Il n'est pas simple de commencer une critique de Death Stranding, surtout sans spoil, le jeu étant bourré de qualité et de défauts. Comment arriver à convaincre quelqu'un qu'un jeu de livraison de colis peut-être une des expériences vidéo-ludiques les plus fantastiques de ces derniers temps ?
Imaginez vous dans un monde post apocalyptique ou la mort traîne à tous les coins de rues, les gens sont séparés, isolés, reclus dans leur bunker de peur de sortir affronter les dangers. Si ce n'est pas par les esprits qui ont envahit la planète, c'est pas les terroristes qui ont décidé d’accélérer le processus d'extinction de l'espèce humaine.
L'exterieur : C'est la mort.
C'est alors que quelques voyages décident de la braver pour faire la seule tache qui maintient encore le monde en vie : S'envoyer des choses, pour un besoin vital, ou pour sortir au moins une seconde de l'isolement. Vous êtes l'un de ces hommes.
Le monde que vous allez traverser est superbement dévasté, à la fois si paisible mais aussi si impressionnant, et si dangeureux. L'environnement est contre vous : La pluie ou la neige dévastent la protection de vos colis, il n'y a plus de route, vous forçant à prendre parfois des chemins périlleux, le poids de vos colis ne vous aidant pas. Par ailleurs, garder votre équilibre sera l'épreuve de tous les instants, pour ne pas vous casser la gueule, et casser vos colis avec.
Faire une expédition demande une grande préparation, le chemin sera-il montagneux ? Pluvieux ? Jonché d’embûches comme des terroristes ou des fantômes. La livraison sera t'elle soumise à la pression du temps ? Fragile ? Comporte un grand nombre de pièce ? Lourde ? Votre équipement et le chemin pris en conséquence changera à chaque fois. Mal préparé, il sera compliqué voir impossible de gérer Sam en même temps que les agressions extérieurs.
Pourquoi est-ce si épique ? C'est grâce à l'ambiance, l'univers et l'inexplicable magie qui rend toute livraison vers de nouveau chemins uniques, à travers parfois des paysages à couper le souffle, se faisant accompagné d'une bande originale dans la plus parfaite justesse. Le travail de mise en scène et artistique est tout simplement excellent, frôlant parfois les entrailles de Shadow of the Colossus, ou la solitude d'un vaste monde silencieux est interrompu par des monstruosités bruyantes et, semble t'il, inattaquable. A chaque nouvelle livraison, il s'empare de vous d'un énorme sentiment de challenge, de la recherche de la perfection dans votre méthode de déplacement et surtout d'aventure. Car Death Stranding c'est avant tout cela, un appel géant pour le gout de l'aventure en solitaire.
Le fait est que le jeu a quand même une belle courbe de progression, ne serait-ce que par l'utilisation des structures que les autres joueurs ont laissé pour vous sur le chemin, une fois bien sur que vous aurez traversé une fois la zone sans cette aide. Ces structures et les panneaux seront d'ailleurs la seule présence amicale que vous sentirez dans le jeu et qui, bizarrement, procurent un sentiment de réconfort à chaque fois qu'on en croise.
Les points de livraisons sont parfois inondés de petites attentions laissés par vos collègues connectés, un moyen de vous faire sentir à la maison et de vous applaudir à l'arrivée (et ça marche très bien).
Il ne reste plus qu'à mettre au dessus de cela une histoire, qui construit un univers original très intéressant, assez profond et à la fois opaque pour se permettre encore de se poser des questions ou d'imaginer aisément une suite qui approfondirait certaines "mécaniques". Encore une fois, la puissance de certaines scènes valent à elle toutes seules les 40 à 50 longues heures de jeu pour terminer l'aventure. Le travail d'écriture est très bon, les dialogues aussi, et les batailles de boss assez épiques pour ne pas les oublier de si-tôt.
Comme dans tous les jeux Kojima, les personnages sont très typés sur un point psychologique central, jusqu'à porter le nom de leur "fonction" au sein de l'histoire. Le scénario est intéressant à suivre et le final de 2h fera lâcher la larmichette, ayant venu venir tous les twists ou aucun d'entre eux n'y changera rien.
Un tour de force qu'on ne retirera pas à Kojima, dont le travail d'écriture et de directeur créatif ne va qu'en s'améliorant depuis 20 ans.
Après y avoir joué, les passages un peu mou et lent du scénario et certains arcs un poils poussifs, l'IA pas vraiment satisfaisante, des bugs physiques ou le flow de certains menu illogiques. Cote game design, on reprochera à certains boss d'être vraiment énervants, un manque d'équilibre dans la difficulté et du coup le sentiment de "mort" qui s’efface parfois, et qui du coup ne poussent pas forcément non plus à maximiser chaque relation avec les citoyens, des problèmes qui rappellent que ce jeu n'est pas une perfection totale. Il y a des angles sales, ici et là, mais comment ne pas être satisfait et oublier ces accrochages une fois que le générique de fin se déroule.
Si vous cherchez un jeu narratif, contemplatif, bizarrement addictif et que vous avez envie explorer un nouvel univers original dans un jeu d'aventure lent mais à l'aura artistique immense, vous êtes au bon endroit.
Enfin là vous êtes sur Internet, mais je veux dire enfin vous voyez.