Carrier Command
7.3
Carrier Command

Jeu de Realtime Worlds, Microplay et Rainbird (1988Atari ST)

Comment expliquer à un jeune ce que signifiait jouer à des jeux vidéos dans les années 80 ? Comment partager avec un petit bâtard nourri au Guitar Hero et aux Sims ce qu'était le temps ou des jeux programmés avec amour sortaient dans des pays aux noms étranges et finissaient par aboutir dans une obscure boutique d'informatique dans la grande ville de la région des lustres plus tard ? Avant l'Internet, petits salopards, au temps ou préparer un exposé ne se faisait pas sur Wikipédia mais en bougeant son petit cul à la bibliothèque du village. C'était un temps bénit où nous ignorions notre chance, sans nous douter un jour qu'il nous faudrait expliquer pourquoi vingt-trois versions du même putain de jeu Pokémon avec seulement des changements de monstres était un putain de racket à collégiens.

Car oui, jadis, nous étions purs.

Nous découvrions des jeux comme Carrier Command. Des jeux ou ce qui comptait, c'était le gameplay. Oh, d'accord, pour les plus obsessionnels d'entre nous il y avait bien un vague scénario de deux paragraphes qui prétendaient justifier l'invraisemblable bonheur qui suivait, mais c'était écrit par la réceptionniste de la compagnie (qui était généralement la conjointe d'un des programmeurs) voire par le stagiaire (et là on ne parle pas d'un programmeur stagiaire, lui s'occupait de débugger le bazar, mais bien d'une autre cochonnerie de collégien en quatrième qui faisait son stage de deux semaines pour expliquer aux autres ce que c'est la vie en entreprise, quand on se fait humilier par un patron qui estime payer notre loyer une fois plus grand).

Dans Carrier Command, on dirigeait un pseudo porte-avion et tanks amphibie dont le but était de vaincre celui d'en face, plus perfectionné que le notre. On y parvenait en capturant, comme lui mais moins vite, des îles qu'on transformait en bases : génératrices de ressources, fabriques d'armes, réserves d'armes ou base de tourelles de défense. On pilotait à la fois le grand bazar, on gérait les stock, on définissait les priorités de production, on donnait les consignes aux tanks et aux avions qu'on pilotait aussi une fois arrivés au front, et tout ce petit monde se rapprochait une île à la fois de l'adversaire. Le plus "simple" était de couper sa propre ligne de ravitaillement pour le faire tomber en panne d'essence (mortel pour nous et pour lui), le plus "hardcore" d'aller l'affronter face-à-face (il était plus puissant à tous points de vue).

On avait donc un shoot, quelques éléments vaguement rpg (dans le sens moderne de ce Fable de merde), de la stratégie (les îles, le ravitaillement) et de la tactique (la conception et le choix des équipements de chaque engin dans la vaste liste des possibilités pour coordonner les avions et les tanks).


Bien sûr, vous n'êtes pas des caves et on ne vous la fait pas. Vous savez bien que sur papier c'est facile de revendiquer un concept excitant pour se retrouver avec une merde du genre Spore qui prétend gérer la vie et qui te place face à un civilisation sous-développé, répétitif et vaguement ghey. Alors il faut mentionner que Carrier Command était en 3D, oui, en 1988, parfaitement fluide et pas si laide même à une époque plus avancée. Les menus étaient conviviaux et se découvraient même sans notice, une chance pour les crevards pirates que nous étions tous au collège à l'époque.

Finalement on se prenait au jeu par le fun du pilotage, par le défi intellectuel de couper le ravitaillement de l'autre avant qu'il ne te fasse le même coup et par les petits moments de bravoure ou l'on gagnait véhicule contre véhicule à la sueur de ses petits poignets malmenés.

Alors forcément, après avoir joué à ça, quand on tombe sur un énième Call Of Abrutis qui prétend réinventer la roue en rebalançant la même putain de sauce pour la millionième fois, on en conçoit presque une certaine empathie pour les marketeuses obligées de faire semblant de s'extasier pour convaincre les journalistes que leur merde est vraiment la meilleure came qu'ils se sont enfilés entre deux films de Lynch.

Et le premier qui me dit que Need for Speed est un jeu de simulation, je lui casse la gueule.

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le 14 déc. 2010

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zeugme

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