Comix Zone
7.2
Comix Zone

Jeu de Sega et Sega Technical Institute (1995Mega Drive)

L'enfant génial et maudit de la MegaDrive, une perle !

**Comix Zone n'est pas un jeu anodin et reste pourtant injustement méconnu.** Deux décennies après sa sortie et quatre générations de console, il s'est fait peu à peu connaître par un certain de nombre de rétrogamers et de curieux en tout genres. Toute cette communauté ne forme malgré tout qu'une goutte d'eau dans l'océan des joueurs. 
Cela est bien dommage car ce jeu vidéo me semble intéressant pour trois raisons. La première et la plus évidente tient à **son caractère profondément ludique.** Si ce genre de jeu, qu'on classerait par facilité comme un beat them all  malgré son originalité, est généralement considéré aujourd'hui comme désuet, les irréductibles pourront passer un agréable moment manette en main. Deuxièmement, **Comix Zone sorti sur Megadrive trône parmi les meilleurs jeux de la console**. Je le considère personnellement comme l'un des fleurons de la console de Sega, quoiqu'il en soi on n'hésitera pas à le classer dans un top 10. La dernière et principale raison se résumera à **sa modernité et à son originalité.** Et si cette critique servira à faire l'éloge de ce jeu principalement, c'est en appréciant ses dernières caractéristiques que je souhaite le faire.
Le développement des jeux indépendant de nos jours peut être réduit de manière intéressante, bien que probablement insatisfaisante, à deux motivations principales : la première consistant à faire revivifier les genres considérés comme obsolètes, insignifiants, par l'actuelle et lucrative industrie vidéo ludique de masse ; la seconde consiste à vouloir penser de manière plus profonde le Game Design d'un jeu en liant de manière inextricable, la partie visuelle, le gameplay, voire parfois le scénario, au message final délivré. Bien entendu, la résurgence de beat them all ne peut qu'être propice à une revalorisation du jeu dont il est ici question, mais **la réussite de Comix Zone tient surtout au fait qu'il s'accorde à cette volonté d'un Game Design cohérent et efficace.**
Tout comme la littérature en son temps, le jeu vidéo peut se révéler un art, ou au minimum un objet culturel. L'art peut envisager bien des finalités à sa propre existence : délivrer une leçon morale ou humaine, révéler une pan de réalité, provoquer une émotion, une réflexion, ou n'ayant parfois comme seule ambition qu'être beau, qu'être « art ». D'autres finalités peuvent être envisagées , mais le jeu vidéo contient peut-être dans son média même une finalité qui lui est propre être « ludique ». Bien souvent dans les arts, plusieurs finalités cohabitent en réalités et les œuvres d'arts d'ailleurs poursuivent souvent un projet dont l'auteur n'est pas toujours conscient. Avant que la littérature ne soit réellement théoriser, que se soient multipliés les outils d'analyses, les grandes œuvres existaient déjà qui poursuivaient avec efficacité un projet riche. De la même manière, il n'a pas fallu attendre aux jeux vidéos qu'ils soient pris au sérieux, que le média commence à être considéré, qu'il prenne conscience de ses spécificités pour que des créateurs livrent **des projets aboutis et intéressants même dans des genres de jeu ne favorisant pas forcément ce recul. Comix zone est l'un de ces jeux.** Et on ne peut que se réjouir d'avoir aujourd'hui entre les mains des notions permettant de l'analyser de manière plus précises, telle que celle de Game Design, de Gameplay, de Level Design...
Il semble aujourd'hui plus ou moins évident qu'une des qualité d'un jeu est de réussir à lier les processus de créations. On connaît bien l'influence aujourd'hui du level design sur le gameplay, on saisit aussi l'importance des musiques mais surtout de l'ensemble des bruitages. Régulièrement pour autant, les graphismes ne visent qu'à épater les mirettes et le gameplay à n'être qu'addictif. **Comix Zone lui lie à la perfection chaque processus de création.** S'il ne prétend pas livrer une expérience émotionnelle particulière ou délivrer une message philosophique, **l'ensemble du jeu se veut un hommage aux comics !** Si le titre du jeu est explicite, il est aussi inutile tant cela apparaît à chaque instant.
