"Bienvenue à cette nuit... d'horreur!" Vampire, vous avez dit Vampire?

Pitch: Le chaos règne sur les terres à présent désolées d'une Europe improbable. Gabriel "Belmont", membre d'un ordre de templiers au service de Dieu, part en quête des 3 seigneurs de l'Ombre pour mettre la main sur un artefact permettant de faire revenir les morts à la vie. En effet, Gabriel a perdu il y a peu son épouse et cette perte lui est insupportable...

Je me souviens que la première fois que le jeu fut annoncé, il ne portait absolument pas l'appellation "Castlevania" mais répondait simplement au nom de Lords of Shadow, cela aurait sûrement du me mettre la puce à l'oreille... Lorsque les premiers visuels firent leur apparition avec la mention de la célèbre saga de Konami dans le titre, mon sang de fan n'a fait qu'un tour. Un rebirth 3D orienté action avec des graphismes léchés, j'étais preneur... Développé par Mercury Steam, un petit studio Espagnol, le jeu profite du soutien non négligeable de l'éditeur Konami, dans un premier temps, et surtout du soutien de la Team Kojima (Metal Gear Solid, rien que ça...). On peut déjà souligner que si la présence de la Team Kojima est évidente de part les moyens dont disposaient les développeurs, le studio japonais a su respecter la vision de Mercury Steam et leur a laissé carte blanche sans imposer telle ou telle marque de fabrique de Kojima Prod. Ainsi, que les allergiques au style d'Hideo Kojima (personnages complexes mais souvent "poseurs", scénarii alambiqués, cinématiques interminables...) se rassurent, la patte du studio n'est présente qu'au travers des graphismes somptueux présents dans le jeu et du casting "prestigieux" qui participent à donner vie aux protagonistes. Mais qu'en est-il de ce Rebirth?

