Chrono Cross
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Chrono Cross

Jeu de SquareSoft (1999PlayStation)

S'il est une série de RPGs un peu en marge et sur laquelle les développeurs ont vraiment dû se faire plaisir, c'est bien celle des Chrono. Les deux jeux et demi qui la composent font en effet parmi de ces œuvres originales, novatrices, parfois un peu casse-gueules mais résolument marquantes... On ne peut pas dire qu'on joue au jeu parfait lorsqu'on joue à un Chrono, mais on ne regrette pas une seule seconde de s'être plongé dedans.

Chrono Trigger avait déjà ses petits défauts : système de combat mal réfléchi, narration brouillonne,
gameplay un peu rigide, durée de vie moyenne... Ce genre de petits boutons d'acné qui peuvent ruiner un visage au demeurant parfait. Si Chrono Cross se différencie très nettement de son aîné, force est de constater qu'il s'en rapproche sur ses pires côtés, et les défauts sus-listés s'appliquent malheureusement aussi à l'oeuvre qui nous concerne aujourd'hui. Mais n'était-ce pas voulu ?

Le système de combat tout d'abord, car c'est en commençant par la surface, l'apparence, la forme, qu'on peut ensuite acquérir les outiles nécessaires pour explorer le fond des choses.
Le système de combat de Chrono Cross, donc, est une petite merveille d'inventivité et de richesse. Sans rentrer dans des explications longues et sans intérêt, l'effort s'est fait ici sur le réalisme et l'originalité : plus de tour par tour, mais une jauge d'endurance qui se rapproche un peu de la jauge ATB... Sauf que n'importe qui peut attaquer n'importe quand, du moment que sa jauge est au-dessus de 0. On peut donc se faire interrompre par l'ennemi à n'importe quel moment de son attaque.
Chaque personnage bénéficie de 7 points d'endurance, qu'il utilise en faisant des attaques faibles (1 point), moyennes (2 points), fortes (3 points), ou en utilisant des éléments. Les éléments sont les attaques magiques du jeu, mais pas que : ce sont aussi les objets, à la manière d'un Baten Kaitos par exemple. Ils sont triés par level d'attaque, level qu'on gagne en faisant... Des attaques physiques. Rajoutons que chaque élément possède une couleur parmi six, couleur qui modifie le terrain, rendant ainsi les prochaines attaques de la même couleur plus forte. Bien sûr, chaque personnage a une couleur de prédilection, et chaque couleur est forte contre la couleur opposée...
Pour finir, chaque élément ne peut être utilisé qu'une seule fois en combat, ce qui rajoute de la stratégie et du challenge... Ou pas.

Car en effet, si ce système complexe a été travaillé pour favoriser la stratégie plutôt que la bourrinade stupide, il manque une composante essentielle : des limites adaptées.
On ne peut utiliser chaque élément qu'une fois, mais on a un nombre illimité de ces éléments en stock, qu'on peut placer dans n'importe quel slot de la table, et on a bien assez de slots dans la table pour que la limite ne pose plus de problème. Par exemple, je peux avoir quatre slots de l'attaque « Inferno » si je veux. Le nombre limité de slots ne devient plus ainsi qu'une limite au combat lui-même, l'empêchant de s'éterniser avant que l'on ait plus d'éléments en stock. Il aurait donc été judicieux, par exemple, de nous donner des éléments permettant de retrouver l'usage d'un autre élément (un tel élément existe, mais je n'en ai vu qu'un dans le jeu!), nous imposant ainsi d'anticiper et de prévoir ce dont on aura besoin.
Quant aux couleurs, elles sont beaucoup trop présentes et au final, chaque combat ne revient plus qu'à un pierre-feuille-ciseau géant. En effet, même si la couleur de l'ennemi n'est pas connue avant le combat, il existe des éléments « TurnX » permettant de pourvoir l'ennemi d'une couleur qu'il n'avait pas au départ. Bref, utilisez TurnBlue et bourrinez d'attaques rouge, et c'est gagné.
Un vrai gâchis quand on reconnaît le potentiel de ce système.

Des combats bien trop faciles donc, et difficile de croire que les développeurs aient pu passer à côté d'un défaut pareil. Alors pourquoi les laisser tels quels ? Pour privilégier le scénario ? pour que le joueur ne s'embarrasse pas de level up grossier, mais plutôt qu'il s'immerge complètement dans ce paradis coloré, exotique, qu'il se laisse porter par l'ambiance et le fleuve de l'histoire ?
Peut-être. Car en effet, la vraie force de Chrono Cross est son univers. Un univers dépaysant et onirique, théâtre d'une histoire passionnante, riche et complexe basée sur deux mondes parallèles. Le jeu commence en effet par la découverte par le héros, Serge, d'un monde dans lequel il est mort il y a dix ans. Sans en dévoiler plus du scénario, on a là la base de tout ce qui va composer le jeu. Une perte totale de son identité et de ses repères, voilà ce que le joueur partage avec Serge tout au long de son aventure.

En effet, lorsqu'on met la première fois la main au pad en espérant jouer à la suite de Chrono Trigger, on ne peut qu'être saisi par ce que l'on découvre. C'est bien simple, le jeu n'a plus rien à voir avec son aîné, tant sur le plan visuel, au niveau graphique bien sûr (3D oblige) mais surtout au niveau du design, que sur le plan scénaristique. Il faut attendre quelques temps avant que ne soit pour la première fois fait mention d'un nom connu et on se retrouve à se balader dans un monde dont on n'a jamais jusque-là entendu parler... Pour mieux nous intégrer dans ce monde nouveau, sans attache, sans passé, hors du temps. Un monde de rêve, en fait.
Car c'est là le thème principal du jeu, au final : le rêve. Qu'il s'agisse des environnements tantôt magnifiques, lumineux, tantôt cauchemardesques, ou simplement insensés, ou des musiques joyeuses et entraînantes dans le « Home World », et plus mystérieuses et envoûtantes dans l' « Another World » (la plus onirique étant le thème de la World Map que je vous conseille d'écouter, c'est un remix de Chrono Trigger et c'est tout simplement somptueux), jusqu'à la narration complètement calamiteuse, mais probablement de manière voulue, qui fait qu'on se laisse sans cesse porter par l'aventure, sans vraiment savoir où on va, ni pourquoi on y va. Spectateur de son propre rêve, à tenter sans arrêt d'assembler les pièces du puzzle, sans succès, jusqu'à la fin où les révélations déferlent comme une avalanche, comme un brusque réveil. On sort du jeu comme on sort d'un sommeil agité, rempli d'impressions, de sensations, sans souvenir précis mais en se sachant marqué profondément. Un réveil pour le joueur, mais aussi pour le héros, qui ne se souviendra pas de son aventure.

Bref, le jeu transporte. On peut ne pas aimer, tant il est vrai qu'on ne saisit jamais bien ce que l'on y fait, mais c'est là le degré d'implication nécessaire pour savourer le voyage.
Un voyage par ailleurs assez long pour peu qu'on tente d'obtenir les 45 personnages secondaires disponibles dans le jeu, avec autant de situations et d'événements particuliers mais ne dépassant cependant pas le simple intérêt comique. Comptez 40 à 50h.
Quoi qu'il en soit et comme son prédécesseur, Chrono Cross est avant tout une expérience, une expérience que je conseille à tout amateur de RPGs et d'onirisme.
Arbuste
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le 28 avr. 2012

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