Une bande de jeune délinquants s’acharne à tabasser un pauvre mendiant dans la rue. La victime est laissé pour morte, et l’un des adolescents rentre chez lui sans-même se douter qu’il est suivi. Un flic, visage et poing serré sonne à sa porte avant de rentrer sans y avoir été convié pour aller lui flanquer une raclée qu’il n’est pas prêt d’oublier. Dans la scène suivante, le flic incriminé se fait conspuer par son chef de service. En l’espace d’une courte introduction, le constat est posé sur la personnalité de ce policier aux méthodes expéditives. Nommé réalisateur en remplacement de son mentor Kinji Fukasaku alors qu’il ne devait tenir que le premier rôle, Takeshi Kitano profite de sa nomination pour retravailler librement le scénario dont il ne va conserver que la trame de fond afin d’imposer sa vision, celle d’un film noir au cynisme désabusé. La tension dramatique du long-métrage ne se noue pas dans l’emploi de twists scénaristique, mais bien par une mise en scène sans artifices, constitués de plan fixe, ainsi que d’une lenteur d’exposition faisant la part belle au drame et aux relations. Peu dialogués, les personnages se définiront avant tout par leurs actes.


Kitano incarne donc Azuma un flic violent qui n’hésite pas à rentrer chez les gens sans mandat et à redistribuer l’ordre dans la société par la force brute de ses mandales et de ses coups de pieds malgré les réprimandes de sa hiérarchie. En dépit de ses qualités de grand frère bienveillant, le bougre sera contraint de démissionner suite à ses excès de zèle répété. L’ex policier va alors se lancer dans une vengeance envers un clan de yakuza responsable du viol de sa sœur Akari et du meurtre de son meilleur ami quitte à y laisser sa propre vie. Les agressions et soubresauts de colère interviennent toujours subitement et reflète les sentiments et frustrations de son protagoniste qui expurge de ce fait son mal être au quotidien. Il ne sera d’ailleurs pas rare de retrouver Kitano dans des rôles d’antihéros mutique et espiègle ainsi qu’aux troubles psychotiques, des personnages dont il se fera même la spécialité au cours de sa filmographie que ce soit dans ses propres productions ou bien sous la direction d’autres réalisateurs tel que Yoichi Sai dans le drame Blood and Bones ou bien dans le très controversé Battle Royale de Kinji Fukasaku.


Si le rythme en dent de scie et la succession d’ellipses narratives pourra en rebuter certains, Violent Cop sait néanmoins frapper là où il le faut, notamment lors de ses affrontements et exécution d’un réalisme et d’une froideur pour le moins perturbante. Il est d’ailleurs amusant de constater qu’Azuma n’est en soit pas si différent des bandits qu’il pourchasse, quoi de plus normal que de retrouver des individualités borderline de chaque côté de la loi. Par la grâce de cette première ébauche, Takeshi Kitano définit son style qu’il perfectionnera au cours de la décennie suivante, des long plans contemplatifs animé d’une superbe partition mélancolique, un humour noir omniprésent et une tendance névrotique à l’autodestruction. L’humoriste s’émancipe en maître d’art bien que sa renommée de cinéaste ne sera acceptée qu’au prix d’une reconnaissance à l’étranger qu’il mettra longtemps à obtenir dans son pays traînant derrière lui sa réputation de « Beat Takeshi ».

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le 21 mars 2023

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