Impressionnant et avant-gardiste mais excessivement frustrant et court

Nous sommes en 1991, un développeur français du nom de Eric Chahi développe seul un jeu de plate-forme / réflexion à la technique révolutionnaire, aux idées ingénieuses et à la narration originale qui tranche complètement avec le reste de la production vidéoludique du moment. Trop beau pour être vrai ? J’ai bien peur que c’est désormais mon opinion maintenant que j’ai eu la curiosité de m’y essayer. Mais commençons par ce qui est tout de même très réussi et que j’ai beaucoup aimé.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10



Another World a une direction artistique très particulière qui s’explique déjà par la technique utilisée qui donne un rendu graphique à base de polygones qui ne ressemble en rien aux autres jeux de l’époque. Aujourd’hui, ça a nécessairement mal vieilli, la première fois que j’ai vu ça j’ai clairement pas trop aimé ce rendu. Mais je suis tombé sur pas mal d’interviews du développeur qui explique à quel point il a tout fait par lui-même, presque comme un petit artisan qui essayait de nouvelles façons de faire un jeu.


Non seulement c’est assez intéressant et respectable en soi de rechercher ces nouvelles façons et de les expérimenter, plutôt que de recopier une technique déjà existante sans rien y apporter, mais en plus ça s’accorde parfaitement je trouve avec un jeu de lancement sur certaines consoles comme la Super Nintendo qui devrait prouver, entres autres, qu’elle pouvait proposer de nouvelles expériences de jeu. Se dégage ainsi du titre une certaine originalité appréciable et qui lui confère une identité.


Non seulement c’est original mais en plus c’est bourré d’ambitions avec des effets de profondeur via différents plans dans la mise en scène, une reproduction de sources de lumière qui ne sont évidemment pas dynamiques mais qui rendent bien, des animations assez poussées pour la moindre créature ou le moindre mouvement même si on le voit que sur un ou deux tableaux dans tout le jeu... Il n’y a pas d’interface mais des éléments visuels pour la remplacer comme les petites bulles qui s’échappent de notre personnage quand il est sous l’eau pour nous renseigner sur son état.


Et puis cet autre monde profite d’abord d’une ambiance hostile et sauvage assez forte avant de passer à une civilisation pas moins dangereuse et rien qu’avec ça on peut s’imaginer un petit scénario sympathique. Parce que tout le scénario passe effectivement par l’esthétisme du jeu une fois passée l’intro qui justifie qu’on se retrouve d’un coup dans un autre monde donc, sans qu’on ne sache jamais réellement ce que c’est. Une narration environnementale avant-gardiste qui aurait inspiré des développeurs tels que Ueda pour Ico par exemple.


Personnellement, j’ai joué à la version PC édition 20ème anniversaire proposée sur GOG, la plus aboutie à l’heure où j’écris ces lignes, qui permet de retrouver le visuel d’antan ou une version liftée d’une simple pression de touche en jeu. Ce lifting est un peu superflu au premier plan, par contre certains arrières plans sont bien plus riches en détails tout en étant un minimum fidèles à la version d’origine ce qui fait de cette remasterisation un travail honnête et appréciable mais pas non plus indispensable. Malheureusement, si tout ça est très enthousiasmant je vais devoir aborder ce qui ne m’a pas du tout plus.



GAMEPLAY / CONTENU : 4 / 10



Ce n’est pas là que j’attendais particulièrement le jeu mais pourtant quelle douche froide ! Par où commencer ? Déjà, le déplacement de notre héros est assez rigide. C’est pas trop gênant en soi d’autant que la version PC à laquelle j’ai joué était d’une fluidité irréprochable, contrairement à certaines versions consoles de l’époque. Néanmoins, c’est quand même dérangeant à certains moments un peu tendus où j’aurais aimé avoir un perso un peu plus réactif mais s’il n’y avait que ça comme soucis... On crève sans arrêt dans ce jeu et quasiment jamais pour ce que j’appellerai, en toute subjectivité, une bonne raison.


