Les AAA sont frileux en matière d'innovation, ce n'est pas une nouveauté. De ce fait, lorsqu'une production majeure, dotée d'un marketing solide, s'orchestre autour d'un principe inattendu et potentiellement déstabilisant, vous pouvez être certain que ce titre s'efforcera de rendre sa démarche compréhensible au plus grand nombre, quitte à véhiculer une certaine impression de dirigisme. Telle est la première impression un peu mitigée véhiculée par DeathLoop dont le tutoriel s'étale véritablement sur quatre heures avant que le jeu ne se décide enfin à laisser le joueur expérimenter son potentiel foisonnant et découvrir ses multiples facettes d'interactivité. Un sentiment de restriction qui malheureusement reviendra à quelques reprises durant l'aventure lorsque le joueur prend conscience que le déroulement du récit est bien plus linéaire qu'espéré, s'acheminant parfois à une liste de quêtes à accomplir avant de pouvoir déclencher la résolution finale de cette boucle oppressante. Un dénouement qui se révélera hélas relativement excessif et peu inspiré.
Un début poussif et une conclusion abrupte, donc. Et au milieu de tout ça? Bah c'est assez génial en fait.
La qualité des productions Arkane n'est plus à démontrer mais la constance de leurs exigences créatives frôle presque l’insolence ; il s'agit probablement du studio français qui parvient à perpétuer avec le plus de brio la réussite de leurs productions, même si chaque jeu souffre souvent de quelques écueils l'empêchant d'atteindre le statut de chef d'œuvre. Ici, le jeu fourmille de créativité et d'adrénaline communicative ; l'expérience parvient à éviter habilement le sentiment de redite généralement indissociable de la thématique de la boucle temporelle en diversifiant efficacement les multiples objectifs à atteindre et la caractérisation des différentes cibles à abattre. Dans DeathLoop on ne fait que tuer tout le temps, littéralement à longueur de journée. Mais on le fait rarement de la même manière. L'écriture n'est peut-être pas toujours d'une grande finesse, notamment dans ses quelques rebondissements qui semblent un peu hasardeux, mais l'humour se révèle souvent efficace et certains protagonistes étonnamment attachants en dépit de leur excentricité. Mais il faut évidemment adhérer au changement de ton drastique en comparaison des Dishonored; ici pas de morbidité étouffante ou de considérations sur les conséquences de nos actes, le héros est beaucoup, beaucoup, plus bavard, très facilement enclin à la déconnade à tel point que le joueur en vient rapidement à ne plus regretter l'absence d'une voie non létale en comparaison des précédents titres du studio.
DeathLoop est fun et très, très, dynamique. Les balles fusent aussi vite que les blagues, les cibles ont autant de répondant que de chargeurs à vider et tant mieux car le héros peut autant compter sur son agilité au combat que sa langue prompte à la réplique acerbe. Mais surtout DeathLoop n'est que rarement redondant. Pourquoi ? Car le jeu a la brillante idée d'inclure le multijoueur comme un élément aléatoire de ses péripéties. Julianna nous traquera aussi régulièrement que le joueur se lancera sur la trace de ces cibles ; menace imprévisible et souvent inattendue qui vient rompre la monotonie éventuelle de nos missions d'assassinat. Alors certes, il peut être extrêmement frustrant d'être interrompu dans le fil de son enquête pour perdre sa progression et l'expérience accumulée dans une attaque aussi fourbe que rapide. Mais je ne saurais trop vous recommander d'endurer cette épreuve supplémentaire, non seulement la relation au cœur du jeu y gagne énormément en intérêt et quelque part en légitimité mais les embuscades incessantes de votre plus grand adversaire vous offriront quelques-uns des meilleurs souvenirs de jeu vidéo de cette année 2021 que DeathLoop pourrait vous offrir.
Un titre à nouveau loin d'atteindre la perfection mais qui n'en demeure pas moins un sacré défouloir interactif. Et surtout une expérience atypique dont la créativité et l'exigence qualitative forcent à nouveau le respect.