Je ne pense pas avoir un jour déjà joué à un jeu qui soit une telle ode à l’humanité que Dark Souls. Je ne sais pas si c’était voulu par Miyazaki, ou bien si par instinct, les développeurs du jeu ont réalisé une belle fresque peignant toutes les nuances de l’humain, ni bon ni mauvais. Quoi qu’il en soit, je crois que c’est l’une des choses qui m’a le plus fasciné dans Dark Souls. Ce jeu est un jeu humain, le rapport qu’il entretient avec le joueur est particulier, et il est évident que bien des joueurs seront laissés sur le carreau.

Il est évident que la première chose qui frappe quand on démarre le jeu, c’est sa difficulté. On aura beau préférer qualifier ça de « jeu exigeant » (moi-même compris dans le « on »), il faut appeler un chien un chien : Dark Souls est un jeu difficile. Les monstres, tous, font mal, les boss sont des obstacles à même de freiner durablement le joueur dans son périple, le jeu ne concède pas l’erreur, et aucun mur invisible ne viendra vous sauver d’une chute mortelle. Et c’est là le premier niveau d’humanité que l’on peut remarquer. Notre personnage n’est pas pourvu de capacités hors-norme, comme c’est si souvent le cas dans les jeux-vidéos. Physiquement, il a les limites d’un être humains, la force d’un être humain, et… la résistance d’un être humain. Le jeu nous montre à quel point l’homme est un être fragile, qui peut mourir si facilement. On a beau avoir la magie, elle n’est pas (trop) fumée, et garde donc cette dimension humaine et fragile. En face de nous, ce sont des démons, souvent bien plus grands que nous, bien plus forts que nous. Vaincre ces monstres n’est pas facile, car nous sommes humains, aux capacités limités, nous ne pouvons nous permettre de foncer tête baissé, car notre vie est fragile. Ainsi il faut observer, esquiver, parer, pour tenter de trouver la faille, le court moment où l’on pourra se frayer un chemin entre les assauts de l’ennemi, pour porter un coup, peut-être deux, puis vite reprendre une attitude défensive, pour ne pas mourir.

Ces combats où notre vie ne tient qu’à un fil, où souvent un ou deux coups suffisent à nous renvoyer aussi sec au feu le plus proche, deviennent évidemment des moments de stress intense, mais également de magnifiques joutes épiques. Dark Souls a ce côté épique, qui renvoie directement aux mythes antiques, où des héros, chétifs et vulnérables, viennent à bout de créatures extraordinaires. La mise-en-scène est pourtant simple… Mais la musique, qui ne s’active que durant les combats de boss, l’intensité du combat pour le joueur et le design vraiment réussi des ennemis suffisent à poser ce souffle épique, qui n’est pour le coup pas artificiel. Un simple humain face à un immense loup-gris tenant en sa gueule une longue épée… Voilà une image magnifique d’un combat épique. Triompher d’un boss, c’est souvent un sentiment d’accomplissement. On exulte de joie, on respire, puis on se calme, car on sait qu’on doit repartir, et qu’il y aura encore plus terrible sur notre chemin. Second niveau d’humanité. L’homme est capable de grandes choses avec peu. S’adapter aux situations pour les dépasser, alors qu’elles semblaient inextricables ? Voilà une belle représentation du génie humain, capable d’immense exploits !

L’univers dans lequel nous avançons, lentement, est l’un des gros points forts du jeu. Lordran est un monde envoûtant, sombre, mystérieux, dangereux, mais paradoxalement, également fascinant et beau, à sa manière. On ne nous donnera que rarement de grandes informations sur cet univers, le jeu préférant laisser au joueur le loisir de découvrir de lui-même son histoire et ses secrets. Mais plus encore que l’ambiance, cette maestria de l’univers du jeu est également dû à quelque chose de définitivement technique et non empirique, une réussite de From Software : le level design. Le monde du jeu est cohérent, tout semble assez naturel, et pourtant tout est fait pour pousser le joueur à l’exploration. Tout se connecte de façon fabuleuse, nous permettant de nous déplacer assez vite, à partir du moment où l’on connaît les environnements. Cela demande une lisibilité exemplaire, ce qui est le cas. J’ai assez régulièrement hurlé au génie en découvrant le level design, intelligent.

