Assassin's Creed Origins
7.3
Assassin's Creed Origins

Jeu de Ubisoft Montréal et Ubisoft (2017Xbox One)

Résumer en une seule critique l'ensemble des griefs que j'ai à l'encontre d'Assassin's Creed Origins n'est pas une chose aisée. En faire quelque chose de formel et ne pas me perdre en digressions l'est encore davantage, mais je vais essayer…


Remise en contexte assez rapide. Assassin's Creed a, entre 2007 et 2015 inclus, connu pas moins de huit jeux principaux (neuf, si vous considérez Rogue comme principal) à la qualité assez variable, entre le chef-d'œuvre et le franchement très moyen. Il fut décidé par Ubisoft, suite à la fois aux critiques mitigées et aux mauvais chiffres subis par Syndicate, mais également aux retours désastreux sur Unity en 2014 (pas tous très justifiés, il faut le dire…), de ne pas sortir d'Assassin's Creed en 2016, afin de faire reposer la licence, et elle en avait grand besoin. 2016 ne fut malgré tout pas une année blanche pour la licence, avec deux jeux spin-off totalement anecdotiques et un film qui, soyons honnête, n'aura certainement pas constitué le firmament de la saga, loin s'en faut (même si je ne peux m'empêcher d'éprouver de la sympathie à son égard). C'est donc en 2017, fort d'une année de développement supplémentaire (ce que n'a pas manqué de marteler le service marketing d'Ubisoft, comme si prendre son temps pour développer un jeu était devenu quelque chose d'exceptionnel), qu'est sorti Assassin's Creed Origins. Le jeu est développé par la même équipe qui a développée Black Flag (la team Ashraf, pour ceux qui connaissent), épisode majoritairement apprécié, mais qui, si on se penche sur son cas, s'éloigne pas mal de l'essence d'Assassin's Creed pour proposer une vision tout autre, et qui prenait déjà un peu trop de libertés à mon goût avec l'ADN de la licence.


Comme le titre "Origins" l'indique avec subtilité, le but de l'intrigue du jeu était donc de nous conter les origines de la Confrérie des Assassins. Origines déjà plus ou moins connues depuis assez longtemps, mais qu'il fallait donc expliciter clairement, apparemment…


Et c'est dans cette optique d'expliquer, que l'équipe a choisi de situer l'action de son jeu dans l'Égypte Antique, à la fin de la dynastie ptolémaïque et au début de la conquête romaine (raison pour laquelle Cléopâtre et Jules César font des apparitions dans le jeu ; on y reviendra).


Et pour le coup, je suis obligé d'admettre que le travail de reconstitution et d'ambiance effectué est remarquable. Le jeu est très beau visuellement (même si quelques bugs graphiques viennent l'entacher), et l'ambiance égyptienne est là, c'est clair. On peut visiter les pyramides, voir le phare d'Alexandrie, se balader à Memphis… Bref, rien à redire sur ce point, je ne vais pas être de mauvaise foi. Mais c'est aussi là-dessus que se base l'un de mes nombreux reproches au jeu : l'équipe a, de toute évidence, eu pour leitmotiv principal de faire un jeu sur l'Égypte antique, et pas de faire un Assassin's Creed. Le setting écrase absolument tout le reste (et c'est très bien montré sur l'artwork de la jaquette ; la pyramide écrase littéralement l'Assassin). Je n'ai rien contre l'idée de miser beaucoup sur l'univers du jeu – c'est déjà ce que faisait AC2, en son temps – mais l'univers ne fait pas tout. Et en l'occurrence, rien ne suit derrière.


Parce que le scénario, pourtant censé être le moteur du jeu, est catastrophique, à tous les niveaux. Les scénaristes sont tombés dans absolument tous les écueils possibles et imaginables.


Ils ont donc estimé que l'histoire idéale pour raconter l'origine de la Confrérie serait une histoire de vengeance (original…). Celle d'un Medjaÿ, Bayek, qui, à la suite de la perte de son mioche, décide de traquer inlassablement les responsables. Ça tient sur une feuille de PQ, et ça en a clairement le niveau. Je n'ai rien contre les histoires simples ; et la série AC en est globalement émaillée. Mais une histoire simple ne veut pas toujours dire une histoire simpliste, à peine digne d'une rédaction de collégien. Parce que c'est clairement de ce niveau.


Par quoi commencer ?


