Dans ce roman interactif fort apprécié écrit par Kazutaka Kodaka, on incarne un étudiant piégé dans un lycée clos avec 14 autres camarades. Seul moyen pour s'en échapper : commettre un meurtre et réussir à ne pas se faire débusquer par les autres lors d'un procès. Le perdant, qu'il s'agisse du meurtrier ou de l'ensemble des détectives qui auront échoué à le démasquer, se fait alors tuer par un maître du jeu sous la forme d'une peluche sadique au comportement cartoon. Comme notre personnage n'est pas du genre à se laisser aller à l'assassinat, il faudra débusquer les criminels moins vertueux tout en cherchant un moyen de s'échapper de ce piège. Tout est en place pour un sympathique jeu de massacre et d'enquêtes policières, convoquant aussi bien le principe de Battle Royale, les affaires policières des Ace Attorney et les jeux machiavéliques en huis-clos à la Saw. Sur le principe je devrais adorer ça car c'est totalement ma came, et il y a une époque où j'aurai pris un pied monstre : l'époque où je n'avais pas encore fait de Ace Attorney ou de Zero Escape, et où j'aurai peut-être été moins exigeant et plus facile à surprendre. Aujourd'hui ça marche terriblement moins bien et je me retrouve dans quasiment chaque mot de la critique d'Alex D. Wolf.


Que les procès de Danganronpa fassent penser à ceux de la série Ace Attorney n'est pas un soucis, cela offre un bon terrain pour transformer les déductions en affrontements dynamiques. Mais les similarités scénaristiques avec la série Zero Escape me posent un gros problème pour évaluer le jeu. Ces deux séries ont été développées par Spike Chunsoft et cela se sent, même si les scénaristes sont différents on ne peut que constater qu'ils ont recyclé presque tous leurs twists (ils fondront d'ailleurs ensemble Too Kyo Games). Virtue's Last Reward est sorti après Danganronpa mais j'y ai joué avant, donc j'ai l'impression injuste que c'est ce dernier qui répète des révélations déjà connues (ce qui est vrai pour quelques éléments complètement repompés de 999, toujours de la série Zero Escape). Dur d'évaluer correctement ce jeu quand un autre me l'aura spoilé sans vergogne. Mais en tentant de rester objectif et d'éloigner ma mauvaise foi autant que possible, je dois quand même dire que Virtue's Last Reward exploitait bien mieux lesdits twists. Il y en avait déjà certains qui étaient prévisibles, certes. Je dois aussi reconnaître que le maître du jeu de Danganronpa, l'ours en peluche Monokuma, est un excellent personnage haut en couleur et qu'il écrase sa pâle copie de VLR, le lapin irritant qui pousse l’auto-plagiat jusqu'à faire des jeux de mots sur sa nature animale. Mais je pense que même si je n'avais pas fait VLR, j'aurai quand même grillé la plupart des twists de fin de Danganronpa car il abuse des indices flagrants. Il veut balancer des mystères qui paraissent insolubles parce qu'ils s'opposent à certains points posés au départ, la seule conclusion raisonnable est donc que lesdits points sont faux. Et comme un indice ne suffit pas on nous en balance un autre, et encore un autre de même nature, et tout concorde à chaque fois vers la même résolution : une solution pas bien difficile à trouver dans la mesure où c'est la seule possible, même si elle implique de supposer que tout est faisable dans cet univers non-réaliste dont on ne connaît pas les limites. VLR avait le mérite de limiter les indices (à quelques points bien cramés près, voir la fin de Dio) et de se contenter de nous donner des éléments pour que l'on sache que "c'est possible dans ce monde là", soit l'inverse de son grand frère. Les 3 jeux de la série Zero Escape ont également pas mal de surprises inédites vraiment renversantes, certaines jouant très astucieusement de notre rapport avec l'interface vidéoludique. Même si VLR est sorti après Danganronpa, il fait tout mieux au niveau scénaristique en dehors de Monokuma.


Il convient quand même de féliciter l'ergonomie. Souvent les visual novel qui offrent la possibilité de se déplacer et fouiner souffrent d'une grosse lourdeur à ce niveau, ce n'est pas le cas ici. Les éléments cliquables peuvent être signalés pour qu'on ne loupe rien, on peut se téléporter et lorsqu'un personnage dit "Allons dans telle salle" le jeu le fait pour nous sans nous demander de nous farcir tout le trajet. On ne perd pas de temps pour rien lors des enquêtes, on ne s'énerve pas trop sur des bêtises, c'est globalement fluide. Ces phases de déplacement ou d'investigation sont toujours des formalités présentes uniquement pour donner la très vague impression au joueur de s'impliquer (les Zero Escape s'en passaient carrément en dehors des escape room et c'était très bien ainsi) mais au moins ça ne s'oppose pas au plaisir du joueur.


