Beauté sidérante mais trame un peu fade.
Par Jérôme Dittmar
Qu'est-ce qui sépare le Japon de l'Occident dans leur capacité à recycler une culture étrangère ? Cette intuition folle des japonais pour capter et restituer, parfois transformée mais jamais défigurée, l'âme d'une oeuvre, d'un objet, des choses. Que ce soit un roman du 19ème ou une paire de jeans, ils ont tout compris. A l'inverse toute relecture du Japon vu d'ici semble vouée à un malentendu. Voire à l'échec, comme si à l'inverse on ne retenait que les gros traits, pas le bon détail, tordu par trop d’interprétations paresseuses. Child of Light, premier né des projets indés d'Ubisoft (ce n'est pas une blague) s'est ainsi très tôt présenté comme inspiré par le RPG Japonais : Final Fantasy, Grandia, Vagrant Story, la série des Mana, soit l'âge d'or des années 90. Retour donc à la 2D, au conte, aux combats en tour par tour menés par une jeune princesse égarée dont les cheveux rouge ondulant renvoient, eux, à ceux de la petite sirène ; une référence a priori plutôt éloignée des héros de Square Enix. C'est l'autre tête de cette hydre construite en petit comité chez Ubi Montréal : l'illustration pour enfants, et en particulier celle du dix-neuvième siècle, accompagnant les oeuvres de Lewis Caroll ou Charles Perrault. Au Japon donc les mécanismes, l'architecture, le gameplay, à Gustave Doré, Arthur Rackham ou John Bauer la direction artistique, l'univers, l'image.
Jeu fusion d'un studio (et d'une époque) étendant ses bras partout, Child of Light n'a aucun mal pour imposer la beauté sidérante de ses niveaux. Tout n'est qu'aquarelles, coups de pinceaux, finesse des traits, des couleurs, et la balade est sublime, onirique, la sensation de visiter une illustration vivante impressionne à chaque instant. Le charme absolu de ce palais pour le regard est toutefois une autre sirène, qui aurait plutôt tendance à masquer le reste du jeu, à commencer par son histoire, mais aussi ses mécaniques. Pour un genre qui, encore aujourd'hui, se moque parfois de la belle image, Child of Light doit se coltiner un problème encombrant : il n'est pas un bon narrateur. Une question d'intrigue surtout (un peu fade dans sa quête de classicisme), mais aussi de dialogues, de personnages (assez creux sinon insipides) et de progression qui parfois les voit disparaître et réapparaître parce que le cheminement, libre, ne suit pas la trame comme il faudrait. (...)
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