Ce jeu il était fait pour moi.

Je veux dire : je vis au pied des montagnes, j'adore la rando, les petits ruisseaux, les sommets enneigés; je trouve que les parkas qui remontent sous le cou, les sacs à dos bien sanglés et le matos d'escalade qui fait gling gling quand on marche c'est la super classe, et s'il était besoin de le préciser , j'aime passionnément et depuis toujours les jeux vidéos et ceux qui en font bouger les barrières comme notre copain mégalo H Kojima.

Esthétiquement en terme de DA je suis comblé dès les premières minutes de jeu, et la découverte de la carte que j'arpente pendant les dizaines d'heures suivantes ne fait que conforter cette première impression.
De la forêt où dorment une horde d' échoués en embuscade, au sommet des montagnes en pleine tempête, des abris de fortune sous un pont écroulé dans une ville en ruine, en passant par les longues errances au bord de mer à glaner quelques cristaux chiraux ,chaque biome m'émerveille, me fait flipper, ou m'énerve à cause de tous ces foutus cailloux qui bousillent mes chaussures. En tout cas la géographie de ce monde sculpté avec amour et minutie ne me laisse jamais indifférent.

Le gameplay ? He bien il se trouve que je fais partie de cette frange de personnes qui éprouvent un réel plaisir à voir des boîtes bien empilées façon Tetris , le genre qui range ses space marine dans starcraft en jolis petits carrés quand bien même il les envois se faire massacrer 3 minutes plus tard.
Quant au-souvent injustement critiqué -cœur de jeu de "quêtes FedEx", c'est sans aucun doute passer à côté de toute la poésie qui transpire de ces longues marches et du plaisir simple mais ô combien satisfaisant de dompter l'obstacle en posant une échelle par ici ou en se lançant dans une descente en rappel par là.
Cette asymétrie solo /co-op où l'on reçoit des centaines de likes après avoir passé 5h à reconstruire une route à la dure en ramassant des caisses de matériaux sous la pluie, c'est tout ce qui m'a toujours séduit dans les jeux : la coopération plutôt que la compétition. Vaincre ensemble plutôt que s'entretuer avec panache. Je joue systématiquement les medics ou support dans les FPS online, sauver un type en train d'agoniser en lui balançant une piqûre d'adrénaline, c'est ça qui me rend heureux. Le besoin d'être aimé que voulez vous.

Bien sur ce système de course au plus vertueux reste compétitif à sa manière et peut rendre amer quand on passe sur un pont qui cumule plus de 20000 likes alors que le sien situé 8 mètres plus loin peine à en récolter plus d'une dizaine. Ça peut ammener aussi à des dérives du type les entrées d'entrepôts qui finissent par ressembler à une rue du quartier de Shibuya tellement elles sont inondées de panneaux d' encouragements des autres joueurs, placés là uniquement pour vous extorquer quelques likes supplémentaires au passage.

Après un hiatus de presque une année sans jouer (coucou la paternité) Il m'a fallu une bonne dizaine d'heures de jeu pour être à l'aise avec l'interface et la gestion du paquetage de Sam; mais comme souvent, la patience se montre récompensée par le plaisir d'optimiser par la suite ses courses, de planifier ses déplacements avec succès , de maîtriser son environnement et ses ennemis.
Chaque petit détail : uriner, se doucher, boire, dormir en chemin ou dans sa chambre ,retenir sa respiration, prendre un bain, tenir les sangles de son sac à une main, à deux mains ou pas du tout-se révèle d'abord séduisant pour le soucis d'immersion et plus tard se révèle bien plus qu'une coquetterie, mais de réels mécanismes de gameplay qui une fois maîtrisés font effectivement de nous un livreur de plus en plus efficace.

De la même façon, si certaines structures ou véhicules semblent dans un premier temps presque dispensables , ils s'avèrent cruciaux par la suite. Découvrir au détour d'une corniche un chargeur de batteries pour sa moto sur le point de tomber en rade ou pouvoir s'abriter dans un abri providentiel construit par une âme charitable alors que l'on est pris en pleine tempête, ce sont de vrais petits moments de bonheurs que l'on appréciera à leur juste valeur pour peu que l'on se laisse porter par la dimension poétique du jeu sans chercher à abbatre le boulot compulsivement. Ce jeu a été pensé en profondeur et sais toujours réserver des surprises au fur et à mesure qu'on en maîtrise les rouages.

Du côté des antagonistes, outre le paysage et sa topographie qui en partie intégrante du gameplay donnera bien souvent du fil à retordre;les humains d'abord relativement inoffensifs mais plus tard nombreux et lourdement armés offrent de bons moments nerveux entre les livraisons , même si la gestion des armes dans le feu de l'action n'est pas optimale loin s'en faut.
Ce sont surtout les échoués et autres bestioles géantes trempées dans le goudron qui apportent une dimension originale avec des séquences d' infiltration éprouvantes pour les nerfs, qui finiront en barfight gluant si d'aventure il nous arrive d'eternuer un peu trop fort en passant à leur proximité. Rien qu'une bonne grenade d'hémoglobine ne puisse résoudre cela dit.

