Battlefield 1
7.1
Battlefield 1

Jeu de DICE et Electronic Arts (2016PlayStation 4)

Notre époque... est étrange. L'on peut prétendre qu'elle est moderne – ou post-moderne si vous êtes de ces bizarres Baudrillardiens ravis de participer de manière active à une forme de réflexion dont on peut tout aussi aisément dire qu'elle date du siècle ou du millénaire passé – tant qu'on le veut mais la meilleure manière de dire les choses appartient au langage familier : elle a la tête dans le c*l. Sérieux. Elle a la tête dans le c*l d'une telle force qu'on se demande précisément quel type de concours de forains a bien pu la carrer aussi bien. Ce n'est pas la simple exploration accidentelle du samedi soir où l'on se dit de manière innocente que l'on va plonger le front dans l'orifice afin de voir de quoi il est question. Après tout, tout le monde en parle. Oh non ; c'est une spectaculaire exploration du sens presque existentiel de ce type de démarche qui représente notre époque. Ce n'est pas le genre de tentative où l'on se dit que – si ça c'est pas étrange, d'ailleurs – si je m'y mets jusqu'aux oreilles... je peux entendre mon corps digérer. Ou, encore mieux, celui de quelqu'un d'autre. Que nenni, c'est une expérience digne de la TV Réalité où tout un chacun peut envoyer un SMS surtaxé pour voter sur la meilleure manière de participer à cette discipline étrange. Sur les réseaux sociaux des gens comme vous et moi se donnent des conseils dignes d'experts sur comment procéder de la meilleure manière. Avec quel type d'onguents l'on arrive aux meilleurs résultats. Quel type de nutrition adopter pour rendre l'exercice agréable. Tout ça, et bien plus. (Pour rappel : ceci est une métaphore censée résumer l'état de conscience de notre époque dans le cadre d'une critique de jeu vidéo, merci de votre compréhension.) Ou, pour faire plus simple : son sens des priorités est sans dessus-dessous.


Oui, sans dessus-dessous. C'est du Français. Vous le sauriez si vous étiez allé à l'école. Enfin, je crois ; l'échec du système éducatif est tel que – comme le dit la chanson chantée dans un français acceptable par un homme dont on me dit qu'il est pourtant l'un des plus grands penseurs de notre temps – plus rien ne m'étonne. La démocratie, dit-il de l'air détendu mais pourtant assez fataliste de ceux qui se savent fin de race, ne peut survivre sans citoyens. Oh, vous me direz sans-doute qu'il suffit de voter pour correspondre à ce type de définition. D'ailleurs, c'est techniquement vrai. Mais peut-on prétendre être un citoyen si la myopie d'une philosophie partisane vous empêche de vous informer en connaissance de cause ? Pas vraiment. Dans un pareil cas l'on ne fait que régurgiter du prêt à penser destiné à faire survivre un statut-quo liberticide. Ce qui nous amène aux médias. Enfin, ce qu'il en reste. Loin de moi l'idée de souligner qu'ils sont devenus des publications publicitaires d'un nouveau type plus intéressées par l'idée de « vendre » un point de vue plutôt que de tenter de réaliser le sacro-saint impératif démocratique de tenter d'éduquer... mais faut pas trop déconner non plus. Ces nouveaux systèmes d'adresse de masse tiennent plus du bourrage de crâne que du journalisme. En somme – et en vous passant mon traditionnel couplet sur la mort des primates, de leur habitat, et de la nature nécessaire à nous permettre de survivre sur cette planète presque surpeuplée – les conditions sont parfaites pour une guerre mondiale axée autour de philosophies mensongères et pourtant populaires ! Yatta ! Le Japon se remilitarise !


L'une des autres caractéristiques de notre étrange époque réside dans ce besoin constant de mettre en scène les grandes tragédies militaires des derniers millénaires pour qu'elles constituent de le décor de produits de consommation massive censés nous divertir. Parfois - suivant l'appel opportuniste d'un centenaire qui sent bon le marketing – l'on en tire un pathétique petit comics interactif censé faire pleurer dans les chaumières tout en masquant les horreurs de la guerre sous une esthétique cute totalement déplacée... et un discours étrangement nationaliste proche des raisons qui ont poussé ce type de conflit à avoir lieu. Dans d'autres cas, plus rares mais aussi plus précieux, l'on tombe sur une tentative de faire passer par les moyens de représentation du jeu vidéo le massacre insensé d'une génération entière par les rouages d'une guerre dépourvue de sens. Et là, un bref instant de stupéfaction saisit l'assistance quand – avec un petit bruit qui n'est pas très loin de schiplfrflfffpop – sa tête sort quelques instants de son fondement pour voir l'horreur de l'existence. La vraie. Retranscrite par des moyens qui ne le sont pas le moins du monde. L'horreur, certes pour de faux, mais pourtant compréhensible de manière viscérale par le plus intellectuellement démuni de nos concitoyens. Tel est le paradoxe du jeu vidéo : il sait éduquer, avec aisance, mais il est rare que ses sujets bombastiques puissent s'accorder simultanément de cet impératif et de celui souvent inverse de divertir. Après tout, le peuple ne veut-il pas... du pain et des jeux ?


Car – et c'est là l'une des autres leçons majeures de l'histoire – la nature fondamentale de l'humain change fort peu au fil du temps. Violent, envieux, superstitieux, parfois même stupide... il est bien rare qu'il s'élève à la hauteur de ces idéaux qui ont été nommés l'Humanisme dans ce qui ne peut avoir été qu'un moment d'optimisme débordant. Tout ceci, Battlefield 1 l'a bien compris. Ses qualités de gameplay sont parfaites pour tenter de retranscrire ce que certains nommaient à l'époque la guerre totale et ses nombreux DLC. (Après tout, ce n'est jamais qu'un jeu E.A.) C'est pourquoi ils vous plonge incessamment dans la peau de ceux dotés des qualités nécessaires à survivre au conflit. Vous serez – à tour de rôle – tueur, menteur, beau parleur, australien où même... Lawrence d'Arabie ?! Oui, Lawrence d'Arabie. Tout ça dans un seul but : vous faire comprendre que la guerre n'a rien d'héroïque. Rien. Si ce n'est le compte-rendu qu'en donnent les vainqueurs. E.A., donc, pour ceux qui suivent.

MaSQuEdePuSTA
7
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le 20 déc. 2016

Critique lue 567 fois

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