Le protagoniste, peut-être. Bayek de Siwa est un personnage creux, qui manque cruellement de développement pour que l'on puisse s'intéresser à lui. Lui avoir fait perdre son enfant est un ressort très éculé et franchement très simpliste pour forcer l'attachement du joueur, mais ça ne fonctionne pas. Pis que cela, le personnage en lui-même n'a aucune autre motivation que celle de se venger, et ce n'est pas les personnages qu'il croise qui le remettront en question, pas plus que les hectolitres de sang qu'il va verser. On retrouve tous les poncifs déjà vus partout ailleurs, et c'est franchement agaçant. Certains argueront que le personnage est charismatique (ça se discute) et que cela lui permet donc de marquer les esprits. En ce qui me concerne, je ne retiens rien de ce personnage, à part peut-être l'assassinat de la première cible et le très bon acting d'Abubakar Salim en VO (pour ce qui est de la VF, en revanche, c'est catastrophique, comme trop souvent…). Mais ce qui est sans doute le plus frustrant, c'est que le personnage n'évolue pas d'un iota tout au long du jeu. Le Bayek du début est absolument le même que le Bayek de la fin ; un père triste hanté par le souvenir de son échec. Je ne dis pas qu'il doit passer du tout au tout, non. Mais une vraie évolution doit être perceptible, même subtilement, et rien n'est fait en ce sens dans AC Origins. Bayek est une enveloppe vide, avec quelques bouts de développement par-ci par-là, mais qui ne parvient jamais à être réellement intéressant à suivre.


Quant aux autres personnages, c'est la débandade. Le jeu ne prend clairement pas assez de temps pour les développer, et la plupart en sont réduits à des fonctions pour telle ou telle mission. Avec des personnages "principaux" (le meilleur ami à Siwa, par exemple) qui n'en sont réduit qu'à une poignée de répliques, difficiles vraiment de les rendre marquants. Et pour ce qui est d'Aya, deuxième personnage principal du jeu et femme de Bayek, c'est sans doute encore pire que tous les autres. Je ne sais pas si l'intention de base était de la rendre froide, distante et antipathique, mais c'est en tout cas ce qu'elle rejette. Elle a une part modérément importante dans l'histoire (on a même l'occasion de l'incarner quelques fois) et ne dégage pourtant absolument rien. Aucune tristesse d'avoir perdu son fils (je ne sais même pas si elle y fait référence une fois), la seule envie de se venger, aucune compassion pour son mari, rien, nada. Et comme nous n'avons aucune raison de nous attacher au personnage, on l'oublie, comme tous les autres. On est loin (à des années-lumière, dirais-je) des personnages développés et multifacettes d'un AC3, pour ne citer que lui…


Question intrigue/écriture, le Graal est atteint lorsqu'on aborde l'élément censé être majeur du titre : les origines de la Confrérie des Assassins. Comme tout préquel qui se respecte (les fans de Star Wars en savent sûrement quelque chose), le jeu s'empêtre à expliquer certains détails iconiques de la licence, le tout de manière bien stupide, sans aucune subtilité et, au final, au lieu d'apporter une explication convaincante, qui s'intègre parfaitement au canon, ne propose qu'une succession de situations rocambolesques très forcées et qui démystifient plus qu'autre chose. Certaines sont mêmes totalement contredites par le jeu suivant (le saut de la foi peut être fait en -430 mais est inventé en -49 ??). C'était malheureusement à craindre, et il aurait sans doute fallu ne pas les mettre, afin de ne pas énerver encore davantage les fans désabusés…


Et pour évoquer très rapidement la question du présent, il est certes de retour de manière jouable, mais franchement, ça n'en valait pas la peine. Les fans hardcore du modern day devront donc se contenter de miettes laissées par Ubisoft, avec un personnage totalement anecdotique et proprement agaçant, et un caméo impromptu sorti de nulle part. Sans parler du fait que ça ne débouchait sur absolument rien…


En ce qui concerne l'historicité du jeu, là aussi, c'est franchement énervant. Le jeu nous propose de côtoyer plusieurs figures historiques majeures, à commencer par César et Cléopâtre (notamment vers la fin), mais ils ne font, comme tous les autres, que de la figuration. Ils doivent avoir 20 répliques à eux deux et n'ont aucun développement. César sert juste d'antagoniste prévisible vers la fin, et Cléo en est réduite aux pires clichés à son égard. Ptolémée, lui, n'a droit qu'à une seule scène, où il est montré avec énormément de subtilité comme un Joffrey Baratheon eco+… Et je ne parlerai même pas du fait que le jeu se permet de supprimer purement et simplement certains personnages majeurs (notamment Arsinoé et Achillas) ou de la suppression de la base de données de l'Animus, pourtant une mine d'or à informations dans les précédents jeux, ici remplacée par un mode éducatif qui ne sert qu'à faire de la pub… Répugnant.


