Death Stranding, une proposition d'auteur



Première production indépendante de Hideo Kojima depuis son envol du nid à la paille sale de Konami. La réception de son dernier oeuvre, The Phantom Pain aura connu un accueil plus-que-mitigé au nul autre pareil dans l'histoire de sa carrière. Death Stranding était destiné à rétablir la vérité sur ce créateur génial qui est passé d'un statut divin au vieux cancre has been en seulement un seul jeu. Death Stranding, le produit de la preuve ou l'infirmation du talent qu'on lui trouvait et qu'on pouvait le soupçonner d'avoir perdu au fil des années.


Death Stranding étant un jeu très atypique, et même le "premier de son genre" à en croire son créateur. Il est évident qu'on ne peut pas ignorer que son jugement va auprès de beaucoup de joueurs, avertis ou non, se faire non seulement par une évaluation personnelle de critères plus-ou-moins objectives mais aussi et en grande partie : selon la mentalité avec laquelle un tel ou tel pourrait aborder la proposition.


Et peu importe si certains jettent le bâton et la corde dans une crevasse de poix et qu'ils font de Death Stranding le troisième outil de l'humain primitif afin de, au choix : confirmer leur biais positif ou négatif au sujet de son créateur, affirmer leur appartenance à la ligue anti ou pro Hideo des forums de discussion ou le moyen que je préfère démasquer par dessus tout, celui consistant à déclarer un amour déraisonnable envers un jeu controversé afin de se sentir membre d'une élite imaginaire.


Et c'est à cette dernière catégorie que je dédie l'appellation de "Samuel" au personnage de Norman Reedus lors de l'entièreté de la rédaction de cette critique. Car il est moins facile de frimer quand le jeu qui fait de toi un special snowflake a pour héros un Samuel !



Samuel versus Wild



"Porter" de son nom, Samuel est un agent de livraison et de transport rencontrant des difficultés lors de sa première livraison. La pluie battante transforme la terre en eau boueuse, sa progression est ralentie, sa moto est H.S, les colis lui pèsent de plus en plus et le terrain est aussi irrégulier que le rythme de jeu qui vous attend au-delà de ce début de premier chapitre.


Nous avons pied sur une terre hostile et au-dessus, un dôme de ciel dont le produit pluvieux était auparavant source de vie mais qui aujourd'hui s'avère hostile par sa nature dégradante. La pluie détruit vos marchandises et au contact d'une quelconque matière organique, accélère sa vieillesse. C'est peut-être car l'eau du ciel (pourtant si riche en minéraux) est devenu agent d'accélération du temps et qu'elle cause dégradation physique que les humains ne s'abreuvent plus que de boisson énergisante Monster™ ?


L'univers est tout de suite intriguant. L'amour au premier cut-scene, oserais-je dire. Peut-être que la prestance du personnage de Léa "Fragile" Seydoux y était pour quelque chose mais il est certain qu'un certain magnétisme s'est tout de suite dégagé du game feel aux petits oignons et ce, dès la descente de la première pente glissante à petits coups de L2 et R2. La notion d'équilibre à une place prépondérante au sein du gameplay qui fait tout pour "game'ifier" au possible la simple transport de marchandise.


On réalise rapidement que nous ne sommes pas un simple livreur quand on se retrouve embarqué dans une mission de grande envergure s'agissant pas moins de la réunification de l'ex-U.S.A, devenu les United Cities of America sous un même réseau chirale. Sam étant la personne la plus apte à affronter le monde extérieur, il aura pour tâche de visiter chaque ville et bunker afin de les connecter entre eux... Une mécanique à base de livraisons à faire entre les différentes zones habitées afin de convaincre les différentes personnalités de rejoindre le réseau du nouveau monde.



L'amour des co(l)lis(ions) en terre sauvage.



Les premières heures seront suffisantes afin que vous puissiez déterminer si vous êtes sensibles ou non à l'expérience proposée.


Une compatibilité qui ne garantit en rien le bonheur sur le long terme. Ma positivité de début de partie s'est progressivement retrouvée estompée, le doute s'est installé dès lors que je venais d'atteindre la quinzaine d'heures d'actions répétitives avec en prime une narration en retrait. Le fait qu'on croise que très peu de PNJ physiques accentuent cette sensation de solitude.


Les MULE :
Une monotonie que les affrontements contre les factions ennemies humaines auraient pu épicer, mais on se rend vite compte que le danger n'est qu'illusoire et qu'on peut moyennant ses poings, une bonne gestion de l'endurance et son sprint, facilement décimer un camp MULE entier. Leur rencontre est plus inconvenante que problématique.