**Tout d'abord le scénario, si minimaliste soit-il, nous plonge dans cet univers.** Le héros dont on est au commande se révèle un dessinateur de comic-book, Sketch. Sous ses yeux, son œuvre semble prendre vie et alors que le vilain de son histoire s'échappe du livre pour s'introduire dans la « réalité », c'est le dessinateur qui se trouve enfermé dans sa propre œuvre et qui devient lui-même ainsi un super-héros. Le calcul d'un score à la fin d'une chapitre laisse se fait d'ailleurs à travers une silhouette de super-héros se colorisant au fur et à mesure de notre progression dans le jeu. Mais là où le jeu fait fort surtout pour cette époque-là, c'est que l'apparition des monstres souvent se trouve justifier par le vilain qui depuis la réalité dessinée au fur et à mesure des opposants pour bloquer notre héros. Leur apparition est donc précédé par un dessin en noir et blanc se voyant crayonné rapidement et l'apparition de la couleur symbolise la « naissance » de ces opposants. Comme tout super-héros qui se respecte, nous aurons aussi l'occasion à la fin de sauver une innocente donzelle qui prendra définitivement vie au bout du périple. Et tel Pygmalion pourra profiter de sa Galatée
**Le Gameplay est lui aussi en constante référence avec l'univers de la bande-dessiné.** On retrouvera bien entendu les bases du beat them all pour les combats avec des coups de poings et coups de pieds qui subiront de légères variations selon la flèche directionnelle associée. A propos de cette base du combat, nulle originalité ni exploit technique, tout cela reste cependant relativement efficaces grâce aux bonnes hit box et à une variété de type d'adversaire (une dizaine à priori). Mais là où le jeu se distingue des autres, c'est qu'il ajoute à ses coups une panoplie d'objets pouvant être utiliser. Dont un certain nombre liés au level design, aspect sur lequel nous reviendront plus tard. Parmi ces objets, une potion pour se soigner, rien de transcendant jusque-là, des couteaux à lancer, toujours classique, un explosif à placer qui se révélera utile principalement hors des combats et enfin un poing d'acier permettant à notre héros de se transformer l'espace d'un instant en un super héros annihilant tout adversaires à proximité. Étant donnée la difficulté du jeu, typé arcade, cet objet sera essentiel pour finir Comix Zone et permettra donc de mettre régulièrement en avant cet univers de super-héros pendant les phases de jeu. Enfin et je ne l'ai découvert que récemment, l'arme ultime de notre dessinateur se révélera sa capacité à créer des avions en papier meurtrier. Puisque nous sommes dans une bande dessiné les fonds que nous apercevant sont en réalités des paysages ou intérieurs dessinés, et à certains endroits notre héros pourra déchirer un morceau de papier et construire alors un avion qu'il lancera pour terrasser ses ennemis. Sans nulle doute l'arme, la plus meurtrière, elle reste une astuce secrète qu'on ne découvrira probablement qu'après quelques dizaines d'heures de jeu. **On aperçoit une fois encore le génie des créateurs qui considère avec recul l'univers qu'il crée et en accepte son caractère fictif pour mieux en jouer et nous faire jouer.**
Cette arme cachée, partie du gameplay, est finalement partie prenante de **l'aspect que j'apprécie le plus dans ce jeu son level design proprement génial.** En effet, si l'on découvrira par hasard ces armes secrètes, il y a un autre objet que l'on peut porter sur soi de très utile, un compagnon en réalité qui se trouve incarné par un rat. Ce rat nous servira à bien des choses, il pourra attaquer de manière relativement insignifiante nos ennemis en les électrocutant. On peut facilement se passer de cette aide, mais pourquoi la renier. Mais surtout, ce gentil compagnon pour lui atteindre par moment des leviers libérant d'autres obstacles. Mieux encore, il découvrira de lui même des objets cachés qu'il mettra à jour en arrachant dans certains lieux un bout de papier derrière lequel nous attendent ces fameux trésors. Mais le plus évident et le plus intéressant dans ce level design est bien sa « mise en page », en effet le level se présente sous la forme d'une page de bd découpée donc en multiples cases. **Chaque case permettra de varier très fréquemment ces paysages d'une manière justifiée**. Chaque case sera l'occasion d'un possible combat, mais aussi de petites énigmes de plateformers. Ainsi, il faudra par moment déplacer certaines caisses, les détruire à d'autres moments.... De petites énigmes attendent donc le joueur parfois permettant de varier son expérience de jeu grâce à ce level design astucieux. Pour autant, jamais nous ne nous trouvons face à des énigmes compliqués qui iraient à l'encontre d'un genre tel que le beat them all, aussi original que soit celui-ci. **Plus original et intéressant se trouve aussi la multiplicité des trajets possibles permettant de renouveler son expérience à chaque partie.