We are living in a comic book
Considéré comme une référence du comics et comme l'un des meilleurs romans en langue anglaise par le Times, Watchmen s'est longtemps battu contre le cinéma en mettant à bout Terry Gilliam, Darren Aronofsky et Paul Greengrass. Après des années de turpitudes, nous voilà à l'instant T, celui où les fans pleurent, envahissent les forums pour parler pénis et musique. Mais sans pinailler sur les détails, elle vaut quoi cette adaptation ?
C'est clairement réussi, mis à part la biloute de Manhattan qui se ballade pendant tout le film tel un running gag et la fameuse scène de boule complètement ridicule qui fait penser qu'on devrait interdire Snyder d'intégrer des scènes de ce type dans ses films. Comme si le Kama Sutra illustré de 300 ne l'avait pas vacciné. Ce grand moment de honte commune partagée dans une salle de ciné fait toujours plaisir, n'est-ce pas ? A cela s'ajoute une B.O plus ou moins réussie avec un penchant au juke-box et au clin d'oeil trop appuyé. La démonstration qu'une bonne chanson ne fait pas forcément une bande-sonore appropriée. Le must étant un 99 Luftballoons de Nena complètement abusif et le fameux Hallelujah évoquée en filigranne dans la scène de fion d'ores et déjà mythique. Il serait bon de ne pas prendre une B.O pour une playlist iPod.
Et que ceux qui se plaignent de la longueur des dialogues ouvrent, on ne fait pas de l'eau avec du vin : 400 pages ne vont pas se transformer en un film d'action névrosé signé Michael Bay.
Watchmen fait donc le boulot en donnant vie aux meilleures scènes du comics. Les 2h45 défilent plutôt rapidement, je ne m'y suis pas ennuyé et le rythme est bien géré. L'interprétation y est excellente, surtout pour Dr Manhattan, Le Comédien et Rorschach. Malheureusement, la VF cassera une bonne partie de l'immersion pour les novices avec un Rorschach doublé par un Rambo en plein mal de larynx. Ceux qui avaient ri pour la voix de Batman sur Begins/Dark Knight en prendront pour leurs grades.
Enfin, je terminerais sur les intégristes du comics. Ceux qui l'appellent "roman graphique". D'ailleurs, je déteste cette appelation. Si V pour Vendetta est sorti sous son format "pavé", il ne faut pas oublier que Watchmen est à la base édité en 12 volumes souples. De plus, cette terminologie stigmatise le média "comics", comme si cela ne pouvait pas proposer d'histoire intelligente, fouillée, dense mais juste des conneries à base de super-héros et de zombies. Alors bien sûr, on pourra rester sur ses positions rétrogrades en se disant que c'était inadaptable, tout comme le Seigneur des Anneaux, les bouquins d'Ellroy ou autres monstres de la littérature. Ou on prendra le parti d'avancer et de se laisser par une histoire réaliste de super-héros qui tient la route, divertit, brasse plusieurs genres qui arrive à garder l'essentiel de son matériel de base sans laisser ceux qui n'ont jamais lu sur le bas-côté. Un exploit à souligner. Et le tout propose quand même quelques jolis plans démontrant non seulement la cinématographie de l'oeuvre originelle mais également les talents de cinéaste de Zack Snyder.
Son véritable défaut se situe dans une perte de subtilité. Là où le comics a le temps de nous faire deviner les choses, le film prend les raccourcis. Pour le meilleur ou pour le pire, j'ai envie de dire. Et ce n'est pas le personnage d'Ozymandias qui me fera dire le contraire.
Autre bémol, si le film condense avec brio l'histoire du comics, il se "contente" d'adapter. Pour quelqu'un connaissant l'oeuvre, voir les scènes prendre vie sera fort agréable mais aucune plus-value notable. Par contre, ce sera bénéfique pour les gens n'ayant pas encore franchi le pas de la lecture, la vision du film en motivera plus d'un.
Le film rassure aussi quant au statut de la censure et du fameux director's cut fantasmé. Entre les fesses et les seins, les effets gores beaucoup plus violents que dans le bouquin et une bite ballochante à la perfection sur la moitié du film, pas de doute : il a fait ce qu'il voulait. Et c'est d'ailleurs peut-être ça le problème. Après visionnage de son director's cut, autant dire qu'il faut du courage pour venir à bout des 3 heures. Rallonge assez inutile dans l'ensemble, cette version n'en finit plus de nous endormir.
Bref même si j'ai apprécié, l'orgasme n'a pas été atteint à cause de fautes de goûts énormes déjà évoquées. Je ne vois pas comment on peut qualifier ce film de gâchis car il garde l'essentiel tout en offrant une interprétation des acteurs excellente pour certains, un rythme bien géré et une gestion des flashbacks ingénieuse. C'est peut-être parce qu'on n'est pas passé très loin d'une belle réussite que le film dispose d'autant de détracteurs.