Les échoués :
Heureusement qu'à côté, les échoués, ces fantomatiques entités mystérieuses constituent une menace d'envergure qui nécessitent une réelle préparation. Il sera essentiel de développer un bon sens de l'organisation afin de ne jamais être à court de quoi affronter l'au-delà. Les échoués sont probablement le meilleur source de stress dans votre progression.


Les bugs de collision :
Troisième type d'ennemi du jeu, bien que l'open world du jeu soit magistral et plutôt bien géré dans son ensemble, il existe énormément de problèmes de cohérence physique qui pourront causer votre perte. Ainsi, votre moto pourra se trouver bloqué net devant un menu caillou juste après avoir traversé sans grande difficulté un labyrinthe de rochers autrement plus importants.



Les personnages forts et les mystères de l'univers sont tes carottes.



Au fil des incessantes livraisons, on en vient à changer de mindset. Oui, les livraisons sont répétitives, le métier de transporteur n'est pas aisé mais passé la trentaine d'heures, vous êtes bien au fait de ça. Vous en venez donc à apprécier les petites choses de la vie, comme un nouvel outil qui vous permettra de transporter des colis en gardant un meilleur équilibre, la fabrication de meilleures chaussures, un exo-squelette accélérant les déplacements en terrain sinueux... Mais aussi et surtout, les constructions des autres joueurs.


Death Stranding propose un multijoueur "asymétrique" dans la lignée directe de ce que la saga des Souls proposait avant lui. Le concept ici est une version plus aboutie de cette philosophie. Les joueurs influent sur la partie des autres, sans forcément se retrouver sur la même mappe physique. Dans Death Stranding, cette idée se matérialise sous la forme de constructions visant à faciliter la progression sur la mappe (autoroutes, ponts,...). Les constructions des autres joueurs pourront apparaître sous forme "utilisable" dans votre partie et vice-versa, dépendant de votre niveau de connexion globale avec les différentes entités des U.C.A.


Une aide plus que significative si vous manquez de patience mais que vous tenez tout de même à connaître le destin des personnages que vous croiserez au fil de l'aventure et finir par percer à jour le secret du Death Stranding rongeant le continent.



Les points positifs




  • Un open world conséquent, beau et intéressant à parcourir.

  • Des personnages intéressants et magistralement bien interprétés par des acteurs qui prouvent que le procédé peut avoir un réel intérêt et non seulement être un gimmick de réalisation.

  • Le lore poussé ajoute un réel intérêt et rend difficile l'attente d'un potentiel nouveau jeu dans cet univers.

  • Une narration "à la Kojima" que je suis heureux de retrouver, le tout servi par une mise en scène qui manquait à son précédent jeu.

  • L'OST.



Les points négatifs




  • Répétitif et pas toujours agréable lorsque le jeu abuse des allers-retours dans les zones les plus compliquées à aborder. Difficile de ne pas y avoir un moyen d'artificiellement augmenter la durée de vie d'un jeu ayant connu un cycle de développement plus court de d'habitude.

  • Problèmes de collisions et open world parfois un peu restrictif dans les choix de chemins à emprunter.

  • Tout n'est pas toujours expliqué, ni même un minimum explicité. On ne connaît jamais les frontières de ce qui est réellement possible dans ce monde, tous les tours de magie sont acceptables du coup, et s'en suit une réduction drastique des enjeux d'un monde obéissant à des règles obscures au joueur.

  • Les phases de combat n'ont pas le meilleur game feel et s'avèrent souvent accessoires.



Conclusion



Death Stranding est l'unique fruit d'un joli concours de circonstances. Hideo Kojima avait une histoire à raconter et il fallait bien la raconter au fil d'un jeu qui devait être conçu le plus rapidement possible. Je reste persuadé que le gameplay à base de livraisons est une contrainte assumée de "mécanique de progression jusqu'à la prochaine cinématique" plutôt qu'une idée géniale voulant absolument aller à contre-courant de l'industrie. Même si il sera toujours intéressant de s'en souvenir comme du jeu qui nous faisait construire des choses, alors que la majorité des jeux vont et iront vers un divertissement par la destruction.


Kojima passe une étape importante et l'abandon d'Amélie dans la grève, au bord d'une mer sans fin. C'est Hideo qui abandonne Boss sur une plage de Normandie.


J'ai autant aimé que détesté cette expérience mais je n'ai jamais douté de mon envie de reprendre la manette aussitôt que j'ai dû déposer cette dernière. Et il me tarde d'en connaître la suite, peut-être sous la forme du genre horrifique... Hein Hidekoko chéri ?

CanKrum
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le 5 déc. 2019

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CanKrum

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