Le jeu commence sur une scène pas déplaisante mais de façon un rien abrupte puisqu'on retrouve notre héros, un "Belmont" (pas de sang, c'est un titre gagné dans cette version) qui vient prêter main forte à des villageois aux prises avec des loups garous au design assez particuliers qui jure avec le design du héros, lui très réussi et ce malgré un manque de charisme total qui se confirmera au fil des heures de jeu. Tout s'enchaine très vite et nous voilà lancé dans une aventure dont les tenants et aboutissants auront par moment bien du mal à être cerné par le joueur tant la narration apparait comme "absente" dans ce jeu. Bien sûr quelques cinématiques ou cut-scenes viendront par moment éclairer le joueur sur le pourquoi de sa progression mais force est de reconnaître qu'elles sont peu nombreuses et pas forcément limpide. Pire, le jeu souffre d'un gros problème de transition. Il arrive qu'on enchaine les niveaux sans vraiment savoir pourquoi où que l'on traverse tel ou tel lieux sans véritable but. La voix-off de Patrick Stewart viendra plus ou moins paraphraser vos actions entre deux temps de chargement, gagnant ainsi rapidement le statut d'horripilant bouche-trou... Il arrive même que la fin de niveau se déclenche (via un écran de stats) alors que vous vous balancez au bout d'une corde. L'instant d'après vous reprenez dans un endroit différent... Pas forcément avenant comme transitions... Le résultat est bien souvent un désintéressement total de l'environnement dans lequel on évolue puisqu'il est privé d'une quelconque âme ou intérêt narratif. Ce qui nous amène d'ailleurs à l'un des gros point noir du jeu, l'âme. Au delà du principe de scrolling horizontal 2D, ce qui reste la marque de fabrique d'un Castle-Vania c'est la mise en place d'une situation donnée se déroulant dans un château (normal, Castle) et dans un univers Gothic-Horror. Lords of Shadow change la donne et mange à tous les râteliers quitte à y perdre son identité. Gabriel traversera pléthore de paysages (avec quelques cinématiques où on le voit marcher au ralenti sur une carte...) issus d'imaginaires pas forcément en adéquation les uns avec les autres. Des forêt luxuriantes d'un vert serein où règnent les gobelins et les trolls, au sables d'un obscur désert de type égyptien en passant par des plaines désolés et, quand même, par un château hanté, le joueur se sentira rapidement "baladé" dans un univers ayant du mal à affirmer une cohérence. Il faut attendre 6 à 7 heures de jeu avant d'arriver au château du seigneur des vampires et encore cela n'est qu'un quart de l'aventure et même pas le climax final puisque par la suite on repart dans des forêt/plaines/déserts... Un comble pour un jeu estampillé Castlevania. D'ailleurs autant le dire tout de go, nous sommes plus dans de l'heroic fantasy que dans du Gothic horror. Le design (au demeurant très bon) des environnements à base de décors immenses avec des statues cyclopéennes de rois oubliés rappellent fortement Le Seigneur des Anneaux (certaines situations également comme le moment où Gabriel chevauche un aigle géant et même les thèmes musicaux semblent tout droit sortis de la trilogie de Peter Jackson - une seule musique d'ambiance mise sur l'angoisse...). La partie "Vampire" (c-a-d Environs du château + château en lui même) est largement la plus réussie avec des idées de design formidables (Les vampires, certains boss...) et des situations sympathiques (Enigmes, idées de gameplay comme le fait d'ôter les rideaux pour faire rentrer le soleil...) mais il s'agit uniquement de 4 misérables petits chapitres... Comme le fera remarquer l'ami Yu-Jin, le jeu rappelle un livre dont vous êtes le héros (un mauvais), ce qui pourrait se traduire pour les non-initiés par une univers et une histoire sans profondeur car condensée et qui offre des situations et des environnements très variés mais avec un manque certains de cohérence entre eux... On va voir du pays, c'est sûr mais que restera-t-il de ses très longues 20 heures de jeu? Pas un souvenir des personnages en tout cas tant ceux-ci sont fades mais profitant pourtant de designs assez originaux. Pire, le jeu oublie certains personnages en cours de route comme la vampire-Enfant, de loin le personnage le plus intéressant, qui disparait de l'histoire sans que l'on sache trop pourquoi... Mais rassurez vous, en achetant un DLC vous pourrez arranger ça... Identification, Compassion, Implication semblent être des mots tabous pour Mercury Steam... Dommage. Reste la mise en scène qui, elle aussi, manque clairement d'envergure malgré quelques dé-cadrages bien pensé ou quelques idées originales (la boîte à musique)... Ajoutons pour finir un Twist final que l'on sent venir à des kilomètres (avec un boss final absurde) et un deuxième twist à la fin du générique que personnellement j'ai trouvé ridicule... A la limite, l'élément le plus réussi reste les parchemins trouvés sur les cadavres de templiers, apportant ainsi un petit plus à l'univers... Bref, Lords of Shadow (l'appeller Castlevania serait une insulte à la série) n'a aucune magie, aucune ambiance, aucune saveur et n'a surtout pas grand chose à voir avec un Castlevania...

