Tout l'honneur fut pour moi
Bien que j'ai décidé d'y jouer à petites doses pour mieux l'apprécier, j'ai finalement fini Dishonored sur PS3 ce matin. J'attendais énormément ce jeu depuis les premières informations, comme un jeu proche de Bioshock : un FPS avec une direction artistique hors du commun et un univers passionnant. Les premiers tests sont tombés, enthousiastes. Le jeu mérite-t-il son succès critique ?
Je reviens rapidement sur le postulat de départ : dans une ville steampunk (où l'huile de baleine remplace la vapeur) où règne la "peste", Corvo, protecteur de l'Impératrice, est accusé de son meurtre et de l'enlèvement de sa fille Emily , héritière du trône. Il est chargé par les opposants au Régent (qui a apparemment commandité le meurtre) d'éliminer des personnalités influentes pour rétablir Emily sur le trône ... L'histoire se laisse suivre sans déplaisir, elle comprend des coups de théâtre bien amenés, mais je regrette que la partie après ledit coup de théâtre soit assez peu développée, pour arriver à une fin un peu abrupte. Le jeu offre d'ailleurs 2 fins, en fonction de ses actions durant la partie : tuerez-vous tout le monde ou essaierai-vous d'épargner toute vie humaine ? Pour ma part, j'ai eu la "bonne fin", ne tuant "seulement" que les soldats ou les geignards qu'une fois acculé (ce qui m'est assez peu arrivé). Je me rends compte que j'aurais pu faire autrement, peut-être approfondir l'exploration des lieux (par exemple, dans l'une des premières missions, j'ai choisi de déléguer la disparition de mes cibles à un tiers, et du coup, je n'ai pratiquement pas visité l'endroit en question).
La direction artistique est dans tous les cas superbe et permet de passer outre une technique parfois un peu faible (textures en basse résolution, bugs graphiques en fin de partie). L'univers est enrichi par de nombreux documents à lire, des affiches sur les murs et des dialogues de PNJ plutôt variés. Le choix d'un univers "victorien" marqué par la Révolution industrielle, la peste et les inégalités sociales est en tout cas le bienvenu.
J'en arrive justement à une des grandes forces du jeu : la liberté de progression. Le gameplay permet plusieurs approches : discret ou bourrin, pragmatique ou étudiée, banale ou surnaturelle. De plus, le jeu n'en privilégie aucune et on peut basculer à tout moment dans un autre style. On est donc loin du pur jeu d'infiltration ou des facilités du level design de Deus Ex. Les aires de jeu sont en effet très vastes, et un écran de statistiques en fin de mission permet de voir si on a trouvé tous les objets cachés (runes, tableaux), pièces d'or (directement ou sous formes d'objets de valeur) et fait les quêtes secondaires (qui permettent d'influencer sensiblement le cours du jeu).
Le gameplay est souple et bien utilisé : la main droite est réservée à la lame (pour combattre les ennemis, les égorger ou les étrangler par derrière) et la main gauche entre armes secondaires et pouvoirs. Certains joueurs ont apparemment choisi de ne pas utiliser ces pouvoirs, afin de ne pas se faciliter la tâche. Il est vrai que certains sont (trop ?) efficaces si on choisit de grimper sur les bâtiments ou de massacrer ses opposants.
Pour autant, je ne crierai pas au génie devant ce jeu comme j'ai pu le faire devant le premier Bioshock. Pourquoi ? Parce que le jeu de Ken Levine transcendait le "simple" statut du jeu vidéo, en apportant une réflexion sur le média et au delà. Dishonored est "seulement" un très bon jeu, un des meilleurs de 2012 à coup sûr, mais au final, ce n'est qu'une synthèse parfaitement réussie de plusieurs styles, dans un écrin artistique brillant, mais qui souffre malheureusement d'une deuxième moitié d'histoire assez bâclée (le "mal" de cette génération, dont même le premier Bioshock n'est pas forcément exempt). Le jeu ne dispose pas d'un New Game Plus, mais on peut rejouer les missions pour améliorer son score ... et surtout utiliser d'autres approches pour mener à bien ses objectifs : mort frontale, assassinat sournois, meurtre maquillé en accident (en utilisant ses pouvoirs ou pas) ou solutions non létales.
Un jeu brillant, figurant d'hors et déjà dans mon top d'une année 2012 décidément bien riche en jeux exceptionnels, mais qui n'atteindra peut-être pas la postérité que certains lui promettent d'hors et déjà. Espérons que ce premier épisode puisse assez marcher pour permettre un approfondissement de ce riche univers (puisqu'on explore qu'une partie d'une unique ville, après tout).