Il faut aussi souligner le soin accordé à la mise en scène. Par exemple lorsque l'on passe d'un personnage à l'autre pendant les dialogues, la caméra pivote légèrement mais rapidement vers le nouvel interlocuteur au lieu de rester immobile comme chez tout le reste de la concurrence : en plus de donner du peps à ces discussions cela permet de mieux situer les personnages dans l'espace, une idée toute simple mais qui apporte vraiment quelque chose à la lecture. Si je laisse l'appréciation du character design très japonais et souvent cliché à chacun, force est de reconnaître que le jeu a une patte artistique bien à lui. Les musiques sont également très inspirées, un excellent point qui participe à l'identité du titre. Je regrette quand même que ce côté coloré réduise beaucoup la noirceur de cette situation où des étudiants doivent s'entretuer, en particulier lors des exécutions grotesques dont l'aspect comique s'oppose à l'horreur qu'elles devraient inspirer.


Les séquences de procès sont survoltées et enchaînent les déplacements rapides de caméra et les effets visuels et sonores fracassants, sur ce point cela change en bien des Ace Attorney même si ça finit par se répéter. Il y a surtout une emphase mise sur l'analogie du jeu de tir qui affecte autant la mise en scène que le gameplay et même le titre du jeu, pour le meilleur et pour le pire. Les éléments de l'enquête sont représentés comme des munitions que l'on doit tirer sur les fausses déclarations, ce qui nous place dans la position d'un pistolero qui flingue l'argument de ses adversaires. De fait, les séquences de dépistage de contradictions "à la Ace Attorney" débutent sur un travelling circulaire très serré nous faisant défiler tous les personnages : c'est hypnotique avec cette musique de fête foraine psychédélique qui nous implique dans le procès. Mais surtout cela évoque aussi bien un barillet qu'une liste de cibles à abattre dans un stand de tir, soutenu par ce "Make your argument !" vindicatif de jeu d'arcade (qui rappelle les Seek a way out des Zero Escape, on reconnaît des motifs de Spike Chunsoft). C'est donc à la fois impliquant et porteur de sens puisque tout le jeu repose sur l'idée d'atteindre sa cible avec sa balle / détruire les mensonges avec ses preuves. PAN j'ai troué ta rhétorique !


Sur le papier pourquoi pas, c'est une manière de garder la métaphore des affrontements de Ace Attorney sans en reprendre l'esthétique de jeu de combat, c'est même bien vu dans une production qui nous fait alterner à grande vitesse des personnages dont on doit choisir lequel on va attaquer au moment où il se présente, soit un pur jeu de tir arcade. Le problème c'est que ce choix se répercute dans le gameplay de ces phases d'une manière jouable mais malvenue.


Les séquences de débats nous demandent de trouver la vérité en temps limité. Les dialogues s'enchaînent en temps réel avant de revenir au point de départ et si l'on tarde trop on doit reprendre le dialogue du début. Cela pose donc le joueur dans la posture non pas d'un détective/pugiliste qui prend le temps d'analyser la situation pour trouver la faille, mais dans celle d'un orateur/flingueur qui doit attraper la balle au bond et tirer avant que le scrolling ne passe à une autre cible, demandant de viser littéralement la phrase concernée et de sélectionner la bonne "balle". Personnellement je n'aime pas trop ce système qui ne favorise pas la réflexion, mais à la limite c'est personnel et cela reste cohérent au niveau ludo-narratif. Le temps accordé est largement permissif et les game over n'ont aucune incidence, ce qui enlève pas mal d'enjeux d'ailleurs.