A l'instar de son univers, Lords of Shadow emprunte à divers autres grands noms du jeux video pour se forger un gameplay aussi solide que faire se peut. Le constat n'est heureusement pas le même.Profitant de l'expérience de ses aînés, le jeu propose un gameplay varié et plutôt maîtrisé dans son ensemble. Pour les combats, Gabriel possède un fouet dissimulé dans un crucifix (qu'il pourra upgradé) ce qui donnera naissance à une nouvelle forme de martialité reposant sur la distance (ainsi que l'importance de comment entretenir celle-ci) là où d'autres jeux orienté BTA privilégie le corps à corps. Pour défaire les nombreux ennemis qui se mettrons sur le chemin de notre héros, le joueur aura accès à un nombre de combos assez restreints mais permettant de retenir facilement les diverses combinaisons (même si pour être franc 3 combinaisons en particuliers reviendront à longueur de temps). Lorsque le corps à corps sera inévitable, il faudra jongler entre l'esquive (pourquoi ne pas l'avoir attribué au stick droit?) ou la parade, bien plus efficace puisqu'elle permet de terribles contres! Face à certains adversaires, Gabriel pourra singer Dante (Dante's Inferno) et les chevaucher au prix d'un QTE toujours simpliste. QTE que l'on retrouvera bien sûr pour certains finish moves (dont certains vraiment sympathiques) ou lors des affrontements contre les Boss. Certains boss aux proportions gargantuesques offriront un chalenge un peu différent et fortement inspiré du fabuleux Shadow of the Colossus (un jeu d'une rare intensité et à la poésie rarement égalée). Gabriel devra suivre une stratégie précise pour grimper sur des Titans et détruire certains points vitaux (oui oui comme dans SoC mais sans la compléxité ou le lyrisme de celui-ci) avant de les renvoyer au néant. Pour s'aider dans sa tache, Gabriel a également accès à 4 armes secondaires allant du couteau en argent (pratique contre les loup garous) à l'eau bénite ( pour les vampires qui ont les crocs) en passant par un cristal d'invocation (assez bien foutue et plutôt glauque) et des fées papillons (et oui...). Gabriel possède également 2 jauges de magies, l'une de lumière et l'autre, par opposition, de ténèbres. Ces jauges, qu'il faudra remplir en engrangeant des "âmes" permettront 1/ de soigner Gabriel, 2/ de rendre ses coups plus puissants et 3/ de lui donner accès à certains coups spéciaux... Pour s'assurer de toujours avoir de la magie à disposition, notre héros possèdent également (il en a des choses!) une jauge de rage qu'il faudra remplir en évitant d'être touché et qui permettra de générer des âmes pour remplir les jauges de magie. Un principe assez bien foutu et qui, une fois maîtrisé, assure une domination totale sur ses adversaires. Mais LOS, ce n'est pas que du combat et lorsque le joueur ne se prendra pas la tête sur les énigmes distillées au fil de la progression ( assez simplistes dans l'ensemble) il devra se livrer à quelques exercices d'escalades qu'un Assassin's Creed n'aurait pas renier. Dans l'ensemble, les phases de plateformes sont assez bien gérées (mais ne présentent aucun challenge) et profitent d'un certains dynamisme. C'est d'autant plus vrai dans les niveaux en intérieur par opposition à ceux en extérieur à l'architecture un brin rébarbative. Par moment, en revanche, la caméra fixe se révélera être une véritable plaie... Un gameplay assez riche pour un jeu de ce genre, qui emprunte énormément mais le fait assez intelligemment... Allez pour le fun: le jeu va jusqu'à emprunter à Golden Axe son principe de lutins voleurs qui déroberont les pouvoirs de Gabriel. il faudra alors les retrouver et les punir pour récupérer ce à qui de droit...


Techniquement, le jeu profite de graphismes somptueux (associés à un design souvent efficace) que ce soit au niveau des personnages ou à celui des décors. Les choix de caméra feront d'ailleurs tout pour nous faire partager la magnificence des décors quitte à rendre le jeu peu agréable à jouer en nous laissant diriger un Gabriel microscopique, perdu au sein d'un décor immense. On pourra noter quelques petits effets d'aliasing mais vraiment rien de troublant de ce côté là... Du côté de la bande son on retrouve un jeu en VOST ce qui est un plus non négligeable d'autant que le cast compte la présence de deux pointures du cinéma: Robert Carlyle et Patrick Stewart. Malheureusement les deux comédiens ne sont pas vraiment inspirés, en particulier Carlyle qui n'offre aucune dimension au personnage de Gabriel. Patrick Stewart, surtout présent pour la voix off, donne l'impression de réciter un texte, ce qui rend les temps de chargement encore plus insupportable... La musique est de très bonne qualité mais se repose sur des compositions trop classiques et trop typées Seigneurs des Anneaux. Certains morceaux plus mélancolique sont fabuleux même si leur présence dans un jeu estampillé Castlevania reste étrange...

Au final, Lords of Shadow souffre d'un manque cruel d'identité et d'une incapacité flagrante du studio Mercury Steam à raconter une histoire. La refonte du gameplay est plutôt sympathique en soi et reste, malgré ses nombreux emprunts, très complet et parfaitement adapté à un jeu d'action/aventure "Castlevania". Cependant LOS reste un jeu sans âme, sans ambiance, ce qui, au final, parvient à nuire au plaisir de jouer malgré un gameplay des plus réussis... Un nom usurpé...
Manji1981
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le 24 déc. 2010

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Manji1981

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