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Après le succès critique et commercial du premier épisode et de son extension, Bioware entend bien battre le fer tant qu’il est encore chaud et profiter de son expérience acquise et de son développement interne pour proposer de nouvelles aventures inoubliables au sein des Royaumes Oubliés. Si réputé comme l’excellence du jeu de rôle occidental de son époque, son aura en éclipserait presque son aîné que j’avais pour ma part déjà beaucoup apprécié. Voyons s’il a su être à la hauteur des attentes que je pouvais placer en lui ou si le premier opus avais déjà tout pour lui.


Pour information, j’ai fait le jeu principalement sur sa version dite Enhanced, mais c’est bien la version originale que je vais critiquer ici, par ailleurs indépendamment de son extension Throne of Bhaal. La critique étant longue, je vous propose pendant la lecture l’écoute de ces superbes covers des thèmes de romance par Celestial Aeon Project.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



Le même moteur de jeu, légèrement amélioré, que le premier épisode rend un niveau graphique aussi soutenu que ce à quoi on pouvait s’attendre avec les évolutions techniques normales de son époque, supportant notamment de meilleures résolutions graphiques, permettant l’affichage de sprites de plus grande ampleur. Par contre, la prise en charge des cartes graphiques 3D est quant à elle plus gadget. Il reste toujours un niveau de détails bas si tôt que le zoom est trop grand ou que l’on s’attarde sur quelques rares éléments de décors moins soignés que le reste, mais avec un même moteur de jeu et en moins de 2 ans c’est assez logique, nous sommes en l’an 2000. Si l’on compare cette réalisation aux hauts standards des jeux PC en vue isométrique de l’époque, Baldur’s Gate 2 s’y inscrit sans problème avec un moteur certes en fin de vie mais aussi arrivé à maturité.


L’une des principales évolutions visuelles que je relèverais serait peut-être bien la diversité environnementale toujours plus importante avec des régions et mondes assez exotiques à découvrir. C’est vraiment très complet en allant piocher dans des ambiances très différentes et réparties assez intelligemment entre environnements faisant plus ou moins écho à ceux du premier épisode tout en se les réappropriant, le grand centre urbain ayant cette fois-ci par exemple un look byzantin, et environnements beaucoup plus inédits dans la franchise, en mettant en image d’autres environnements emblématiques de l’univers de Donjons et Dragons.


Bioware, bien conscient du potentiel artistique qu’ils nous mettent sous les yeux, ont d’ailleurs choisi d’intégrer une option pour faire disparaître l’interface afin d’en profiter pleinement, c’est un ajout assez appréciable par rapport au précédent épisode. Le seul petit bémol que j’y verrais c’est qu’il n’est parfois pas si aisé de distinguer visuellement un élément de décor et un passage, comme lorsque l’on est sur les branches d’un arbre où la perspective peut vite nous jouer des tours. Mais c’est tout de même peu fréquent et peu gênant, un reproche bien insignifiant.


L’autre ajout visuel majeur propre à cette suite c’est bien entendu l’arrivée des dragons, Bioware ayant attendu d’avoir la maîtrise de leur moteur de jeu pour qu’ils puissent être à la hauteur attendue, littéralement. Et Baldur’s Gate 2 en regorge avec des designs très différents les uns des autres et en accord avec le rôle tenu par ces majestueuses créatures, parfois ennemis implacables se dressant sur notre route, parfois de potentiels alliés de circonstance. La perspective choisie par le titre permet vraiment de nous faire ressentir minuscule en leur présence et ça s’adaptera toujours très bien au contexte, car ennemis comme alliés ils auront tendance à nous prendre de haut.


Une autre évolution technique que j’apprécie tout particulièrement se trouve au niveau sonore cette fois-ci, puisque les doublages y sont beaucoup plus nombreux mais surtout les voix sont plus claires pour pleinement apprécier les performances du casting vocal original sur lequel je reviendrai plus tard. Ces personnages ainsi incarnés profitent aussi de portraits plus évolués avec davantage de détails et d’accessoires pour les mêmes personnages que le premier épisode, ce qui est toujours bon à prendre, mais surtout avec des nouveaux chara-design qui ne manquent pas de détails ou d’identité, notamment pour ses antagonistes principaux.


L’OST, composée par Michael Hoenig peut être très efficace dans les registres épiques en se reposant toujours plus sur les chœurs pour soutenir les combats plus ardus et aux enjeux scénaristiques les plus forts, alors que bien des morceaux seront poser l’ambiance relaxante ou anxiogène convenant au lieu. Néanmoins, je dois bien avouer ne pas la trouver si formidable que j’ai pu le lire et non ça ne fait pas partie des OST préférées de jeux vidéo, il y a même certains morceaux dont je préfère leur équivalent du premier opus, mais ça reste une très bonne OST à n’en pas douter. SI le bilan visuel comme sonore, technique comme esthétique, est très solide dans son ensemble, il est temps d’aborder un scénario et narration dont j’attendais encore plus de par la réputation du titre.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★☆



Alors que le XXème siècle prend fin, Bioware grandit en même temps que sa saga et acquiert 2 nouveaux membres de poids dans son équipe : le scénariste Drew Karpyshyn, qui signera notamment par la suite les scénarios de Star Wars KOTOR et de Mass Effect, universellement reconnus comme parmi les meilleurs scénarios du studio mais surtout de l’histoire du média vidéoludique, et le scénariste David Gaider, qui donnera naissance à l’univers de Dragon Age, moins acclamé mais que j’apprécie également énormément. J’avais donc de quoi rêver en voyant ces renforts débarqués dans cet univers qui m’avait déjà convaincu de ses grandes qualités scénaristiques et narratives.