Mais ensuite le jeu ajoute des phrases parasites en violet qui bloquent nos balles et que l'on doit soit esquiver, soit faire disparaître avec une autre touche. C'est une application littérale d'un jeu de tir où l'on doit bien viser pour esquiver les otages à protéger ou au contraire éliminer du "bruit", seulement ça n'a rien à faire dans un visual novel à énigmes. On s'est lancé dedans pour la lecture, le fait que ça demande de la réflexion est cohérent avec un scénario de détective mais par contre pour la dextérité ce n'est pas le cas. Si Danganronpa avait vraiment été un shooter assumé avec de la narration derrière, passe encore. Mais ce n'est pas le cas, ces séances de tir constituent un pourcentage très minoritaire du temps que l'on passe en jeu et ne sont pas assez incroyables pour constituer un argument de vente comme peuvent l'être les phases de gameplay d'un Metal Gear Solid, bien plus abouties pour justifier qu'elles interrompent le scénario (comment ça c'est l'inverse ?). Il y a un énorme délai entre le moment où l'on appuie sur la détente et le moment où la balle atteint sa cible, si on joue "dans les règles" on a toutes les chances du monde d'avoir une phrase en violet qui débarque au dernier moment pour nous bloquer et nous forcer à relancer le dialogue du début. On finit par activer le bullet time pour tirer sans prendre de risque, comme il se recharge très vite il n'y a aucune raison de se priver même si ça réduit à néant la portée ludique de cette épreuve de visée.


Plus tard on se farcit d'autres mini-jeux dispensables. Il y a le jeu du pendu qui est une manière d'indiquer que l'on a compris ce qu'il s'était passé sans se contenter de choisir une réponse dans un QCM, même si ces derniers répondent présent. Il faut donc recycler son flingue rhétorique en tirant dans le bon ordre sur les lettres qui forment la réponse, tandis que les combinaisons possibles sont suffisamment peu nombreuses pour que la réponse soit trouvable. Mouais, c'est pas ce qu'il y a de plus mémorable et il faut parfois jouer à trouver le mot auquel ont pensé les développeurs alors qu'on a compris les grandes lignes de ce qu'il fallait démontrer, mais à petite dose pourquoi pas. Cela reste un mini-jeu de déduction. Plus gonflant, le jeu du résumé de l'affaire dont il faut remplir les blancs casse pas mal le rythme alors qu'il demande simplement de vérifier que l'on a bien compris tout ce qu'on vient de prouver. Mais là où j'ai roulé des yeux c'est pour le jeu de rythme. Qu'est-ce que ça vient foutre dans mon roman interactif à énigmes ? Les phases de jeu de tir paraissaient déjà hors de propos mais au moins elles collaient à l'allégorie et on pouvait quasiment se passer de dextérité en abusant du bullet time pour se contenter de chercher la bonne réponse. Là par contre c'est comme si on avait un mini-jeu de course de chars au milieu d'une partie d'Age of Empires, le genre de truc où les développeurs oublient quel est leur public. J'ai lu des avis disant que ces mini-jeux permettent d'aérer les phases de procès, mais elles sont déjà bien assez rythmées pour se passer d'une épreuve aussi inappropriée. J'aime bien faire des bons jeux de rythme ou des bons jeux de tir, mais je n'aime pas quand un roman est interrompu par un mini-jeu tout plat et inutile qui demande des compétences certes largement accessibles, mais hors-sujet.


Ces curieux choix de game design s'expliquent en partie par une demande de variété qui gangrène pas mal de jeux récents (voir les beat them all qui imposent une séquence de course de moto ou de rail shooter), mais aussi par ce besoin d'illustrer son allégorie au niveau ludique. Le jeu de rythme illustre une foire d'empoigne où il faut faire taire son adversaire en éliminant tous ses mauvais arguments et l'achever avec un bon gros clash imparable, car cela booste la mise en scène par rapport à un simple "Présente moi ta preuve !". Ok je vois l'idée et ça se comprend, mais peut-être qu'on pouvait faire quelque chose de stylé sans imposer le mini-jeu ? Surtout que pour la partie clé où l'on présente la preuve, ben on n'a même pas besoin de la choisir pendant une bonne moitié du jeu (et le reste aussi si l'on joue en "facile"), on le fait pour nous. Quand enfin on nous demande de trouver la bonne balle à tirer, le jeu nous prive du menu permettant d'accéder à leur description et nous demande de nous fier uniquement à leur titre très nébuleux, alors qu'on n'a que quelque secondes pour découvrir les choix qui se présentent devant nous. Souvent je me suis fait avoir alors que je connaissais le raisonnement à opposer à mon adversaire, mais je me trouvais incapable de deviner laquelle de mes balles pointait vers le détail auquel je pensais.


