BioShock Infinite
7.5
BioShock Infinite

Jeu de Irrational Games et 2K Games (2013PlayStation 3)

Certains jeux vidéo se rapprochent de plus en plus des films. Ici, Bioshock Infinite dépasse le septième art en nous offrant un scénario époustouflant digne des plus grands thrillers, où le dénouement vous laissera bouche bée. Mais commençons par le commencement. Booker DeWitt est un homme alcoolique et violent qui doit se rendre dans la ville aérienne de Columbia pour sortir une jeune fille nommée Elizabeth des griffes d'un mystérieux prophète. « Libérez la fille pour effacer la dette ». Mais, de quelles dettes parlons-nous ?

Bienvenue dans un style semi-baroque où les couleurs flamboyantes font voyager votre esprit dans des endroits inconnus. Bienvenue dans des décors fantastiques à l'ambiance festive, où la musique résonne de mille sons. À moins que ces notes ne soient un tantinet angoissantes. À moins que ces décors ne soient glauques à souhait à cause de son absence totale de monde à certains endroits. À moins qu'enfin, de véritables tueries ne soient présentes à des étages plus sombres, et se cachent sous cette façade utopique. À moins que...

Ce mystère si bien ressenti se prolonge dans l'identité même du personnage que nous incarnons. Antihéros par excellence, cet homme charismatique à la voix bien virile reste un archétype dans le monde vidéo-ludique. Sa singularité réside dans son caractère énigmatique. Pourquoi s'est-il retrouvé ici, à devoir sauver cette fille ? À l'image d'un polar parfaitement orchestré, vous ne le saurez qu'à la fin. Sa jouabilité est quant à elle très intuitive, simple et jouissive avec ces pouvoirs magiques impressionnants. Mais les créateurs misent vraiment tout sur l'ambiance, grâce à des couleurs très saturées avec un univers à la fois graphique et réaliste. Ce qui donne une atmosphère tout simplement majestueuse à l'ensemble, et qui ne ressemble à nulle autre pareille.

Parlons maintenant du sujet qui nous a donné l'envie de prendre la plume pour ce chef-d'œuvre. L'apparition du septième art dans ce jeu vidéo se fait en filigrane. La jeune fille que nous devons sauver a l'aptitude d'ouvrir des fenêtres sur le monde. Par ce pouvoir, elle a la formidable capacité de modifier l'espace-temps, le monde et donc, notre vision des choses. Les développeurs s'amusent parfois à transformer notre aire de jeu en représentation théâtrale (passage avec les bâtiments de Fink), où l'on fait notre propre mise en scène. De magnifiques mises en abîme avec des jeux d'ombres sont opérées lorsque nous jouons à l'intérieur même d'un décor pré-établi (expositions du musée). Vos yeux ne seront pas les seuls à vous rappeler que le cinéma n'est jamais loin. La bande-son est également au plus haut niveau pour donner à Bioshock Infinite des allures d'œuvre culte. Des voix off constantes parsèment votre aventure dans tous les recoins de Columbia, comme si Big Brother de 1984 pouvait vous suivre partout. Et quand la pression montera et que le danger se fera sentir, des cordes violentes dignes des plus grands Hitchcock vous accompagneront dans votre effroi.

Des sujets sérieux que le jeu vidéo ne prend pas souvent le risque d'aborder de cette manière rendent cet épisode de Bioshock encore plus mature. « Travail. Famille. Patrie. » sont remis au goût du jour même si nous pourrions ajouter « Religion ». En effet, le prophète joue un rôle prépondérant dans le récit, en prouvant la dangerosité de la foi aveugle en quelqu'un que l'on croit supérieur. Cette question spécifique de la religion et plus généralement de la croyance a déjà été vue de nombreuses fois (récemment dans The Master) au cinéma. La vision pessimiste qui nous est faite du travail (homme = objet et profit) ou la critique de l'Histoire (guerres et héros oubliés) participent activement à la réussite de ce divertissement, qui est évidemment bien plus que cela.

Arrêtons-nous là pour n'affirmer qu'une chose : le jeu vidéo est un art à part entière qui peut réussir à utiliser d'autres domaines de manière brillante, afin de constituer des perles comme cet inoubliable Bioshock Infinite.
Hugo_Harnois_Kr
9
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Créée

le 7 févr. 2014

Critique lue 319 fois

Hugo Harnois

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