Celeste
8.2
Celeste

Jeu de Matt Makes Games et Extremely OK Games (2018Xbox One)

On peut comprendre le culte qui a vite entouré Celeste, sans forcément être aussi sensible que cela - en tout cas pas à ce niveau d'ardeur - à ce que propose le jeu.


Les qualités de Celeste sont évidentes, à partir du moment où l'on adhère à son approche hardcore minimaliste du plateformer. Oui, c'est un jeu qui ne plaît pas à tout le monde et c'est normal (et ça fait partie de son aura particulière). Les qualités donc, avec en premier lieu le principe du jeu simple et efficace, que tout le monde peut comprendre et prendre en main, mais laissant une énorme marge de progression. Le gameplay est taillé pour les speedrunners, pour les dingues qui passeront des heures à affiner leurs techniques, à enchaîner les sauts et les dash au millimètre près afin de franchir les obstacles sans avoir l'air d'y toucher. Une communauté de joueurs assez prompte à ériger un jeu en nouveau phénomène de niche. Ce qu'est Celeste indubitablement.


Car oui le jeu possède un gameplay si simple et efficace, et surtout réglé au carré, d'une précision diabolique, qu'il en devient hypnotique. Basé sur le die & retry, le jeu ne paraît jamais injuste ou pénalisant : il invite même plutôt aux essais, et à l'apprentissage par l'échec, notamment grâce à cette bénédiction indispensable qu'est la réapparition quasi instantanée de l'avatar à chaque mort. Sur la base d'un gameplay simple et universel (il faut juste maîtriser le saut, le dash, et l'accrochage de paroi), Celeste propose une infinité de variations et de subtilités qui fait toute la richesse du jeu. Chaque niveau introduit de nouveaux systèmes qui créent parfois un sentiment d'euphorie quand on en saisit le concept pour venir enrichir notre maîtrise de l'environnement.


Le level design brille également par son intelligence, sa minutie, et le nombre effarant de petits secrets bien cachés, de chemins annexes, d'une double couche de lecture qui peut rappeler des jeux comme The Witness mais dans le genre plateformer - où la simple présence d'un mur peut devenir un challenge en soi, et le point de départ d'un item bien planqué (parfois à l'excès, j'avoue que je n'ai pas la patience pour chercher tout cela, même si c'est indispensable pour débloquer tous les niveaux).


Le jeu n'explique rien et pourtant quasiment tout est intuitif, c'est dingue le nombre de mécanismes que j'ai compris presque naturellement, en bloquant dix secondes puis en franchissant l'obstacle comme si j'en avais déjà acquis la logique auparavant. Le mélange de ce gameplay intuitif et exigeant et de ce level design pensé dans ses moindres détails est grisant, et laisse en vérité la place à une part d'expérimentation venant du joueur. Je ne suis pas sûr qu'il y ait une seule manière de franchir la plupart des écrans du jeu, de sorte qu'on a l'impression presque à chaque fois de réaliser un exploit unique et personnel, où la maîtrise combinée de la plupart des mouvements devient un ballet en soi.


La dernière des qualités de Celeste - et non des moindres - est sa direction artistique : son pixel art minimaliste et impeccable et surtout sa bande son fantastique. Le jeu ne se résume pas à son gameplay, c'est aussi un univers atypique et attachant au possible. J'ai vraiment commencé à accrocher au jeu grâce à la musique, quand le jeu démarre réellement avec le niveau 2, au moment où l'on fait la rencontre d'un personnage central, et où la musique opère un crescendo, mariant une énergie irrésistible avec des sonorités étranges et fascinantes, aussi creepy et accrocheuses que le jeu lui-même, culminant lors de la course poursuite finale. Puis le niveau 3 (le manoir) monte encore d'un cran en terme d'ambiance, là aussi servie par une musique superbe, mais aussi par un environnement et des décors qui renforcent l'attachement à cet univers qui devient crédible derrière ses apparences fantasmagoriques.


Paradoxalement, j'ai l'impression que c'est la narration qui favorise le culte entourant Celeste, alors même que cela relève au final du domaine de l'accessoire. C'est un plus qui crée une ambiance particulière, mais le cœur du jeu, le gameplay et le level design, resterait inchangé même sans cela. L'histoire racontée par Céleste est touchante, et les personnages en eux-mêmes mignons et attachants au possible, notamment Madeline, mais ce n'est qu'un habillage qui vient rythmer les débuts et fins de niveau, et parfois l'entredeux (les niveaux peuvent prendre 2h en même temps à force d'exploration et de die & retry).


En tout cas je vois ça comme un rajout, une greffe qui prend, un bonus appréciable - Madeline est vraiment trop attachante c'est vrai - mais je sais que pour une partie de la presse et des joueurs, le propos du jeu


(la dépression contre laquelle Madeline se bat)


est ce qui différencie Celeste des autres jeux du genre, l'ensemble des niveaux et la difficulté globale pouvant en fait se vivre comme une transposition, une illustration, de l'histoire qui nous est racontée - le gameplay et le scénario fusionnant pour créer un tout cohérent.


C'est sans doute là où je me dissocie de l'engouement pour Céleste - toujours en considérant la note si élevée du jeu. Disons que je n'ai pas trouvé que la narration transcendait particulièrement le jeu qui reste quoi qu'il en soit un pur plateformer hardcore et qui excelle dans ce style.

benton
8
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le 15 janv. 2019

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