Bound
5.9
Bound

Jeu de Plastic et Sony Interactive Entertainment (2016PlayStation 4)

Bound narre l’histoire d’une jeune princesse dans un monde étrange et déstructuré qui doit combattre une créature lui menant la vie dure. Elle est aidée par le héros de ces lieux et sa mère la reine. Mais plus que tout, c’est un pouvoir bien particulier qui va lui permettre de franchir tous les dangers : la danse. Car oui, à chacun de ses mouvements, la frêle princesse se meut par des acrobaties, des petits pas, des sautés en grand écart. D’une beauté artistique folle, l’animation du personnage est une merveille et on se plaît à la regarder bouger avec une telle grâce qu’il est impossible d’en décrocher les yeux. À la fois fragile et puissante, cette princesse d’un autre monde nous régale dans ce ballet vertigineux où chacun de ses pas est une ode à la délicatesse et à la beauté du mouvement. Les contrôles seront très simples pour le premier débutant venu, puisque chaque touche correspond à une figure particulière : les gâchettes servent à accélérer ou déclencher le GRS, fameux ruban qui viendra protéger l’héroïne des ennemis qui essaieront de lui nuire, tandis que les autres touches permettent de combiner saltos avant et roues acrobatiques.


C’est d’ailleurs le point fort de Bound : mixé à un décor vivant à chaque instant, véritable chaos somptueux où se conjugue une mer déchaînée de briques au blanc éclatant et des formes anguleuses aux couleurs vives, le titre se pare d’un graphisme épuré et grandiose, avec un mode Photo qui ne se cantonne pas au rôle de feature accessoire. On se prend à jouer les photographes au courant abstrait, en jouant avec l’exposition, le flou de focale et le vignettage du rendu pour sortir la plus belle image qui soit. Malgré le manque de variété des niveaux traversés qui changent très peu de couleurs et de tonalités, le charme opère très vite et comble le joueur en quête de beauté visuelle. Malheureusement, c’est là que la magie trouvera ses limites.


Bound plonge carrément quand on s’aventure un peu plus loin. Une fois la surprise passée, on se rend compte que le jeu ne demandera pas plus au joueur que d’avancer, sauter de temps en temps pour franchir quelques obstacles très simples, et appuyer sur R2 pour déclencher le GRS et se libérer des entraves maléfiques à chaque fin de parcours. On trouve bien ici et là des chemins alternatifs avec quelques passages plus délicats, mais on constate vite que la maniabilité et les errements du game design pose bien plus de problèmes quand il s’agit de faire des mouvements plus audacieux. Le level design fait aussi des siennes, avec une lisibilité difficile des éléments accessibles, occasionnant par la même des chutes impromptues et rageantes.


C’est notamment dans sa narration que Bound fait le grand écart : sans dévoiler les surprises de l’histoire, on se rend vite compte que l’univers de Bound et de cette mystérieuse princesse n’est que la psyché intérieure d’une personne bien réelle. Chaque niveau est l’occasion de raccrocher avec un souvenir, un passé, sous la forme de scènes fragmentées se reconstruisant sous notre passage. Les personnages de cet univers ne sont finalement que des métaphores de la réalité et d’un contexte particulier. La danse est un prétexte pour se cacher de la dure vérité. Mais au bout du compte, il faudra attendre l’arrivée de cette (courte) aventure pour décrypter la narration et avoir le fin mot de l’histoire.


On a du mal à cerner l’importance de toutes ces scénettes, et la mise en scène relativement cryptique de ces séquences ne feront que provoquer un léger froncement de sourcils en se demandant où le jeu veut en venir. Et lorsque la conclusion apparaît, on comprend l’intention, mais il est difficile d’approuver une telle méthode narrative pour arriver à un résultat qui se veut « complexe et mature » mais que l’on a déjà vu mille fois. On ne retiendra que le contexte visuel et son approche audacieuse mais maladroite. Pour couronner le tout, et voulant peut-être combler le manque de contenu d’un titre vendu à un prix un poil prohibitif, le jeu débloque un mode « speedrun », en complète contradiction avec ce que le titre essaye de nous dire, balayant toute idée de contemplation et de poésie pour forcer le joueur à faire un simple contre-la-montre. Un contre-sens total difficilement explicable.


Passé les premiers instants d’émerveillement, Bound effectue une ronde un peu trop acrobatique qui dévoile la pauvreté du game design, malgré la superbe plastique et l’animation divine du personnage principal. L’histoire cherche trop à cacher la pauvreté de son discours final, alors que le contexte est bien plus intéressant : les mouvements gracieux et mélodieux d’une princesse face à la rudesse de l’environnement dans lequel elle évolue est finalement bien plus intéressant (le choix du titre n’est évidemment pas anodin). Au lieu d’en profiter, Bound ne fait que répéter le même schéma jusqu’à l’excès pour asséner au joueur un message finalement pas si original que ça. De Bound ne restera que son mode Photo, sa beauté à couper le souffle et les merveilleuses danses de cette jolie demoiselle. Et c’est fort dommage.

Cronos
5
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le 22 sept. 2016

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