Celeste
8.2
Celeste

Jeu de Matt Makes Games et Extremely OK Games (2018PC)

2 000 mètres et autant de façons de mourir. Un minuscule grain de pixels avec une bouillie toute mignonne contre un amas d'écrans qui cherche à briser le mental du joueur. Celeste est une ode au surpassement de soi. Parce que mourir peut être fun! Voir le chemin parcouru depuis le plancher de sapins est jouissif. Le gameplay est surjoussif. Il aura suffit de trois touches et d'un stick pour vaincre un imposant sommet.


Quelque chose cloche dans la tête de Madeline. Un beau jour d'hiver, la petite rouquine (dont le design tout mimi semble oublier que la nana a la vingtaine passée) décide de tout lâcher. Au calme. Boulot, famille, la vie. Celeste raconte le chemin à parcourir afin de surmonter la dépression. Il faut dire que le passif des auteurs du titre se ressent bien in game. C'est simple: littéralement, Madeline devra affronter son for intérieur. Le sommet étant le remède du mal qui la ronge.


Mais en réalité, le joueur joue avec la montagne. Ce que Madeline évite en cours de route, c'est au mont Celeste qu'elle le doit. Les murs ne sont plus des obstacles, mais des zones sûres. Les plates-formes, les bulles, les nuages. Tous les outils sont là pour l'aider à avancer. Le véritable challenge est de maîtriser tout le pouvoir de Madeline. Un pouvoir qui se réparti dans trois touches au choix. Une pour bondir, l'autre pour gravir et enfin le dash. J'aime penser à Fox de la série Smash Bros. et son Side-B légendaire. Le principe est le même, mais grâce au pouvoir magique du stick directionnel, la rouquine peut agir à 360°.


Je récapitule. Avancer, sauter, dasher et gravir. C'est déjà pas mal d'outils pour les 2000 mètres d'altitude. J'ai reçu un petit choc quand, juste avant de donner le coup de grâce à la montagne au chapitre final (en face B, une revisite du niveau dans une difficulté revue), après avoir bien poncé le jeu... le titre m'a appris un nouveau type de mouvement encore jamais vu. J'aurais vu passer 500 écrans de dangers sans avoir su ce truc. Tout repose dans le stick. J'ai eu comme l'impression qu'un Street Fighter s'est infiltré dans le gameplay de Celeste! Ah et je ne parle même pas du dernier chapitre en DLC gratos. En plus d'être un PUTAIN DE MONSTRE de difficulté, il a le culot ou le luxe de nous enseigner une toute dernière technique de saut quasi impossible à prévoir depuis le début du jeu.


Celeste est cruel. Avec ses crevasses, ses pics, ses automates, pièges, lave, vents puissants, boules de neige et j'en passe, on ressent la soif de sang de la montagne. Malgré tout, jamais la mort n'a été aussi excitante. Chaque écran vaincu = un soupir de soulagement. J'ai à ce jour plus de 4000 morts. La rage ne s'est faite sentir qu'au chapitre 9, cette oeuvre de satan en personne.


Vous le croyez? Mourir tant de fois en ayant un joli paysage devant soi, avec une musique qui accentue le sentiment de franchir l'impossible, c'est le pied. Le terme exact est "uplifting", exaltant. Plus l'on monte haut, plus le ton de la musique change. C'est une véritable montée au septième ciel. Le chapitre qui donne accès au pic du mont Celeste est un crescendo, autant dans sa mélodie que dans son gameplay. La montée en puissance est un sentiment très présent dans le jeu de Matt Thornson. Si présent qu'il éteint toute rage en nous. Le fruit des efforts se montre sur l'écran et le jeu le transmet par sa musique. Oh et que dire des thèmes remixés des Faces B, un avant-goût de douleur avant le terrible 9ème chapitre. Du nectar pour les oreilles.
Malheureusement absents de la soundtrack officielle de Celeste, ces morceaux sont telle une récompense d'avoir été rendu si loin. Un petit coup de coeur pour le sublime remix de in love with a ghost pour le chapitre 4, une gemme de chillstep. Et bien d'autres encore, comme lors du 7ème chapitre qui présente un sommet encore plus insurmontable qu'il ne l'était dans sa Face A.


Le plus étonnant reste la fluidité des mouvements de Madeline. Le contrôle du personnage est plus que total, on ne fait qu'un avec elle. La moindre erreur vient du bout de nos doigts. Ce gameplay en or est aussi une jolie image du dépassement de soi. J'ai été étonné d'avoir ressenti un sentiment à travers Madeline, victime de sa dépression. Lors de certains passages du chapitre aux miroirs, le dash active les plate-formes à rails du tableau. Après un long chemin jusqu'à la sortie d'un certain passage, un mur de pics me bloquait. Il fallait littéralement foncer dans cette mort certaine en dashant pour faire déplacer l'obstacle. Dans Celeste, il faut jouer le jeu de la mort pour gagner quelques mètres de montée... et de confiance en soi. Mourir peut faire du bien, c'est même recommandé tant le game design est un pur joyau de maîtrise. C'est pourquoi l'ennui est impossible, et l'impression de marcher sur les nuages est toujours présente. Celeste est une montagne en 2D, mais elle sait faire ressentir son ombre imposante à chaque étape vaincue.


Si seulement toutes les dépressions du monde pouvait être guéries en surmontant un jeu vidéo. Par contre, si le joueur qui dors en vous déprime le manque de challenge vidéoludique actuel, une bonne cure de Celeste vous fera comprendre cette belle note que voici.

Créée

le 4 oct. 2019

Critique lue 1.2K fois

9 j'aime

Mottainai

Écrit par

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9

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