D’entrée de jeu, et après avoir complètement spoilé Baldur’s Gate 1 dans son intro, soyez-en prévenus, Baldur’s Gate 2 annonce la couleur assez sombre de son synopsis, une alliée jusqu’ici très gentille et innocente nous apparaît traumatisée suite aux tortures qu’elle a subi et assoiffée de vengeance, un allié emblématique du premier épisode est retrouvé mort dans un état lamentable sous les yeux de sa compagne… Ça peut même être considéré comme trop extrême avec des personnages jouables depuis des dizaines d’heures dans le premier épisode qui peuvent ainsi disparaître hors champ, même si personnellement j’ai plutôt apprécié cette proposition pour le moins radicale.


Et cette brutalité on la retrouvera bien à différents moments du scénario, le jeu n’hésitant pas à nous placer dans des situations extrêmes en faisant par exemple d’un personnage jouable important un traître qu’il nous faudra nécessairement tuer même s’il nous accompagne depuis des dizaines d’heures et qu’on fait tout pour éviter la confrontation. On retrouve aussi du premier épisode de nouveaux des passages oniriques avec pas mal de créativité dans les rencontres que l’on pourra y faire, matérialisant nos pires craintes, nous amenant à la confrontation avec nos démons intérieurs… Il est à notre par ailleurs que si l’import de sauvegarde depuis le premier jeu est appréciable, ce n’est pas encore aussi développé que pour les productions suivantes du studio, mais c’est ce jeu qui l’a inauguré pour le studio, et rien que ça c’est déjà beaucoup.


Le nombre de dialogues entre nos personnages jouables et selon les événements en cours est bien plus important que dans le premier épisode pour un sentiment d’immersion et de camaraderie parmi ce qui peut se faire de mieux dans ce style de jeu, le pinacle étant le léger système de romances, pour la première fois dans l’histoire du studio. De plus, le casting vocal donne vie à ces personnages de bien belle manière, avec toujours cette nette préférence pour la VO. Il y a juste un tout petit problème, c’est que ces petits dialogues sympathiques peuvent survenir lors de moments dramatiques ou anxiogènes, où une petite chamaillerie entre deux camarades fait un petit peu tâche. Mais ça ne m’est arrivé que 2 ou 3 fois en plus de 60 heures de jeu et le problème du premier jeu avec le dialogue apparaissant en plein combat a quant à lui été corrigé, donc au final ça serait exagéré d’en tenir rigueur au jeu.


L’univers s’est enrichi de contrées diversifiées à parcourir durant notre périples, autant de cultures différentes de celles connues jusqu’ici, riches dans les thématiques qu’elles soulèvent, en concordance avec la direction artistique qui s’y attache… Beaucoup de dialogues facultatifs nous permettent d’appréhender tout ça comme bon nous semble et beaucoup ne sont pas du tout obligatoires et même être complètement manqués, c’est donc une narration à la fois maîtrisée et audacieuse qui se met au service de ce riche univers. C’est même pour moi la première qualité de ce scénario, l’intrigue en elle-même est très bien mais c’est surtout ce voyage qu’elle implique qui m’aura le plus intéressé et ça c’est assez inédit dans la saga.


Quant aux zones annexes, qu’il est devenu difficile d’en trouver sans quêtes développées et intéressantes nous y attendant. Si ce n’était pas un gros reproche que je faisais au premier épisode à ce sujet, Bioware a tout de même voulu faire mieux et témoigne ainsi d’une grande quantité de travail abattue sur l’univers en général, pas seulement sur les quêtes les plus importantes, faisant que la durée de vie gargantuesque n’est jamais superficielle. La fonction de tri du journal de quêtes n’est d’ailleurs pas de trop pour s’y retrouver dans toutes ces péripéties. Le seul petit bémol c’est qu’elles sont parfois si nombreuses qu’elles s’entremêlent parfois maladroitement, avec des quêtes se déclenchant en plein milieu d’autre alors qu’elles ont le même sentiment d’urgence apparent, mais ça ne m’a que rarement poser problème.


