Gros dossier que cet opus d'Assassin's Creed. Très gros dossier.


Je dois l'admettre, j'apprécie beaucoup la série en dépit de ses aspects un peu répétitif. C'est avant tout pour l'histoire et l'ambiance que je joue à ces jeux, aussi n'ai-je été que très rarement déçue par ces derniers, le gameplay passant -dans mon cas- au second plan. Ceci étant dit, en ce qui concerne Unity, je suis littéralement le cul entre deux chaises.


La Révolution française est un énorme morceau à exploiter – et était attendu comme le messie par les joueurs français. Étonnamment -malgré ce que laissaient penser les bande-annonces qui jouaient à fond la carte de la lutte contre la noblesse et la corruption, et à l'inverse d'Assassin's Creed III qui faisait intervenir son protagoniste dans tous les événements marquants- nous ne sommes pas acteurs de cette Révolution, mais de très lointains spectateurs. Arno Dorian, notre héros, est avant tout motivé par une question de vengeance personnelle, et n'est jamais réellement concerné par ce qui se passe – ce qui aurait pu être un choix pertinent en soi si seulement il avait été bien exploité.


Car problème : l'histoire de notre assassin est réduite à peau de chagrin et n'interpelle jamais vraiment le joueur. Là où la tragédie d'Ezio, dans Assassin's Creed II, nous prenait directement aux tripes, celle d'Arno nous indiffère, pour plusieurs raisons. D'abord parce que nous n'avons pas le temps de nous prendre de sympathie pour le père d'adoption d'Arno, alors que les Auditore nous avaient été présentés de façon bien plus efficace. Ensuite parce que l'entrée d'Arno dans la Confrérie est finalement très aléatoire – il rencontre par hasard un Maître Assassin qui ne nous sera finalement jamais très proche, et il ne donne jamais l'impression d'être intéressé par la Confrérie en elle-même et en son credo. Enfin parce que les liens qui unissent les différentes victimes sont réduits au strict minimum, ce qui fait qu'Arno semble paradoxalement très distants d'eux alors qu'il est censé avoir des affaires personnelles à régler (je pense que le manque de dialogues post-assassinat est en grande parti responsable de ce fait). On peut résumer ces remarques en une : ce que vit Arno n'est absolument pas intéressant, et c'est d'autant plus frustrant quand on voit l'intensité de la période dans laquelle il se trouve. Surtout qu'en plus, le personnage avait un caractère relativement intéressant, possédant à la fois un charme à la Ezio et un cynisme à la Edward.


Attention, petit spoiler en vue :


L'histoire est par ailleurs si téléphonée que la fin en devient très décevante. Très abrupte, alors qu'elle vient de présenter une relique d'Eden qui devrait à la fois interpeller Arno et les Assassins qui vous dirigent lors de votre virée dans l'Animus, elle donne l'impression que tout le monde se fiche de ce qui se passe. Le petit discours d'Arno en voix-off permet certes de comprendre un peu plus comment Templiers et Assassins ont pu laisser les choses se dérouler ainsi (les premiers empoisonnant la liberté rêvée des seconds pour faire peur au peuple, et leur donner envie de revenir vers un système plus autoritaire) mais il intervient bien trop tard, comme un cheveux sur la soupe. Le jeu donne presque l'impression de ne pas se terminer, ce qui est très perturbant...


C'est au final le personnage d'Elise qui apporte un peu d'intérêt à toute cette affaire – et sa relation avec Arno est plutôt bien fichue, j'avais peur que l'on tombe dans du romantisme mielleux, mais l'ensemble est assez bien équilibré. Le souci, c'est que comme pour Arno on apprend assez peu de choses sur elle, et elle ne représente pas forcément son propre « credo » de façon pertinente.


Tout cela est d'autant plus dommage que le Paris de la Révolution est dantesque : la direction artistique est superbe, le nombre d'habitants dans les rues est hallucinant, et la carte -immense- offre tout un éventail de missions qui rendent le tout très vivant. Alors oui, ces dernières sont souvent un peu répétitives, mais pour autant les récits Parisiens sont très intéressants à suivre et les missions co-op sont assez amusantes à jouer, même si on est parfois frustrés quand on tombe sur un partenaire qui veut clairement se la jouer solo. Mieux vaut alors privilégier le jeu avec des amis, pour éviter ce genre de désagrément.


Enfin question gameplay, quelques améliorations sont à noter : la course libre est beaucoup plus fluide et agréable (on peut désormais descendre rapidement des bâtiments sans se tuer), les lieux nous permettent de s'infiltrer plus efficacement et sont organisés de façon à ce que l'on privilégie ce mode de jeu, les ennemis sont un peu moins cons qu'avant (mais restent toujours très faciles à tuer, il ne faut pas déconner) et le système de personnalisation de votre personnage est vraiment très sympa et bien poussé. Force est cependant de constater que de beaux bugs subsistent, notamment quand on essaye d'entrer par une fenêtre ou même de descendre une bête échelle...


Unity, en conclusion, est clairement un bac à sable géant : si votre kiff est de sauter de toit en toit et d'assassiner tout malfrat qui aurait le malheur de vous croiser, vous ne pouvez que l'adorer tant la ville de Paris est superbement refaite. Si comme moi vous jouez pour l'histoire, vous serez forcément déçu à un moment ou un autre et je trouve cela bien dommage, étant donné que les derniers opus de la licence étaient remarquablement bien écrits.

Sigynn
7
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le 11 févr. 2016

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Sigynn

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