** En effet, lorsque nous avons achever la petite épreuve prévue dans une case, il est souvent proposé un choix de trajet, une case adjointe latéralement ou horizontalement. On s'amuse ainsi souvent à chercher le trajet optimal. **Outre l'immersion dans l'univers des comics que procure cette initiative, elle permet surtout d'éviter un des travers récurrent des beat them all, leur répétitivité.**
**Enfin bien entendu, d'un point de vue graphique, tout est ici fait pour nous rappeler l'univers des comics, que ce soit la colorisation très saturée ou les bruitages parfois accompagné d'inscription d'onomatopée à l'écran, comme dans une bande-dessiné**. Bien entendu les monstres ne seront pas sans rappeler divers ennemis rencontrés notamment dans les tortues ninja. Et si cet aspect-là est si évident qu'il ne sert pas à grand chose de le développer, il faut tout de même rappeler que c'est **un jeu visuellement magnifique**. Certes, ce jeu est très original et moderne, surtout à cette époque par la cohésion de chacun de ses aspects mais s**on univers visuel a le mérite de ne pas avoir vieilli, et de pouvoir être tout autant apprécier à l'heure actuelle,** avantage récurrent de la 2D qui lorsqu'elle est bien faite ne prend pas une ride malgré les années, voire les décennies**. Comix Zone est tout simplement l'un des plus beaux jeux, si ce n'est le plus beau jeu de la Mégadrive.** Certes arrivé en fin de vie de la console, alors que la playstation 1 de la génération était déjà sortie, il n'en reste pas moins un véritable bijou au visuel bien moins daté que celui de la plupart des jeux de la console de Sony. Ce fait nous permet cependant de comprendre comment un tel jeu a pu ne pas être le succès qu'il aurait mérité d'être. Sorti un an trop tard, tous les regards étaient rivés sur la véritable révolution amorcée par la playstation.
Pour conclure enfin, **Comix Zone est à la fois une perle de la mégadrive et une véritable leçon de Game Design. Moderne, original, il a su créer son propre univers et l'intégrer parfaitement au média vidéo ludique.** Son ambition reste humble, puisqu'il se révèle avant tout un éloge du comic-book. Mais à travers cet éloge, les créateurs du jeu ont démontrer leur parfaite compréhension du média qu'ils utilisent en reliant chaque aspect de la création au projet. Si Comix Zone n'avait pas existé et qu'aujourd'hui un studio indépendant le sortait, je ne doute pas un instant qu'il recevrait louange sur louange et qu'on saluerait sa capacité à réutiliser les moyens des anciennes consoles tout en livrant une œuvre personnelle et originale. S'il me fallait terminer cette critique par un défaut, qui n'en est pas vraiment un, je ne pourrais m'empêcher d'avouer avoir été longtemps frustré par sa difficulté. Terminer le jeu d'une traite relève de la gageure, chaque combat est bien équilibré et dosé mais les possibilités de regagner de la vie ne sont pas si fréquentes et l'impossibilité de multiplier et d'accumuler des vies rend finalement le jeu très difficile à finir. Cependant sachons nous rappeler qu'à cette époque, les jeux n'ayant pas un véritable seuil de difficulté se révélaient finalement très décevant car ayant une durée de vie des plus limitées. Une partie réussite ne tient en réalité qu'une bonne demi heure. Heureusement finalement, que la difficulté rend cette réussite un véritable défi. L'important en définitive n'est-il pas qu'à chaque nouvelle partie le plaisir reste le même ? **Vive Comix Zone !**

Créée

le 22 avr. 2015

Critique lue 840 fois

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Vy Ty

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