Alan Wake
7.4
Alan Wake

Jeu de Remedy Entertainment et Xbox Game Studios (2010Xbox 360)

Quand j'avais 15 ans, j'aimais bien lire du Stephen King. Je me suis malheureusement arrêté bien vite : finalement, Silent Hill passant par là, le fantastique du monsieur King m'a paru moins intéressant que les profondeurs psychologiques de la petite ville perdue dans les brumes. Évidemment, ce n'est pas une déclaration de guerre aux fans de l'écrivain du Maine, simplement l'explication d'un point de vue sur les diversités qui composent un genre : moi, j'en aime une partie seulement. Alors, à l'annonce d'Alan Wake, écrivain torturé dont la psyché se voit explorer en profondeur par un scénario diabolique, force est de constater que j'étais comme fou. Maintenant, le périple dans le pays le plus vallonné du monde vient de prendre fin et il est temps de faire un état des lieux.

Donc, Alan Wake, c'est un écrivain connu. Un peu trop pour son propre goût, puisque cela fait deux ans que le bougre n'a plus réussi à poser une ligne convenable. Depuis, en fait, son dernier best-seller, où il réglait son compte au personnage principal de sa série à succès. Et maintenant, son éditeur est après lui et il va peut-être falloir se mettre au boulot. Or, Alan, un peu paresseux, part pour le Maine – ou le Vermont, je m'y perds – afin de se mettre au vert, épouse sous le bras, et peut-être, retrouver la bien-heureuse inspiration avant que son éditeur finisse par le faire abattre. Mais, alors que le petit couple s'installe tranquillement dans le havre de paix qu'ils ont loué, madame disparaît et Alan se réveille une semaine plus tard, au volant d'une voiture accidentée, sans souvenir de ce qui s'est passé. C'est le début d'un long voyage au cœur des ténèbres.
Et un long voyage pour le joueur : abordons de front le point négatif du jeu, son level design. Bon sang que ce pays est vallonné. Pour chaque arbre, il y a un précipice insondable et Alan aura à parcourir tout l'état à pieds, parfois en voiture, pour arriver à démêler le scénario. Du coup, la plupart du temps, on est dans la verdure, plongé dans la nuit (la plus clarteuse du monde), à traverser un brouillard « surnaturel », le tout pour rejoindre ce maudit point « B », le tout en dézinguant au passage des hordes de « Possédés », principaux antagonistes de l'histoire. Ces derniers, de simples badass locaux envoûtés par les ténèbres, forment une légion populeuse, équipée en série d'objet de jardinage en tout genre qu'ils font voler avec une certaine expertise dans la gueule du joueur, au point qu'on est en droit de se demander combien ils portent de faucilles sur eux. Le souci à pointer ici est une répétition qui force le respect : de nombreux niveaux se résument à une forêt, entourés de vide, et décorés de petites bâtisses vides. Loin de dire que tout y est inintéressant, certains niveaux relèvent la donne et même, on peut sentir des idées sous-jacentes, mais dans les grandes lignes, c'est une vendetta militaire envers le péteux qu'organise Alan Wake. Et des paysans, le Maine en a à revendre et le jeu pourvoie au matériel pour les tailler. Je ne parle pas des armes, elles sont si peu nombreuses que cela confine à l'anecdotique, mais plus des munitions, qu'on file par pelleté pour être sûr que le joueur puisse faire face fièrement, dressé face à l'adversité. Soit, je suis du genre économe, soit Remedy a oublié que la fuite, ça peut faire peur... je ne sais pas trop.
Heureusement, néanmoins, que le personnage central est maniable : Monsieur Wake est un écrivain de la trempe du héros de 2012, de ces écrivains qui font des camps d'entraînement en Irak et s'avère fort agréable à trimballer. Il esquive rapidement, court, s'essouffle (parce qu'il reste un être humain), vise, tire, bref, on est dans un des rares jeux du genre où le personnage paraît d'un souplesse... humaine.
Bon, coup de gueule passé sur la construction des niveaux et du jeu, à présent, passons au scénario. « Alan Wake » profite pour lui d'une réelle idée, celle de raconter une histoire. Certes, nous sommes ici en pleine influence de Stephen King et comme dit plus haut, je ne suis pas un fan transis du monsieur, mais le jeu a au moins le mérite d'avoir la volonté de proposer une matière dont débattre. On peut adhérer ou pas, on ne peut pas renier la capacité de Wake a mettre en place un vrai récit. Le jeu se permet même un pari que peu s'impose : des phases de temps mort, aménagées volontairement et durant lesquelles, en plein jour, le joueur sera amené à traverser ce maudit état en voiture. Étrangement, ces phases m'ont presque fait davantage peur que la nuit venue, pour le décalage complet : malgré la présence de l'astre diurne, quelque chose ne va pas, quelque chose de perceptible et sur ce point, l'aventure prend vraiment. En lui-même, le scénario se dévoile doucement, avec mise en abîme, parallèle entre différents récits, mais j'avoue avoir trouver dommage que si tôt, la piste psychologique soit abandonnée au profit du fantastique pur. D'autant qu'elle s'amorçait convenablement, par des flashbacks qui auraient mérité d'être davantage développés mais présentent différentes facettes qui mettent à mal le héros sans peur et sans reproche qu'aurait pu être cet Alan Wake en quête de son épouse. Dommage aussi que l'envahissant sidekick qu'est l'agent du héros soit si présent et si agaçant : à quoi donc ont pensé les développeurs lorsqu'ils ont collé dans les basques du héros ce personnage horripilant qui sabote minutieusement l'ambiance à chaque réplique ?

Au final, il me faut avouer que j'ai aimé, mais... j'ai du mal à pardonner un fait qui m'apparaît comme outrageusement dans l'air du temps : la fin en kit, qui semble boucler à moitié le jeu et inviter à l'achat des DLC. Après l'achat à 70 euros, c'est tout juste du vol. À mettre en parallèle avec les déclarations du patron d'Epic sur le marché de l'occasion qui nuirait aux ventes.
0eil
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le 8 févr. 2011

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