Je m'appelle Pierrot. J'habite à Clifden. Clifden, c'est le petit village qui n'apparaît pas sur la carte duquel j'ai parlé à celui qui me tenait compagnie dans le train. Il s'appelle Charly. C'est comme ça, c'est des rencontres.
Clifden, c'est un petit village, la rive sud est un peu déserté, et, comme en Irlande d'où il tire son nom, il pleut, mais c'est le mien et je ne le quitterai pour rien au monde. En fait, quand je suis arrivé, on m'a pris pour le maire. J'étais mignon, j'avais de grands yeux, je voulais être chez moi dans mon monde où il fait bon vivre, mais au point d'être le maire, même avec un petit chien de sexe féminin comme secrétaire, Marie, c'est étonnant comme travail. Remarquez, je n'avais rien d'autre à faire. Et puis, il n'y a pas de trop de papiers à remplir. C'est Marie qui s'en charge. Marie, elle est mignonne. Et puis, des fois, elle me fait des avances, elle me dit qu'elle aimerait bien sortir et voir ce qu'il y a d'autre, mais elle a trop de travail. Marie, sa maison, c'est le bureau, et moi, ma maison, c'est mon petit village.
Il faut que je vous dise, j'étais peut-être le maire, mais la première nuit j'ai dormi sous une tente. J'ai parlé à Tom Nook, et ma maison n'a pas été bien difficile à financer ; j'ai cueilli quelques pommes, j'ai fait mes premiers pas de pêcheur mécène et commerçant, tout est bon pour arrondir les fins de mois, sauf revendre les cadeaux bien sûr. À la limite, les cadeaux, je les échange avec d'autres amis. Il y a Dalma, il y a Gradub, et puis, il y a Mistigri. Mistigri, je l'aime. Je lui envoie des lettres avec du papier hamburger, et je plante des fleurs devant sa maison. J'aime les fleurs. J'ai voté une loi pour les fleurs. C'est la seule loi du village, mais les habitants l'aiment, alors c'est l'important.
Écoutez, il faut bien savoir être maire, alors dans ce monde parfait qui s'offrait à moi, j'ai peint et composé à quatre main le drapeau et l'hymne communiste, et personne ne s'en plaint. Le dimanche soir, à partir de 19h, les soirs d'été, il est affiché dans le ciel. Et même si j'ai opté pour un look de samouraï avec une ombrelle rouge et un pull en cuir, pour le soir quand il fait frais, je sais toujours me balader au milieu de mes amis, planter des fleurs, installer des petits sanctuaires à pommes parfaites, à litchis, à citron, à poires que m'ont prêté mes amis qui ont une grande maison, mais ma grande maison à moi, elle viendra aussi.
Il y aura plein de choses dans ma maison. Des objets Nintendo, des murs en lierre, des salles avec des outils techniques qui n'auront rien à faire dans mon harmonie végétale et naturelle mais qu'il faudra bien utiliser, des bibliothèques, des tables à thé, comme ça, Tom Nook et Lionel seront content de moi, et les gens que je croise dans le métro de Paris (même des coréens, c'est dire !) viendront voir ma maison dans le village-témoin !
Parfois, il pleut sur Clifden. Il y règne une musique un peu triste. Certains habitants sont un peu énervés, mais je suis là, on parle, on s'offre des cadeaux, des meubles, des lettres, ça nous fait chaud au cœur. Les gens s'amusent des rumeurs. C'est bon enfant. Ça ne me dérange pas, moi, je les connais tous, et même s'il y en a qui me charrient un peu trop et que je ne vois pas souvent, je ne laisserai personne partir de ma ville, parce qu'on est chez nous, parce que quand on est tristes, à huit heures du matin ou à minuit, on peut se mettre à l'ombre d'un citronnier, on peut flâner au musée, on peu aller voir ses amis qui sont loin, on peut pêcher, le regard au loin, à l'horizon que le joueur ne voit pas, en se disant qu'au bout, il y a des milliers d'autres Clifden, des milliers d'autres Pierrot, qu'il y a un vrai Clifden, et mon vrai Pierrot, quand il est triste, quand c'est le soir, quand il ne veut plus la routine, quand son amoureuse et la poupée qu'elle lui a faite et qu'il a perdue lui manque, quand il allume sa console et qu'il tire les ficelles, il sait qu'un jour, il y partira.
Clifden, c'est mon village. Et je l'aime.
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