Il y a des changements de règles à la volée, des fois le simple contact avec l’eau va nous tuer, d’autres fois il faudra y plonger pour avancer, des fois un laser nous one shot, des fois 3 nous traversent sans faire de dégâts vu qu’on a une espèce de taux de chance d’esquive implicite, des fois on peut faire fuir un ennemi en lui tirant dessus, des fois le même type d’ennemi y sera insensible... C’est un principe fondamental pour qu’un gameplay marche bien, ici j’ai constamment eu l’impression que c’était la chance qui me sortait d’une situation problématique et c’est très frustrant.


On a 3 attaques différentes avec notre armes mais le fonctionnement du système de jeu est mal expliqué. Plein de fois j’ai voulu jouer un peu technique, notamment avec les écrans de protection, ce n’est pas passé alors que si j’attends juste le moment exact où le mob spawn un simple tir suffit à terminer le combat qui sans ça est aussi mou que frustrant. Et ça se vérifie quelque soit le niveau de difficulté retenu si la version à laquelle vous jouez ne vous force pas le mode difficile purement et simplement et là on voit un autre gros problème.


Le checkpoint comme marqueur de progression est une idée intéressante sur le papier mais très maladroite dans son exécution. Concrètement le jeu nous offre plusieurs chemins à emprunter mais un seul est le bon parce que tant qu’on a ne l’a pas pris on sera bloqué plus tard et c’est l’absence de checkpoints qui est censé l’indiquer. Le problème c’est que le déclenchement d’un ckeckpoint n’a aucun incident visuel, un ajout qu’on pourrait attendre d’autant plus dans une remasterisation soit dit en passant, et qu’il est trop souvent impossible de comprendre en quoi une action à un endroit nous à débloquer l’accès à un autre bien spécifique.


Pas mal de fois j’ai essayé encore et encore une session de jeu assez difficile et longue pour me rendre compte que finalement fallait en fait se rendre ailleurs pour des allers-retours longs et frustrants là où n’importe quel autre jeu aurait mis un système de clefs ou de compétences à débloquer pour qu’on comprenne que ce n’est pas le bon chemin pour le moment. Si les originalités prises dans la réalisation et l’esthétisme furent à mon goût ce n’est absolument pas le cas pour ce jeu qui a gonflé artificiellement sa difficulté pour masquer sa durée de vie ridicule de 20 à 30 minutes si on ne crève pas et qu’on sait où aller, à quel moment et de quelle façon.



CONCLUSION : 6 / 10



Another World fait partie de ces jeux pour lesquels j’ai un immense respect mais que je n’apprécie pas plus que ça en raison d’un gameplay que je trouve foiré et d’un contenu que je qualifie de ridicule. Si je ne critique que sa réalisation, son esthétisme, ses conditions exceptionnelles de développement je comprends tout à fait sa renommée mais si je critique l’ensemble, il s’agit d’une déception auquel je reconnais un gros potentiel, pour lequel j’accorde une grande estime, sans pouvoir dire que j’ai aimé faire ce jeu.

damon8671
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 20 oct. 2017

Critique lue 400 fois

7 j'aime

3 commentaires

damon8671

Écrit par

Critique lue 400 fois

7
3

D'autres avis sur Another World

Another World
khms
10

Saletés de limaces !

Another World, c'est d'abord la légende d'un jeu développé tout seul à la maison par le désormais célèbre Eric Chahi. Mais c'est aussi, et surtout, un monument du jeu 16 bit. En le lançant, le...

Par

le 10 oct. 2012

24 j'aime

3

Another World
Floax
3

Torture vidéoludique

Qu'est ce qui fait le jeu vidéo ? Chacun a sa propre opinion, mais pour moi c'est un subtil mélange d'idées surprenantes, de direction artistique et de fun. Difficile de juger un jeu "retro" en terme...

le 28 juil. 2012

17 j'aime

9

Another World
slowpress
7

Journal de Bord

Jour 1. Je m’ennuyais devant un chapitre intitulé « Hémi-négligence corporelle et extra-corporelle » alors je me suis lancé dans quelques expériences scientifico-informatiques pour passer le temps et...

le 14 mai 2014

10 j'aime

7

Du même critique

Mass Effect
damon8671
8

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

le 24 août 2013

35 j'aime

11

The Thing
damon8671
9

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Super Mario Sunshine
damon8671
8

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7