• T’as réussi à le pousser dans le vide ce boss ? J’ai dû au moins galérer pendant 5 heures pour le battre avec son armure !

  • Moi, j’ai abandonné au bout de 5 heures, le jeu est trop dur et la caméra est horrible !

  • Je transportais 40000 âmes quand un mec a envahi mon monde et m’a tué alors que j’affrontais 4 mobs en même temps. Je hais ce jeu… et ces joueurs.

  • Perso j’ai fini le jeu sans améliorer mes armes, j’ai tué le forgeron sans faire exprès..

  • Sérieux, mais c’est quoi ce boss dont tu parles ? Je l’ai jamais fait !!


Demon’s souls étant un succès critique mais relativement peu connu hors japon, Dark souls a pour beaucoup de joueurs été le premier contact avec la série des Souls. Atypique, obscur, cruel, fascinant, à sa sortie, en 2011, nos conversations onlines majoritairement tournées vers SF4 se sont rapidement métamorphosées en conversation de cour de récré ou chacun partageait soit son expérience, ses mésaventures ou frimait d’avoir découvert un passage secret ou d’avoir même fini le jeu !


Pour expliquer simplement le concept de base de Dark Souls, vous tuez des ennemis ou utilisez des objets collectables pour gagner des âmes, monnaie qui servira autant pour monter en niveau que pour acheter votre stuff. Si vous mourrez avant d’avoir dépensé votre précieux pactole, vous le perdez mais pas définitivement si vous arrivez à le récupérer sur votre dépouille. Néanmoins vous n’avez qu’une seconde chance, et les ennemis rewpawnent quand vous revenez à votre point de contrôle.


S’il est évident que Dark Souls n’a laissé personne indifférent, il me chagrine qu’encore aujourd’hui, que le jeu soit essentiellement évoqué sous le prisme du challenge, de la difficulté. D’où cette présente critique.
Alors oui, il serait mentir que mon premier run fut une promenade de santé. Pour être totalement honnête, n’ayant pas compris des principes de gameplay basiques comme l’amélioration des armes, mon aventure s’est terminée dans les larmes et le sang face au duo de boss terrible après une cinquantaine d’heures de jeu. [Hop, une manette en moins]


6 mois sont passés, des manettes furent rachetées, et me sentant prêt pour revivre ce cauchemar, je décidais de relancer Dark Souls, cette fois ci en connaissance de cause.
Et puis, une fois le prologue de nouveau passé, arrivé au Firelink Shrine qui fera office de hub principal, le même sentiment qu’à mon premier run :


Je me sens terriblement seul, jamais un jeu vidéo, voire même une œuvre culturelle ne m’a laissé un sentiment de solitude aussi prégnant. Que ce soit l’absence de musique, les PNJ’s qui sont soit hostiles, soit fous, soit dépressifs ou les ennemis tous plus cauchemardesques les uns que les autres, Lordran, le lieu où se déroule Dark Souls me fait passer un message clair.


Elle. Ne. Veut. Pas. De. Moi.


Tout au long du jeu, que cela soit dans les marais, l’enfer, ou à Anor Londo, le joueur est persona non grata. Devenu une carcasse et voulant redevenir humain, sa quête est raillée ou perçue comme folle par les PnJ’s. Ame errante, zombie ou réceptacle désespéré, n’espérait pas que Dark Souls traite d’une quelconque quête initiatique ou vous en deviendrez le héros. Vous voulez redevenir humain dans un monde usé et fini, aussi stupide et ironique que cela puisse paraître.
Seuls les feux disséminés un peu partout dans Lordran feront office de BFF, de véritables lueurs d’espoirs dans un univers incroyablement oppressant. Parce que oui, mon premier run allant « au bout » fut loin d’être plaisant. Dans certaines zones comme Blighttown, j’ai eu l’impression de suffoquer, me demandant à la manière d’un survival horror où et surtout quand serait l’oasis pour que je puisse éteindre ma console et enfin arrêter cette partie éreintante.
Evidemment, harcelé par le bestiaire du jeu, vous serez aussi mis à mal par le level design, tortueux et sadique à souhait qui mettra même le joueur le plus averti quelque fois en PLS, tellement le LD est génialissimement bien pensé.


Mais encore une fois, croire que ce qui fait le sel de Dark Souls est sa seule difficulté serait à mon sens passer à côté du jeu. Ce serait occulter son ambiance hors du commun, sa bande son mêlant silence pesant lors de phases d’exploration et musiques inquiétantes et fortes lors des combats de boss. Ce serait également oublier son utilisation inédite et révolutionnaire du jeu en ligne. Ni compétitif, ni véritablement coopération, Dark Souls invente sa propre grammaire.