Ce qui peuple ce monde, ce sont des PNJs, peu nombreux, mais plutôt attachants malgré leur peu de conversation. Ils sont les rares éléments du jeu à nous donner un peu d’infos, et parfois de l’aide. Mais parfois également, une opposition. Cette dualité des personnages qui nous aident ou nous mettent des bâtons dans les roues se retrouve dans le système de jeu online. Les joueurs peuvent nous laisser des messages, qui peuvent en effet très bien être une aide, mais également être un piège. Nous pouvons discerner les fantômes des autres joueurs autour de nous, ce qui rajoute indubitablement à l’ambiance de l’univers, nous sort un peu de notre solitude tout en nous y complaisant. Enfin, on pourra obtenir la coopération d’un joueur pour un niveau, en l’invoquant dans notre monde, ou bien sera-t-on attaqué par un autre joueur, envahissant notre monde. Troisième niveau d’humanité. Les interactions avec les autres joueurs dévoilent les interactions qu’ont les humains entre eux. Parfois nous nous entraidons pour passer des difficultés ensemble, avec l’expérimenté qui dispense son savoir au novice. Parfois, nous nous entre-tuons, sans réelle raison sinon éventuellement le profit. L’homme est un loup pour l’homme, et à chaque invasion de joueur dans Dark Souls, on ne pourra s’empêcher de crisper les mains sur la manette et se sentir tendu, surtout quand nous avons dans notre poche un bon nombre d’âmes.

Dark Souls est un jeu à dimension humaine. C’est mon avis, et on pourra me contredire. Mais l’homme est un être fascinant, et Dark Souls joue bien avec toute ses facettes. L’arrogance qui mène au surplus de confiance en soi sera écrasée aussi vite qu’elle sera venue, quand nous mourrons comme un idiot parce qu’on aura sous-estimé le jeu. La colère qui gronde en nous nous amène aussi à faire des erreurs, que le jeu récompensera par la mort, car pour y arriver, il faut garder la tête froide. L’apprentissage est un fait. Pour réussir à jouer à Dark Souls, nous devons apprendre, et chaque mort, chaque erreur nous rapprochera toujours un peu plus de la fin, car nous aurons appris. C’est là le quatrième niveau d’humanité. L’humain est peut-être faible, idiot, prompt aux erreurs, mais l’être humain peut apprendre. Il ne doit pas abandonner, mais persévérer, pour finalement arriver à réaliser son but.

Les défauts du jeux tiendront finalement beaucoup du ressenti que le joueur aura face à ce qu’on lui propose. Des défauts empiriques, qui différeront pour beaucoup. Mais si on s'en tient à un cadre très technique, nous pourrons citer tout de même quelques bugs de hitbox qui pourront vous occasionner les rares morts injustes du jeu. On peut citer l’aspect graphique, qui est loin d’être ce qu’on a vu de plus beau, malgré la direction artistique fabuleuse. On peut parler de la version PC optimisée avec les pieds, heureusement sauvée par le DSfix. On peut enfin discuter sur l’équilibrage des différentes capacités, de la magie par exemple. Mais vraiment, ces défauts seront soit insignifiants si le jeu vous accroche, soit horribles si le jeu vous rebute.

Tous les joueurs n’auront pas la patience d’aller au bout, la patience d’apprendre. Tous les joueurs n’apprécieront pas l’atmosphère désespérée qu’installe le jeu. Tous les joueurs ne sauront pas garder leur calme. Dark Souls n’est pas un jeu qui donne facilement, il demande un investissement à celui qui tient la manette, il lui demande également d’être digne de lui. Dès lors, le jeu délivrera alors ses secrets, son humanité, son cœur. Il nous montre finalement qu’au fond, l’important n’est peut être pas le but, mais plutôt le voyage que l’on a fait pour y parvenir. En ce cas, je le dis, de façon personnelle : Dark Souls fut pour moi un bien beau voyage.
Nivarea
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le 12 déc. 2014

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Nivarea

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