Bon et alors il est où le problème ? Après avoir touché la centaine d'heure de jeu, peut être dans une générosité qui d'abord enthousiasmante finie par être un peu roborative. Le sentiment d'une course en avant infinie est apparu quand après chaque mission accomplie se debloquait systématiquement une nouvel artefact. Au début on jubile, puis à un moment on ne sait plus vraiment quoi faire de tout ces cadeaux. Je n'ai par exemple jamais vraiment utilisé les armes à feu létales, de un parceque je ne voulais pas un gros cratère de néantisé sur ma map, de deux parceque finalement je me suis très bien accommodé du combo "lance bolas +coup de pompe dans la tronche" la majeure partie du temps.
J'ai fini aussi par souffler d'exasperation quand après chaque colis livré revenait invariablement la même litanie: "good work! New order available". Être livreur FedEx ne me dérange pas, employé à la chaîne chez Amazon déjà un peu plus.

Mais ce qui après la lune de miel a fini par me faire sérieusement déchanter, c'est la longueur interminable de la trame narrative. Quand après pas loin de 90 heures de jeu j'ai fini par vouloir boucler l'histoire principale, je me suis assez vite retrouvé balloté entre des missions dont les enjeux et les commanditaires me laissaient de plus en plus indifférents parceque j'avais perdu le fil du scénario qui se veut un peu "Christopher Nolesque ", à savoir: si t'es scientifique et que tu t'intéresse à la théorie des cordes alors tu pourras apprécier le scénario à sa juste valeur. Par contre si comme moi tu n'as pas ta médaille Fields alors faudra te contenter du "vite, le monde en danger, toi devoir sauver le monde". Cette tendance à venir flatter le geek façon private joke de Sheldon Cooper, pas trop mon truc.

Les sidekicks de Sam rencontrés au fil du jeu (Fragile, Deadman, Heartman etc...) savent se montrer par moments réellement touchants et bien développés,

À l'instar d'un Clifford Hunger qui d'abord nemesis bien flippante se révèle au final une pauvre âme en peine en quête de paix.

Mais des que l'on revient sur la quête principale de sauvetage du monde avant le grand feu d'artifice, Kojima retombe dans un truc lourdingue qui n'en finit plus de se raconter et de se justifier. La séquence d'Amelie sur la grève et les quasi deux heures de cinematique qui ont suivit m'ont exaspéré à un point difficile à imaginer. Quel dommage de revenir ancrer cet univers génial dans des histoires de patriotisme américain vu et revu et manquant cruellement de saveur.

Au final, comme dans les histoires d'amour passionnelles qui finissent parfois en eau de boudin, ça en valait la peine pour tous les bons moments. Qu'on l'aime ou pas, Death Stranding restera un très beau premier pas en solo de papa Kojima qui oscille comme à son habitude entre le sublime et le totalement kitsch. DS à le mérite de nous livrer un univers sans concession sur un plateau budget AAA. Je serai au rdv pour la prochaine création du bigboss à n'en pas douter.

Vincent_Price
8
Écrit par

Créée

le 16 mars 2021

Critique lue 82 fois

Vincent_Price

Écrit par

Critique lue 82 fois

D'autres avis sur Death Stranding

Death Stranding
_arabiianprince
9

La corde et le bâton (dans la gueule)

Voici enfin Death Stranding, le fameux jeu devant représenter la renaissance d’Hideo Kojima après s’être gentiment mis à la porte de Konami suite à l’une des affaires les plus incroyables du monde du...

le 17 nov. 2019

52 j'aime

10

Death Stranding
Moizi
9

Aussi bon que con

C'est très rare que je m'intéresse aux exclusivités Sony, mais Death Stranding m'intriguait et j'ai été ravi de voir qu'ils allaient le porter sur PC. Il faut dire qu'en voyant les images je ne...

le 2 sept. 2020

44 j'aime

10

Death Stranding
Taff
4

Achetez le d'occase au pire.

Le saviez-vous ? J'ai toujours rêvé d'être testeur de jeu vidéo, donc aujourd'hui je vais tester DEATH STRANDING (et raconter un peu ma vie tant qu'à faire) « Suis tes rêves ! », c'est un des trucs...

le 15 nov. 2019

44 j'aime

23

Du même critique

Death Stranding
Vincent_Price
8

Les histoires de Sam finissent mal, en général.

Ce jeu il était fait pour moi. Je veux dire : je vis au pied des montagnes, j'adore la rando, les petits ruisseaux, les sommets enneigés; je trouve que les parkas qui remontent sous le cou, les sacs...

le 16 mars 2021

Old Boy
Vincent_Price
4

Old fashioned

Oh lala mais quelle purge...3 fois pour le regarder en entier, et j'ai dû sérieusement m'accrocher. Je connaissais la réputation du film, mais je soupçonnais depuis le départ un je ne sais quoi de...

le 8 janv. 2021

Minecraft
Vincent_Price
9

Tout est là.

Minecraft. Même du temps où il comptait déjà quelques millions de joueurs, je faisais de la résistance. Plutôt de l'indifférence disons , principalement parceque je trouvais ça moche ces gros pixels...

le 8 janv. 2021