Sorti originellement sur iPhone, Deus Ex: The Fall débarque sur PC. Un portage, mais pas que d'après Squix, qui s'était enorgueilli d'avoir fait tout un travail pour améliorer le jeu de base et le rendre plus potable pour la plateforme PC. Volonté de livrer le meilleur produit possible pour les uns, gros coup marketing pour les autres, il est temps de voir ce qu'il en est réellement.

On retrouve tout les ingrédients propres aux Deus Ex. Manipulations, complots, hommes de l'ombre, climat politique et social tendu, le tout dans un univers cyberpunk futuriste dont certains sujets font échos à notre société actuelle. La narration commence par des séquences souvenirs jouables entrecoupées de scènes de dialogues situées à l'époque où se déroule le jeu, avant de prendre un tournant plus classique et se contenter de nous mettre à la place du héros.

Si l'univers Deus Ex est toujours aussi prenant (le jeu se passe avant Human Revolution), on sent tout de même un manque de profondeur dans le scénario du jeu, ainsi que dans son background. Ce dernier fait vraiment pâle figure à coté de ses aînés. Les PNJ ont deux lignes de dialogues, les carnets électroniques disséminés sont parfois les mêmes, et les ordinateurs se contentent d'un unique email en guise de contenu. Il y a bien les interventions d'Eliza Cassan à la télévision, mais elles restent anecdotiques.

Quant à l'histoire, celle-ci ne commence vraiment à prendre son envol qu'à la toute fin. D'ailleurs, elle n'est point complète, et il faudra attendre que l'éventuelle suite nous arrive pour en voir le bout. Aucun spoil là-dedans, la section « contenu supplémentaire » à l'écran titre suffira à le comprendre dès le départ. Et si vous comptez sur cinq pauvres quêtes annexes pour remonter le niveau, sachez que ces dernières n'apporteront pas grand chose à l'ensemble. Il reste toujours les choix dans les dialogues, alternant les réponses et réactions de nos interlocuteurs, mais rien de bien poussé non plus. L'histoire ne sortira pas du tracé auquel elle reste destinée.

On se rabat logiquement sur le gameplay, et il est l'heure de voir par soi-même la différence entre ce qui a été promis et ce qui a été fait.

Le jeu se déroule en vue FPS. La progression dans les zones permet plusieurs approches : les bourrins sortiront l'artillerie et tireront dans le tas sans se soucier des systèmes de surveillance et d'alarmes, les hackeurs pirateront tout ce qui se présentera à eux pour entrer en douce et les autres joueront de la furtivité pure et dure via conduits d'aération et neutralisation de gardes, létale ou non. Il y a aussi des zones plus pacifiques, comme la ville qui sert de cadre principal à cette aventure. Le level design est d'ailleurs bien peu inspiré, et la suppression de la capacité de sauter librement au profit d'un saut ne se déclenchant que dans des circonstances particulières joue son rôle. Dites adieu aux escalades improvisées et subissez la platitude de votre environnement où seules les échelles et escaliers vous feront prendre de la hauteur. Sans parler des interactions avec l'environnement dont l'utilité est réduite à peau de chagrin. Car tout un tas d’appareils peuvent être utilisés pour... rien ! Les niveaux hostiles ne devraient pas poser de problème à grand monde. Il faut dire que l'IA des ennemis à la ramasse permet beaucoup de largesse. Le système de cover issu de Human Revolution peut vous rendre invisible aux ennemis même quand votre tête dépasse allègrement et se cacher derrière un tas de caisses ou des vitres transparentes offre la même efficacité. Et initiez les neutralisations de votre cachette fera de la moindre menace une simple formalité. Zéro challenge pour tout joueur expérimenté.

Il n'y a que les bugs qui pourront vous ralentir. Et ils sont nombreux, entre les problèmes d'affichages, ceux d'inputs avec la souris, le saut qui ne fonctionne pas toujours quand l'icône est affichée ou les interactions qui se superposent au point de vous bloquer, il y a de quoi se poser des questions sur le sérieux du travail des testeurs qualité. Et encore, ceci n'est pas une liste exhaustive.

