From Wicked to Weaked
Il est des films qui, par leur ambition et leur déploiement visuel, promettent une expérience cinématographique mémorable. 𝑊𝑖𝑐𝑘𝑒𝑑, l'adaptation du célèbre musical de Broadway réalisée par Jon...
Par
le 27 nov. 2024
12 j'aime
2
Il est des films qui, par leur ambition et leur déploiement visuel, promettent une expérience cinématographique mémorable. 𝑊𝑖𝑐𝑘𝑒𝑑, l'adaptation du célèbre musical de Broadway réalisée par Jon M. Chu, semblait être de ceux-là. Dès les premières minutes, le spectateur est immergé dans un univers d'une richesse esthétique indéniable. Les décors somptueux évoquent un Oz à la fois familier et réinventé, où chaque détail témoigne d'un soin méticuleux. Les costumes, véritables œuvres d'art, habillent les personnages d'une aura féerique, tandis que les éclairages chatoyants confèrent aux scènes une atmosphère envoûtante. La direction artistique brille par sa créativité, offrant un festin visuel qui capte immédiatement l'attention.
La partition musicale, héritée du spectacle original, est portée par des compositions entraînantes et des performances vocales remarquables. Certaines mélodies résonnent longtemps après la projection, témoignant de leur puissance émotionnelle. Cependant, cette réussite musicale ne parvient pas à masquer les failles profondes qui minent le film.
Dès que l'intrigue s'installe, 𝑊𝑖𝑐𝑘𝑒𝑑 s'embourbe dans une narration laborieuse. S'étirant sur près de deux heures quarante, le film donne l'impression d'une interminable introduction, une mise en place qui peine à trouver son rythme. Jon M. Chu, pourtant habitué aux grandes fresques musicales, semble ici manquer d'inspiration. Sa mise en scène, étonnamment plate, manque cruellement de dynamisme et d'audace. Les chorégraphies, bien que techniquement impeccables, sont filmées de manière conventionnelle, sans cette étincelle qui pourrait les sublimer. La caméra se contente de capturer l'action sans jamais l'exalter, oubliant le potentiel du langage cinématographique pour transcender le spectacle. On pense aux téléfilms Disney des années 90 et 2000, où la réalisation se faisait discrète, au service du seul divertissement, afin de laisser la chorégraphie s'exprimer dans sa pureté brute, ce qui les rapprochait bien plus d'une captation que d'une véritable mise en valeur cinématographique.
Le scénario s'enlise dans les clichés du teen movie. Les personnages secondaires, à peine esquissés, manquent de profondeur et de consistance. Ariana Grande incarne une Glinda stéréotypée, incarnant la fille populaire superficielle, dont l'évolution est quasiment inexistante tout au long du film. Si son personnage était censé gagner en complexité, il demeure désespérément plat, rendant difficile toute empathie. Malgré le talent vocal indéniable des acteurs, les relations entre les protagonistes manquent de relief, et les dialogues peinent à insuffler de la vie à l'intrigue. On assiste à une succession de scènes qui s'enchaînent sans véritable conviction, laissant le spectateur en quête d'une émotion qui ne vient jamais.
Les effets spéciaux, pourtant essentiels dans un tel univers, déçoivent par leur inconstance. Les fonds verts mal intégrés et les images de synthèse approximatives créent une impression d'artificialité qui contraste avec la beauté des décors et des costumes. Cette incohérence visuelle affaiblit l'ensemble, empêchant la magie d'opérer pleinement. Le spectateur est sans cesse ramené à la réalité, conscient des artifices plutôt que transporté par l'imaginaire.
Il est également regrettable que le film se conclue sur une note inachevée, annonçant une suite à venir. Cette décision de scinder l'histoire en deux parties apparaît comme une maladresse narrative. Après une durée déjà conséquente, le spectateur est laissé sur sa faim, sans avoir le sentiment d'une progression significative. Cette fragmentation dilue l'intensité dramatique et affaiblit l'engagement émotionnel.
En fin de compte, 𝑊𝑖𝑐𝑘𝑒𝑑 laisse un goût amer, celui d'une promesse non tenue. Malgré ses atours séduisants, le film échoue à captiver et à émouvoir. La magie d'Oz, pourtant si chère à notre imaginaire collectif, ne parvient pas à renaître sous cette forme. Ce qui aurait pu être une réinterprétation audacieuse et enchanteresse se mue en une expérience fade, où l'émerveillement cède la place à l'ennui.
Le cinéma musical a cette capacité unique de fusionner le récit, la musique et la mise en scène pour créer une alchimie émotionnelle puissante. Ici, cette alchimie ne prend pas. 𝑊𝑖𝑐𝑘𝑒𝑑 se contente d'aligner les tableaux sans jamais leur donner de profondeur ou de sens. La forme l'emporte sur le fond, et le spectacle, bien qu'esthétiquement plaisant, reste superficiel.
Il est dommage qu'une telle débauche de talents et de moyens aboutisse à un résultat aussi tiède. On ne peut s'empêcher de penser à ce qu'aurait pu être le film avec une vision plus affirmée, une mise en scène plus inventive, et une véritable volonté de raconter une histoire touchante et universelle. En l'état, 𝑊𝑖𝑐𝑘𝑒𝑑 est un bel écrin pour peu de choses. La magie promise n'est pas au rendez-vous, et l'attente d'une suite ne fait qu'accentuer cette déception. Espérons que la seconde partie saura insuffler la vie qui manque cruellement à cette première.
Créée
le 27 nov. 2024
Critique lue 338 fois
12 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Wicked
Il est des films qui, par leur ambition et leur déploiement visuel, promettent une expérience cinématographique mémorable. 𝑊𝑖𝑐𝑘𝑒𝑑, l'adaptation du célèbre musical de Broadway réalisée par Jon...
Par
le 27 nov. 2024
12 j'aime
2
Wicked adapté de la célèbre comédie musicale éponyme de Broadway, elle-même tirée du génial roman, lui aussi éponyme de Gregory Maguire, est un grand spectacle de presque trois heures qui offre un...
le 23 nov. 2024
3 j'aime
3
Wicked se la joue Barbie (Greta Gerwig, 2023), son opposition de couleurs entre rose et vert renvoyant à la différence de caractères entre les deux protagonistes et leur univers respectif, à savoir...
le 23 nov. 2024
3 j'aime
2
Du même critique
Il n'y a vraiment rien à sauver de ce film. Pendant 1h30, nous sommes ballottés entre des scènes d'exposition interminables où tout nous est laborieusement expliqué, répété et réexpliqué, sans jamais...
Par
le 23 oct. 2024
29 j'aime
Il est rare qu'une franchise aussi épuisée que 𝑇𝑟𝑎𝑛𝑠𝑓𝑜𝑟𝑚𝑒𝑟𝑠 parvienne encore à surprendre, et pourtant, 𝑇𝑟𝑎𝑛𝑠𝑓𝑜𝑟𝑚𝑒𝑟𝑠 𝑂𝑛𝑒 de Josh Cooley réussit cet exploit. Au moment où...
Par
le 24 sept. 2024
27 j'aime
1
Pour son premier long-métrage en tant que réalisatrice, Anna Kendrick s'attaque à une histoire inspirée de faits réels; celle du tueur en série Rodney Alcala, apparu sur le plateau de 𝑇ℎ𝑒...
Par
le 21 oct. 2024
23 j'aime
2