"Qu'ils mangent de la brioche !!!"
Déjà le huitième épisode pour la poule aux œufs d'or d'UBISOFT.
L'occasion de plonger en plein cœur de la révolution française, époque attendue par les joueurs depuis l'Easter Egg d'Assassin's Creed Brotherhood (le fameux bonnet phrygien).
Une période à première vue propice aux complots et assassinats; mais en définitive, grillée par le studio.
Commençons ainsi: Arno Dorian, le héros de cet opus. Né dans la France agitée fin XVIIIème siècle, son histoire est calquée sur le modèle d'Ezio, et sa formation d'assassin expédiée en 5 minutes. Après un Connor victime de son destin et un Edward "pirate-spectateur", notre héros ne rattrape pas les lacunes de charisme de ses prédécesseurs.
Arno ne pense pas, il agit. Il suit ses émotions, a UN objectif en tête, un seul, et ne va pas en démordre pendant toute la durée du jeu. Peu importe les conséquences de ses actes!
Exit donc, le recul et la sagesse caractéristiques des Assassins.
De plus, la romance impossible ondulant autour de l'intrigue aurait tout à fait pu dégager de la passion, mais sa mise en scène est banale au point que l'on est à des années-lumière d'un dilemme shakespearien.
Contrairement au titre (et à l'appétence suscitée par les trailers), notre héros suit à peine les événements majeurs de ce grand bouleversement historique. Tout juste apercevons nous Robespierre, Mirabeau et Louis XVI; et presque aucune trace de Barras, Marat, Charlotte Corday et Danton !
Ou alors, ces personnages emblématiques de la révolution ne sont présents que par le biais de quêtes secondaires (autrement dit, relégués au second plan). Ce qui, à la rigueur, pourrait se comprendre si la quête principale était blindée.
Mais pas du tout! La campagne solo vous occupera 15 heures à tout casser, avec toute une flopée d'événements plus ou moins anecdotiques. Ainsi, une fois encore, la team Ubisoft s'est donnée à fond sur les quêtes secondaires (y compris le fameux mode coopératif). Mais à trop enrichir ce contenu, il en vient à diminuer l'intrigue principale; cette dernière ne représentant que 12% du jeu !
Ah toutefois, à propos d'icone historiques, il y a Bonaparte. Car Napoléon Bonaparte est ici un guest qui a le bon rôle; allez savoir pourquoi (même si on est heureux pour lui).
Par ailleurs, nous ne spolierons pas sur le scénario, cela dit niveau intérêt nous sommes loin de la perfide conspiration des Borgia d'Assassin's Creed II. Elément qui va de pair avec le charisme des personnages.
Mais ce n'est pas le pire; car pendant les longs trajets dans Paris, à part une dizaine de citoyens braillards, nous n'avons pas l'impression d'être pris dans la fièvre tumultueuse de la révolution française ! Il y règne même parfois un calme étrange; ou tout du moins une agitation superficielle. Cela rejoint le paragraphe précédent: malgré un Paris d'époque plus vrai que nature et des centaines de PNJ, cet Assassin's Creed souffre d'un défaut d'authenticité, de vivant, de suspens. Et surtout, aucune analyse critique de la part de nos héros sur le chamboulement historique de 1789.
En comparaison, Connor d'Assassin's Creed 3 était bien plus investit, par son aspiration, dans les péripéties de la révolution américaine. Un comble, qu'un studio français survole l'histoire de son propre pays !
Ce manque de réflexion permet de transiter vers la seconde partie: le Gameplay.
Toujours sur la campagne solo, celui-ci se résume presque à une succession d'assassinats sans réflexion politique. Néanmoins, les techniques d'infiltration sont plaisantes, l'IA des gardes a été revue à la hausse et la panoplie d'assassin a été étoffée (ex: les "ghosts" pour ne pas se faire repérer, les différents moyens pour atteindre une cible…). On peut passer du temps à se frayer un chemin parfait vers l'objectif en débloquant des passages secrets (crochetages, tunnels, déguisements…).
Niveau customisation, un large éventail d'armes, équipements et tenues raviront tous les goûts. Comme d'usage, cet Assassin's Creed comporte un petit volet gestion-RPG par le biais du Café-Théâtre; ce qui contentera les joueurs jusqu'auboutismes.
Cependant, le choix d'upgrade pour les skills comporte quelques perles: il faut par exemple débloquer une compétence pour s'assoir sur un banc public ! (capacité qui était, bien entendu, innée auparavant).
Graphiquement, désormais. C'est très beau, immersif, et Paris version 1792 est d'une fidélité impressionnante aux modèles de l'époque. La modélisation des personnages et des décors est soignée, rien à dire sur la direction artistique. Pourvu que vous ayez une bête de course pour jouer !
Le studio en avait fait des patacaisses sur le "ultra moteur graphique next gen", à tel point qu'une farandole de bugs ont gâchés la sortie du jeu sur toutes les plateformes (PS4 et XboxOne également), obligeant Ubisoft à déployer 3 patch en moins d'une semaine !
C'est bien beau de matérialiser 10 000 PNJ au même endroit (en torturant la carte graphique au passage), mais au vu des bugs de collision et de l'IA variable, ce n'est qu'un voile de fumée.
De plus, avoir choisi la ville de Paris comme "open world" est critiquable. Malgré leurs défauts, il y avait une chose qu'Assassin's Creed III et IV réussissaient à merveille: faire voyager. Que ce fut dans les immenses forêts enneigées d'Amérique du Nord ou à travers l'archipel fiévreux des Bahamas, le joueur se sentait dépaysé. Même dans les aventures d'Ezio, on visitait une multitude de lieux. Alors que là, être cloitré entre Paris et Versailles…
Certes, ce point mérite d'être nuancé; vu que cette critique est rédigée par un francilien. Nul doute que les gamers d'autres pays seront fascinés par la reconstitution de cette ville si touristique qu'est Paris. Mais il n'empêche, ce statisme urbain donne moins de fougue aux aventures de notre héros.
Enfin, mêmes les musiques en deviennent standards. Car excepté le thème d'Arno-Elise et quelques carillons style XVIIIème siècle, rien de trépidant. Rien de comparable, une fois encore, aux mélodies amérindiennes, aux rythmes panachés des Caraïbes ou aux violons italiens.
C'est un constat aussi triste qu'indéniable: la série perd en qualité.
Devenu un blockbuster vidéoludique, les développeurs d'Assassin's Creed ne semblent plus se préoccuper que des graphismes au nec plus ultra et de surfer sur les tendances du moment (comme le mode coopération). Au détriment du scénario, de la profondeur des personnages, de la cohérence de l'univers et, même, de l'utilisation du cadre historique (alors que cela avait toujours été la force des Assassin's Creed).
En clair, une déception.