arme des américains pour faire chier nos jeunes ?

Un meurtre d'enfant aussi sauvage que sordide, des preuves accablantes qui incriminent contre toute attente un citoyen respectable d'une paisible bourgade (elles le sont toutes là plupart du temps...

le 10 mars 2020

29 j'aime

5

Mort à 2020
Negreanu
2

Death to "Death to 2020".

Charlie Brooker n'y est plus. Les deux dernières saisons de Black Mirror le laissaient présager, mais son faux docu sur 2020 pour Netflix est le plus souvent consternant et confirme la mauvaise passe...

le 6 janv. 2021

25 j'aime

10