Pour ce qui est du gameplay, Ubisoft a voulu rebooter la licence, qui fonctionnait, peu ou prou, sur le même modèle depuis 2007. Et dans l'idée, pourquoi pas ? La licence avait besoin de changement, et si ça correspondait à son identité, eh bien ma foi, allons-y. Sauf que…


The Witcher III a eu une influence considérable sur le jeu-vidéo sitôt qu'il est sorti. Et en toute logique, comme le jeu a été plébiscité par la critique et par les joueurs, il a eu de nombreux clones, ou a servi d'inspiration pour bon nombre de jeux. Ubisoft est réputé pour copier des idées, que ce soit de ses autres licences ou d'autres éditeurs. Et Origins en est le parfait reflet. En 2017, le RPG était à la mode, donc Assassin's Creed est devenu un RPG. Si quelques éléments de RPG avaient été intégrés de manière discrète dans Unity et Syndicate (et ça fonctionnait plutôt bien, par ailleurs), c'est ici à grand coups d'arbre de compétence, de level-up, de quêtes fedex, de craft… Et au détriment de mécaniques pourtant inhérentes à la série. On dit donc adieu à l'élimination en 1 coup à la lame secrète (toujours possible, mais moyennant l'amélioration de la lame…), on dit aussi adieu à la vision d'aigle, ici remplacée par un vrai aigle, qui ne sert que de drone pour repérer et marquer les ennemis et les ressources… Et bien évidemment, aucune explication scénaristique de comment Bayek peut voir à travers les yeux de son aigle. Ben voyons…


Le système de combat est lui calqué sur celui de Dark Souls, et peut vite s'avérer pénible lorsqu'un ennemi a ne serait-ce que deux niveaux de plus que nous. Les combats deviennent vite des purges qui durent trois plombes et sans la moindre difficulté. La seule difficulté réside dans le level-up, puisque si vous avez le malheur d'affronter un ennemi qui n'a que trois level de plus que vous, mais qui a strictement le même skin que tous les autres, il vous tuera en deux coups, et vous mourrez comme une merde.


On passera aussi rapidement sur les très très très très nombreux camps à vider, les grottes à explorer, les tombeaux à fouiller… Tout ça est sans intérêt et ne fait que rallonger artificiellement la durée de vie du jeu, qui, en ligne droite, se finit en une dizaine d'heures. Dans la moyenne sans plus…


Je noterai aussi que la map, si elle est gigantesque, est quand même bien vide par endroits. Certaines régions entières (notamment au sud) sont absolument désertes (dans tous les sens du terme) et n'ont rien à proposer, pas une quête, pas un tombeau, pas un cercle de pierre, rien du tout. C'est juste du remplissage. Et pour aborder rapidement la question sonore, la musique est assez réussie, bien qu'oubliable, mais reste agréable à écouter, notamment les musiques d'ambiance. Et pour ce qui est des doublages, si en anglais, ça va, en VF, c'est plus compliqué. La version française de Bayek n'est pas crédible, ne colle pas au et personnage et sonne faux, et d'autres voix ne collent pas plus aux personnages. Et la traduction est toujours aussi merdique par moments.


J'aurais pu parler de quelques autres trucs, notamment les DLC au contenu minable vendus au prix fort, ou encore de l'étrange sensation de ne pas jouer à Assassin's Creed, qui pointe très vite le bout de son nez, comme c'était le cas dans Black Flag (même si je dois dire qu'Ubisoft a fait pire par la suite), ou même des quêtes annexes inintéressantes et identiques entre elles à 80%… Tout ça fait aussi partie, à mon sens des défauts imputables au jeu.


Pour essayer de conclure, je dirais qu'Origins fut pour moi l'épisode de la claque dans la gueule, non pas positivement, mais négativement. C'est là que je me suis rendu compte que tout ce que j'avais aimé dans la série AC n'était plus, sacrifié sur l'autel de la rentabilité et du merchandising. C'est là que j'ai vu qu'Ubisoft se moquait des fans sans état d'âme, que la seule ambition du studio était de faire du chiffre en surfant sur une hype plus que temporaire, d'attirer un nouveau public, massivement plus jeune, en rendant ses jeux beaucoup plus accessibles, réduisant de fait la qualité générale du titre, à tout points de vue… Dire qu'Origins m'a déçu ne serait pas assez fort, car, en vérité, Origins m'a tué. Il a tué ma passion pour AC, et je lui en voudrai à jamais pour ça.

Soda1459
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le 6 mai 2021

Critique lue 711 fois

Soda1459

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