Comme ça a été bien souligné par d'autres critiques, le jeu ne brille pas par son gameplay finalement assez classique, ni par sa durée de vie, somme toute raisonnable pour un petit jeu indé. Mais s'il s'agit bien d'un petit jeu indé, il est du moins très bien fini. L'ambiance nous accroche dès le début, les graphismes et les lumières sont vraiment léchés, et la narration est plutôt bien menée, même si j'aurai à revenir sur ce point. S'inscrivant très fortement dans l'univers du Mythe de Cthulhu, et pouvant même être considéré comme une suite aux Montagnes hallucinées, les créateurs semblent avoir potassé leurs dossiers et bien compris tous les ressorts horrifiques et dramatiques qu'on pouvait tirer des présences pré-humaines qui ont peuplé et peuplent toujours la planète Terre.


Pour avoir testé tout récemment un autre jeu vidéo s'inscrivant dans l'univers de Lovecraft, The Sinking City, je dois dire que Conarium n'a pas souffert de la comparaison, bien au contraire. Là où "The Sinking City" nous embrouille dès le début avec des mécaniques de jeu multiples et complexes et des PNJ à la fois trop loquaces et trop peu (les PNJ-décors et ceux qui te répètent la même chose en boucle pour bien te signifier que tu as déjà tiré d'eux ce qu'il fallait), Conarium mise sur une extrême simplicité et une aventure linéaire. Mais son point fort est justement son écriture et son ambiance qui favorisent une extrême immersion : même si l'on ne comprend pas grand chose au début, et finalement pas beaucoup plus à la fin, on est tout de suite plongé dans une admiration terrifiée des environnements proposés. En soit, c'est vraiment un jeu à faire si l'on a envie de parcourir les environnements lovecraftiens, l'Antarctique bien sûr majoritairement mais aussi des ruines ancestrales du désert et des cabinets de curiosités d'amateurs éclairés du Mythe, et sentir quelques frissons qui sont loin de tout miser sur des jumpscares débiles. Les environnements sont suffisamment lisibles pour ne pas chercher des heures le fameux objet qui nous manque pour avancer, et la progression se fait la plupart du temps de manière naturelle.


Deux bémols toutefois : certaines énigmes sont tirées par les cheveux, ou même carrément obscures dans leur réalisation (le disque de la constellation est juste incompréhensible), ce qui oblige parfois à un petit détour par internet pour trouver une soluce, et nous casse un peu l'immersion. Mais après, c'est peut-être juste moi qui suis débile ou impatient.
Et le deuxième reproche que je ferai est celui d'avoir tenté de mêler beaucoup trop de différentes choses présentes chez Lovecraft, mais qui n'étaient pas forcément liées entre elles. Ainsi le jeu à tendance à nous égarer sur ce qui doit réellement nous effrayer et nous interroger : plantes toxiques et hallucinogènes douées de conscience, dispositifs scientifiques ouvrant les portes de l'inconscient, Grands Anciens, race reptilienne, humains au troisième œil, Shoggoths, golems, créatures marines gigantesques, momies, nécromancie, voyage temporel... Bref, vous l'aurez compris, Conarium regorge de références au Mythe, et les place parfois trop au centre de son intrigue, ce qui nous perd et diminue pour moi l'effet horrifique qu'il aurait pu produire. J'aurais préféré que le jeu se concentre sur un ou deux fils plutôt que de superposer comme ça les différentes strates de fantastique.


Et finalement, tout cela finit par induire un certain détachement face à l'oeuvre. On y plonge très fort au début, puis la surenchère finit par nous passer un peu au dessus. Les différentes couches de réalité également (visions, rêves, flashbacks...), si elles participent diablement bien à l'ambiance générale, estompent peu à peu notre intérêt pour le destin du personnage, car on ne sait plus très bien qui est qui et pourquoi et dans quel ordre.


En bref : une narration globalement bien menée, une ambiance très réussie, et un jeu en soit honnête et bien fini, malgré des longueurs et des énigmes parfois tordues.


Bisous.

Cachalot
7
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le 14 sept. 2019

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Cachalot

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