  • Vous voulez vous la jouer bon Samaritain et aider le ptit newbie à ne pas passer 20h à trébucher sur un piège ? Cool.

  • Vous voulez qu’un joueur un peu crédule meurt en pensant qu’il y a un trésor en bas de ce précipice à cause de votre message ? Vous pouvez le faire (Mouahahahah, on l’a tous fait)

  • Vous voulez vous la jouer PJ Killer parce que c’est quand même vachement fun de détruire les espoirs d’un joueur à l’autre bout du monde ? Pas de souci.


Et si l’exploration fut traumatisante, les combats ardus, les pertes sèches d’âmes dures à encaisser, je peux dire sans me tromper que j’ai appris. Dark Souls m’a transmis quantité de savoir.
Le level design par exemple :


La structure de Lordran fonctionne de tel sorte que toutes les zones sont interconnectés par des ascenseurs ou des raccourcis. En bref, 0 temps de chargements et une part belle à l’exploration et aux pertes de repères. Pas de map, le joueur apprend par tâtonnement les raccourcis utiles pour aller plus rapidement d’une zone à une autre et éviter les pertes d’âmes trop nombreuses. Et par cet apprentissage, le joueur commence à assimiler le level design et par la mécanique principale du jeu à le connaître par cœur.
Et c’est ce qui est formidable, aujourd’hui même après 4 ans de non jeu, je suis de mémoire capable de me reconstituer tout Lordran, les passages à éviter ect… Plus qu’une vague connaissance du jeu, je connais parfaitement ses recoins, ses pièges.


Dark Souls m’a également appris à expérimenter, ce PnJ me vend une clé à 5000 âmes, c’est hors de prix, le voleur. Et si je le pillais, après tout peut être que le PnJ est mortel ? Pas manqué il loot la clé et un sabre génial que je garderais jusqu’à la fin du jeu. Est-ce que c’était moral de tuer un marchand même sénile pour une arme et un raccourci ? Le joueur a fait, j’ai fait un choix. Privilégier mon confort de jeu et ma progression plutôt qu’au possible dialogue et lore entourant ce PnJ. Un choix fait par le gameplay, aucune cinématique.


Et c’est ce qui rend à mon avis Dark Souls unique et jouissif. C’est un jeu vidéo, au sens le plus noble du terme. Ici aucun héritage cinématographique, l’expérience du joueur, ses choix, sa perception du monde qui l’entoure se fera à travers le gameplay, ses interactions et rien d’autre.
Le Lore ne se découvre pas à travers des dialogues interminables mais sur les descriptions d’objets, de plus Dark Souls a le bon ton de laisser le joueur avec un univers volontairement opaque, laissant les plus passionnés créer des théories passionnantes autour du jeu. Encore une fois Dark Souls fait confiance au joueur et favorise la pratique émergeante.


Enfin un petit mot sur le gameplay qui peut étonner au premier abord.
Parfaitement dans le thème, le maniement de son perso est rigide et peut le devenir encore plus selon le set d’armure. Relativement lents, les combats ressemblent plus à de lentes joutes ou chaque adversaire cherche un point faible. Si le joueur débutant pestera d’abord contre le caractère injuste des combats (exemple anodin : 2 boss contre moi, impossible !!) , après des heures d’acharnement et d’apprentissage de pattern, le joueur rusera et au final ridiculisera l’IA, un brin co-conne.


Et cette maîtrise se cristallise parfaitement par mon passage préféré, l’affrontement final.


Seule musique de boss triste et nostalgique jouée au piano, le roi déchu de Lordran est le seul boss qui puisse être contré. La musique montre le caractère tragique du combat, le gameplay démontre votre progression, la boucle est bouclée.
Ultime coup de génie, le jeu vous laisse le choix de prendre la place du boss final, et donc d’attendre à votre tour d’être défait par une autre carcasse, un autre joueur.


C’est donc la boule au ventre que j’ai entamé mon périple, et la gorge nouée par l’émotion et l’esprit plein de souvenirs que je quitte Lordran pour la troisième fois.


Si je ne devais garder qu’une œuvre pour définir et expliquer ce qu’il y a d’absolument de réjouissant dans le jeu vidéo, ce serait définitivement Dark Souls.

Pendrago
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le 28 oct. 2015

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Pendrago

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