Votre approche sera en grande partie guidée par les augmentations que vous débloquerez dans votre arbre de compétence. Un point de dynamisation suffit pour débloquer une compétence, sauf cas exceptionnel. Pour cela, achetez des kits Praxys ou montez en niveau en accumulant les points d'expérience. Ceux-ci se débloqueront en fonction de vos actions. Explorer des passages cachés ou pirater des systèmes électroniques par exemple. Comme dans son prédécesseur, jouer les furtifs pacifiques sera plus récompensé au détriment des pros de la gâchette. On se demande pourquoi il y a tant de possibilités d'agir si c'est pour au final être poussé dans un style de jeu en particulier. Si au départ se spécialiser via vos compétences est nettement plus recommandé, il est tellement facile de gagner des points de dynamisation que vous vous retrouverez vite avec un perso couteau-suisse à faire passer MacGyver pour le dernier des tocards.

Point de marchands pour faire vos emplettes, un tour dans votre menu et vous pouvez acheter tout ce que vous désirez quand vous le désirez. Votre inventaire est d'ailleurs illimité et le casse-tête que pouvait représenter l'espèce de puzzle qu'était ce dernier dans les épisodes principaux de la saga est tout bonnement jeté à la benne. Posséder toutes les armes devient un rêve touchable du doigt. Comme si le jeu n'était pas assez simple, cette feature réduit à néant les derniers signes de résistance imposés par un challenge qui faisait déjà bien pitié.

Passons à la technique. Et ce n'est pas elle qui va remonter le niveau. Si sur iOS, ça ressemblait à quelque chose, sur PC c'est limite risible. Le 1080p, l'antialising et la synchro verticale ne feront que limiter les dégâts. Les personnages font peur et leurs animations faciales font passer leurs expressions pour de mauvaises grimaces. Et encore, les protagonistes principaux ont reçu plus d'attention que les PNJ lambda. Les décors s'en sortent mieux mais restent peu détaillés, pour ne pas dire vide. Et les quelques images de fond bien floues qui font office de panorama ne vous décrocheront pas la mâchoire.

Si la musique vous dit quelque chose, c'est que vous avez surement joué à Human Revolution. Les thèmes sont tout simplement les mêmes. L'OST avait beau être de qualité, le choix de la facilité ne joue pas en la faveur du jeu. Les doublages restent quand à eux corrects, et on retrouve les mêmes acteurs prêtant leurs voix aux protagonistes ultérieurement présents, comme Jaron Namir.

Terminons par le jeu des comparaisons. Les trois options graphiques annoncées sont bel et bien présentes, et ce sont d'ailleurs les seules. Si l'IA ennemi a véritablement été retravaillée, je n'ose même pas imaginer son niveau abyssalement bas à l'origine. L'optimisation clavier/souris me décroche un sourire large jusqu'aux oreilles. Les touches sont configurées en Qwerty, et vous devrez passer en Azerty à chaque début de partie (Maj + Alt). Et il est impossible de binder ses touches. Le système de cover est bien là, idem pour la disparition du ciblage auto ainsi que les succès et les cartes pour la version Steam. La possibilité de jouer à la manette est bien présente et les micro-transactions ont disparu, ce qui n'est pas une perte. Au final, si une partie des promesses est tenue, on déplore que ça ne soit pas le cas de toutes celles qui restent les plus vitales en terme de gameplay.

La durée de vie pour un run à 100% devrait atteindre péniblement les 10 heures pour les plus lents, et un New Game + fera son apparition augmentant la difficulté du jeu. Mais vu que vous garderez tous vos acquis, aussi bien vos items que vos compétences débloquées, vous ne sentirez aucune différence.

Deus Ex: The Fall a au moins le mérite de bien porter son nom. Car c'est une véritable chute, dans tout les sens du terme. Seul les plus fans de la licence pourront y trouver un intérêt. Et même eux ne pourront passer outre le massacre devant lequel ils se retrouveront confrontés. Il ne serait pas un mal que la suite ne voit jamais le jour, ne serait-ce que par respect pour la saga.
auty
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le 9 avr. 2014

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auty

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