Néanmoins, la fin m’a un petit peu déçu en ce sens que je ne la trouve pas aussi versatile que celle du premier épisode qui en étant unique pouvait aussi bien s’adapter à l’alignement moral que l’on avait choisi. Elle est ici beaucoup plus classique et des éléments y ont été ajoutés de manière un peu artificiel à mon goût pour que ne soit pas complètement oublié l’alignement moral, dommage de finir sur une note comme celle-ci alors que tout le reste de la trame principale avait été mené très efficacement, et nous sommes bien d’accord que je ne parle ici que de la fin du jeu original, non de son extension.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆



Reprenant le game-design riche, ergonomique et exigeant du premier épisode, en toute logique puisqu’il était aussi réussi qu’apprécié, Baldur’s Gate 2 le pousse encore plus loin et ça se voit dès la création du personnage qui nous dévoile toutes ses nouvelles possibilités de classes et de sous-classes tout en nous permettant d’importer le personnage créé lors de nos premières aventures. Si cet import a des vertus narratives et scénaristiques que nous avons déjà évoqué, cette possibilité de se reposer sur notre travail passé en nous laissant la possibilité de l’adapter aux nouveautés de cet éditeur est vraiment bienvenu sur le plan ludique et même historique pour le jeu vidéo dans son ensemble.


Partant du principe qu’on a déjà joué au premier opus, Baldur’s Gate 2 ouvre très vite son terrain de jeu en rendant accessible dès le début des donjons et quêtes très difficiles, adaptés en cas d’import de personnages au niveau bien avancé mais peut-être pas des plus accueillants pour un nouveau joueur il faut l’admettre. L’ajout d’une quête de classe donnant accès à un bastion n’est pas sans confort pour explorer tout ça et justifier une telle prise de position là où il est plus courant d’ouvrir l’espace de jeu dans un second temps. Mais je pense tout de même qu’il aurait été préférable de cloisonner un peu plus les possibilités de jeu en tout début de partie pour les élargir par la suite, pour plus de cohérence et de rythme dans la progression.


Tout le contenu a été revu à la hausse, en général en double d’ailleurs : 2 fois plus de niveaux, 2 fois plus de sorts, 2 fois plus de créatures ennemies… ce qui constitue une évolution assez conséquente pour une suite à la date de sortie aussi rapprochée, surtout que le manque de contenu n’était pas vraiment un reproche que l’on pouvait adresser à Baldur’s Gate, 2 fois plus c’est donc réellement généreux. Ça l’est peut-être un peu trop d’une certaine manière tant cela requiert beaucoup de lectures, et de recherches annexes complétant les descriptions incomplètes ou imprécises, pour sélectionner efficacement ses équipements, sorts… afin de pouvoir s’en sortir en difficulté élevée, mais comme ce mode ne s’impose pas j’ai évité ce problème et ça ne m’a ainsi pas dérangé.


Avoir repris le système de jeu tel qu’il était c’est aussi en reprendre les quelques écueils, le pathfinding en tête, et j’avoue que j’avais espéré une petite amélioration à ce sujet même si encore une fois l’approximation des déplacements reste acceptable pour peu qu’on soit patient et qu’on ne se repose pas trop sur l’IA. Il en va de même pour la progression lente et très linéaire de certaines classes qui n’en est donc pas très addictive, là où toutes celles débloquant de nouvelles magies seront beaucoup plus intéressantes, ce problème d’équilibrage n’a pas été revu.


Mais Baldur’s Gate 2 ne manque pas d’idées pour exploiter davantage ce système en essayant de toujours développer les situations de jeu. Le jeu ne consiste jamais ainsi trop longtemps en une simple succession de combats classiques, avec des énigmes à résoudre pour affaiblir un ennemi sinon surpuissant, des items uniques pour contrer des attaques spécifiques de la zone parcourue, des équipements très puissants qui ne peuvent être utilisés que dans certains environnements, des cheminements alternatifs pour atteindre un même objectif en étant exposé à des obstacles très différents…


Plusieurs fois j’ai été mis en difficulté d’une manière que je vivais injuste jusqu’à découvrir l’une de ces nouvelles mécaniques faisant toute la différence, ce qui témoigne d’un travail assez poussé des développeurs qui s’explique par la maîtrise plus grande du moteur de jeu leur permettant de se concentrer davantage sur le game-design. Par conséquent, le gameplay de Baldur’s Gate 2 ne parvient pas à effacer les quelques limites héritées du premier épisode mais il parvient à faire mieux malgré elles et en ce sens à être parfaitement à la hauteur de son statut de suite et non de redite.



CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆



Avec une réalisation plus impressionnante et aboutie, une diversité environnementale plus élargie et originale, un contenu plus généreux et élaboré, un univers plus riche et sombre, une narration plus maîtrisée et audacieuse… Baldur’s Gate 2 Shadows of Amn a pu sans grande surprise satisfaire mes attentes pourtant bien élevées après un premier épisode déjà très réussi. Ses 2 millions de copies écoulées et sa très haute reconnaissance critique viennent saluer les efforts de Bioware et confirmer leur fulgurante progression alors que les années 2000 et la 6ème génération de console s’ouvrent à eux.

damon8671
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le 12 déc. 2021

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