Quand Quantic Dream ne cherche plus à faire une démonstration...

...cela donne un bon jeu ! Non pas que les autres soient particulièrement mauvais dans l'ensemble, mais que ce soit dans Heavy Rain, Fahrenheit ou Beyond, on sentait que finalement le créateur s'adonnait à pas mal de branlette intellectuelle comme s'il avait inventé l'eau chaude alors que ses jeux étaient des jeux d'aventure 3D dont la seule originalité était d'être bourrés de QTE (ce qui n'est pas un problème en soi, mais quand on n'en fait pas une fin de l'oeuvre). J'exclus The Nomad Soul qui est complètement à part dans la ludothèque de ce studio bien qu'il repose au fond sur la même volonté.


Revenons à Detroit.


Je n'étais pas sûr d'aimer ce jeu, étant souvent assez navré par les films sur l'IA et leurs niaiseries reposant sur une absence totale de pragmatisme et de connaissance pratique de cette discipline. Detroit n'échappe évidemment pas à ce jugement mais ce qui est bien c'est qu'il assume sans en faire des caisses et sans présomption son côté "magique" (les androïdes qui ressentent des émotions) et aussi sa trame plus que classique.


Un scénario classique donc, mais cette fois le support ludique permet à ce dernier de vraiment s'épanouir par rapport à un film classique de 2H-2H30.


Tout d'abord, il y a l'aspect "point and click 3D" qui permet au joueur de récupérer beaucoup d'informations s'il prend le temps de chercher. Ainsi, même si ces petits détails ne vont pas chercher extrêmement loin, ils permettent d'étoffer le scénario comme dans Until Dawn...plus en tous cas que dans les dernières productions du studio. Se tissent alors en toile de fond des ancrages permettant d'élaborer toutes sortes de petites interprétations fruits de l'imaginaire.
Ensuite, les choix ont vraiment un impact dans le jeu et le budget probablement conséquent du titre font que les ramifications mises en scènes sont plutôt nombreuses, notamment les fins qui peuvent mener sur des voies radicalement différentes, et avec trois personnages s'il vous plaît. Même au sien des chapitres plusieurs voies peuvent s'offrir. Les jauges associées (qui n'avaient aucun intérêt dans Fahrenheit) comme l'opinion publique, l'instabilité logiciel, etc. ont cette fois uen fonction dans le jeu.
Enfin, le gameplay du jeu atteint finalement un équilibre entre implication dans l'action et amusement/légèreté. Les QTE sont bien calibrés, en phase avec l'action et - même s'ils sont relativement faciles - demandent un minimum de concentration au risque de provoquer des conséquences irréversibles.


D'un point de vue esthétique et dans la finition, le jeu est très propre. On voit que de l'argent a été mis à ce niveau, la charte graphique est bien dans le thème, tout s'affiche clairement sans empiéter sur la narration.


Les trois personnages quant à eux offrent vraiment trois perspectives et donc trois styles de jeux différents (même si ça reste globalement du QTE et du bouton à presser en mode Point and Click) : la femme qui part sur une histoire plus "familiale" sera plus dans la discussion et les relations, l'androïde du peintre sera plus dans l'action et la masse (pas de spoil) tandis que le policier sera plus dans l'enquête, etc. Bien sûr les trois auront tous les types de phases, ils ont simplement chacun des spécificités et orientations privilégiées (la simulation de trajectoire pour l'un, l'analyse des preuves pour l'autre, ...).
A ce propos, les personnages, héros comme secondaires sont globalement tous attachants et bien travaillés, aussi bien dans l'apparence que dans les discussions. Vraiment, le jeu - même s'il ne vise pas très haut au niveau de l'intrigue - prend le temps de disséminer des informations sur les individus et de développer les rapports. En conclusion : le temps de jeu ne souffre pas trop de remplissage, le rythme est maîtrisé et on s'ennuie rarement si ce n'est jamais.
Je ne vais pas m'étendre plus sous peine de spoiler et de toutes façons le synopsis dit un peu tout mais si vous aimez les films d'intrigue un peu grand public (roman de gare pourra-t-on dire) mais soignés ce sera tout bon. Et encore plus si vous aimez les univers et intrigues détaillées.


Pour le reste, pas de surprise : c'est un pur jeu Quantic Dream donc si vous avez aimé les précédents, il n'y a pas de raisons que vous n'aimiez pas celui là à moins d'être réfractaire au thème et à l'univers. La différence avec les autres vient surtout de l'époque, au fond les jeux du studio sont souvent le reflet de la production artistique dominante de son époque : Farhenheit reprenait les thèmes mayas/matrix, Quantic Dream était dans le larmoyant, Detroit dans les films stylés et propres sur l'IA, l'écologie, etc. Enfin, le jeu est globalement beaucoup mieux fait que ses prédécesseurs, ne cherchant plus à faire de la démonstration mais à utiliser ses modalités de jeu pour servir des objectifs narratifs/sensoriels et pas l'inverse. Bien sûr le scénario dans l'ensemble est un poncif (enfin une apposition de trois trames déjà vues) et beaucoup de ficelles sont énormes (les mecs qui se gâchent les films à cause d'incohérences seront à l'agonie avec ce jeu) mais au final c'est peut-être le plus humain des jeux de Quantic Dream.


Un 8 bien mérité pour les efforts du studio qui se noyait dans la branlette.

Foulcher
8
Écrit par

Créée

le 19 déc. 2018

Critique lue 271 fois

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Foulcher

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