Même problème lors des recherches de contradiction : l'élimination ou l'esquive des phrases en violet est une image épaisse des débats où l'on doit percer la vérité derrière les pensées parasites. On peut aussi récupérer un bout de phrase de l'argument d'un personnage pour l'utiliser contre un autre en contradiction, ce qui occasionne quelques moments dans lesquels l'on utilise cette interface pour créer des situations de nekketsu où c'est le joueur lui-même qui s'exprime par le biais des outils vidéoludiques qu'on lui fournit. C'est bien vu sur le papier, cela contribue à la narration ludique, mais encore faut-il que ce soit bien compréhensible et utilisé. Parce que franchement, avait-on besoin de cette métaphore des phrases violettes ? C'est plutôt un prétexte pour un mini-jeu où ce que le joueur accomplit (le tir) correspond à ce que le personnage fait (des déductions) mais uniquement sur un plan métaphorique assez abstrait. J'aurai préféré ne faire que de la réflexion comme mon personnage plutôt que de voir le fruit de mon intelligence mis en échec par un tir trop lent ou mal visé, ou par une logique nébuleuse des développeurs. Le coup des bouts de phrase à récupérer pour tirer sur les autres en témoigne : faut-il utiliser la phrase A comme balle contre la phrase B, ou l'inverse ? Des fois les deux colleraient, mais les développeurs ont décidé que non. D'autres fois je ne comprenais pas ce que l'on me demandait de faire parce que je ne voyais pas où se situait le débat : un personnage se demande "comment le meurtrier a-t-il pu faire ça ?", et à la fin du dialogue il y a un autre personnage qui donne littéralement la réponse devant tout le monde. Bah pourquoi on bloque comme ça alors que machine a tout dit ? Il y a un truc que je n'ai pas compris qui fait que c'est faux et que je dois le prouver ? Eh bien non, simplement il fallait que le joueur récupère cette déclaration pour l'utiliser sur la première phrase "comment le meurtrier a-t-il pu faire ça ?" et s'attribuer tout le mérite. Et c'est une situation assez fréquente et absurde, ou comment faire perdre du temps au joueur en lui demandant de réinventer la roue.


J'ai passé beaucoup de temps sur le game design des séquences de procès car ses qualités comme ses défauts me paraissaient intéressants et révélateurs d'une vraie démarche pour mélanger des genres vidéoludiques opposés. Au final je trouve que l'essai n'est pas transformé et je préfère largement la simplicité efficace et dénuée de gras des procès de Ace Attorney, mais à la limite ce n'est pas ce manque d'élégance qui fera la valeur d'un roman interactif tel que Danganronpa. Il provoque nombre de frustrations mais ne s'oppose que modérément au plaisir de suivre l'histoire, il ne justifie donc pas ma note. En revanche le scénario n'a pas su rattraper ça. Avant de m'attarder dessus je vais lui concéder d'avoir un excellent sens du rythme et des péripéties, il sait monter en intensité comme il faut et tient en haleine. Les affaires de meurtre sont d'ailleurs plutôt bien pensées. C'est ce qui fait que je ne descends pas en dessous de la moyenne, on ne s'ennuie pas une fois que la présentation laborieuse des personnages et des règles du jeu est terminée. Car oui l'introduction qui nous présente chacun de nos 14 camarades en rang d'oignon est pénible, j'avais l'impression d'avoir une loooongue liste de corvées à remplir. Il y a aussi les séquences où l'on doit tisser des liens avec les personnages pour obtenir des capacités lors des procès : elles manquent vraiment d'intérêt et ne sont pas très bien écrites. Encore un emprunt irréfléchi à des mécaniques vidéoludiques modernes. Je dirais enfin que le thème qui sert de fil rouge, à savoir l'espoir et le désespoir, est bien vu dans son traitement mais malgré tout assez lourd tant Monokuma nous bassine avec, c'est encore pire que Vin Diesel qui nous parle de la famille dans un Fast & Furious.


Quinze personnages hauts en couleur, ça fait beaucoup. Vu l'ambiance glauque de la situation je me demandais si on allait être dans le cartoon qui vire occasionnellement au sérieux des Ace Attorney (mouais ok) ou au sérieux assumé des Zero Escape (yeah !). Eh bien on a le compromis qui trouvera son public mais pas moi : l'ambiance glauque qui vire régulièrement au cartoon, et ce sont les personnages qui en font les frais. Il y en a qui se tiennent tout du long, et il y en a qui partent progressivement en cacahouètes en devenant de plus en plus stupides ou excessifs, toujours de manière assez caricaturale. Taka est présenté dès le départ comme une parodie de héros de shonen, droit dans ses bottes et prêt à hurler sa détermination à la face de quiconque arrive en retard. Toko débute comme la romancière qui voudrait qu'on s'intéresse à elle mais se montre agressive dès qu'on lui parle, ça pourrait aller s'il n'y avait pas cette évolution horrible que je ne spoilerai pas. On se farcit également le geek corpulent et tous les clichés qui vont avec. Globalement les personnages ont un trait de caractère et parfois une évolution qui survient, mais rarement plus. Certains sont vite relégués au rang de clowns qui expriment toujours la même chose (voir Toko dont le traitement se montre vraiment très embarrassant). On en a bien quelques uns à sauver, quelques évolutions font plaisir. On traitera du deuil et de la confiance que l'on accorde aux autres, des liens se forgeront naturellement. Cela rattrape un peu les débuts difficiles, mais j'ai eu moins d'attachement que ce qu'un Battle Royale exigeait et je me suis agacé de voir pointer des comportements comiques aux moments qui me paraissaient inappropriés, surtout que les blagues naissent toujours des mêmes traits de personnalité qui sont ré-exploités en boucle. Ce sera là une affaire de ressenti personnel.


Ce qui est plus gênant, c'est que mes remarques concernant les twists prévisibles pour la trame de fond sont aussi valables pour les meurtres à élucider. Les indices à récolter sont tellement surlignés que l'on aura compris l'essentiel avant même de démarrer le procès, et ce pour l'intégralité des affaires. Parfois on a carrément deux indices pour mener à la même conclusion, des fois que le premier serait insuffisant. Tout est là, tout est clair mais la mentor de notre héros va quand même forcer en lui disant "Regarde bien, il n'y a pas quelque chose qui te paraît étrange dans cette disposition ?". Et lui il ne voit pas, parce que Kazutaka Kodaka nous prend pour des andouilles. Et les autres aussi mettent des plombes à comprendre ce qu'on leur annonce alors que c'est parfois tellement évident que l'on croyait que tout le monde l'avait déjà assimilé. Pour un jeu qui use autant de la métaphore des armes à feu, les personnages sont vraiment lents à la détente. C'est parfois terrifiant, la réponse est sous leurs yeux sans aucune subtilité et ils ne voient rien, j'ai énormément soupiré. Je n'ai quasiment pas ressenti le choc d'une révélation qui me fout au sol et redistribue toutes les cartes, la plupart des éléments qui me manquaient attendaient sagement d'être présentés lors des procès.


Cela détruit pas mal l'intérêt scénaristique d'un jeu qui reposait largement dessus, mais ça empiète aussi naturellement sur la difficulté des épreuves de réflexion. Presque toutes mes difficultés consistaient à deviner comment je pouvais me faire comprendre du jeu et non à résoudre les enquêtes. Cela arrivait aussi parfois dans les Ace Attorney, mais ces derniers arrivaient quand même à faire chauffer les cellules grises. Ces jeux étaient pensés pour qu'on l'on n'aie pas tout de suite la réponse et nous demandaient de prendre le temps d'analyser un témoignage que l'on découvre tout juste, de faire le va-et-vient entre nos preuves et les déclarations avant de mettre le doigt là où ça coince et de progresser ainsi, en creusant dans ce qu'on nous énonce et en nous adaptant aux nouvelles données fournies. Dans Danganronpa on n'a pas de témoignage à découvrir et décortiquer, on a des gens qui nous rappellent les faits que l'on connaît déjà et on leur oppose un raisonnement que l'on a trouvé avant même que cela ne démarre. C'est pour ça que le jeu favorise une mise en scène nerveuse qui nous demande de réagir avec rapidité, parce qu'il est beaucoup trop facile pour être intéressant à faire à tête reposée. On ne doit même pas choisir sa bonne preuve parmi l'intégralité de celles que l'on a récupérées, le jeu nous fait à chaque débat une présélection plus ou moins fournie selon la difficulté choisie. Orienter son game design vers la réactivité pour faire monter la tension, j'accepte. S'en servir de cache-misère, non.


J'ai pas mal taclé Danganronpa sur des points parfois anecdotiques, parfois soumis à l'appréciation personnelle du joueur pour les personnages ou les twists, et souvent des problèmes structurels, mais ce serait mentir que de le présenter comme un tâcheron. En gros j'ai eu l'impression d'un jeu calibré pour des joueurs qui n'ont pas la même expérience que moi de ce genre d'histoire. Ces derniers auront de quoi profiter d'un excellent moment et me demanderont certainement d'arrêter de les emmerder avec mes références et surtout avec ce Virtue's Last Reward qui est sorti après, mais le fait est que je suis très heureux d'avoir pu le faire avant.

thetchaff
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le 27 août 2019

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