Dans la nuit noire, une femme se déplace dans les ruelles de Dunwall, et s’arrête devant un vieux bâtiment haut de cinq étages. Furtivement, la silhouette escalade un mur, prend de l’élan et s’accroche au rebord d’un balcon. Elle progresse le long de la façade de l’immeuble jusqu’à une balustrade, au dernier étage. La fenêtre de l’appartement ne résiste pas bien longtemps.


Comme une ombre, elle pénètre dans la pièce, et jette un regard circulaire sur les bibelots disposés sur les meubles. Une lame courbe en os de baleine suspendue au-dessus du buffet. Un tableau sur la cheminée. Intéressant. Et quelques babioles de valeurs ici et là.


Elle s’approche du bureau et de l’audiographe posé dans un coin. Dans un accès de curiosité malsaine bien peu professionnel, elle se demande ce qu’il contient. Après avoir cherché quelques instants, elle choisit une carte perforée et l’insère dans l’audiographe. Un bruit blanc s’élève de l’appareil, puis quelques grésillements, et enfin une voix nasillarde.



Heyyy salut les petits amis c’est David Lafarge j’espère que vous
allez bien moi ça va on se retrouve aujourd’hui pour une vidéo un peu spéciale une review sur Dishonored 2 merci d’ailleurs aux studios Arkane pour m’avoir envoyé l’édition collector ça va être du lourd n’oubliez pas de mettre un pouce bleu !



L’ombre dans l’appartement reste immobile, surprise. La voix s’arrête un instant, reprend son souffle et continue sur un rythme plus posé.



Le premier opus avait été acclamé par la critique pour son level design intelligent, son ambiance et son gameplay original, malgré un scénario décevant. L’ambition de Dishonored 2 est clair : corriger les défauts de son ainé tout en améliorant la formule. Autant le dire dès maintenant, le pari n’est qu’à moitié réussi.



En effet, l’histoire est d’une platitude déplorable, couplée à de nombreuses facilités scénaristique. Desservie par une mise en scène aberrante, qui fera bondir dès les premiers instants de jeu, l’intrigue ne sert finalement que de carnet de voyage, de motivation obscure pour accomplir notre prochain objectif. Et ce n’est pas les personnages à l’écriture étriquée qui viendront sauver le récit du naufrage.



La voleuse se souvint brièvement du plaisir apporté par la découverte du lore dans le premier épisode. En était-il de même dans la suite ?



Eh bien oui, l’action se déroule dans une autre partie du monde, Karnaca, et l’univers se développe subtilement durant toute la trame de l’épisode. On s’arrête pour écouter un dialogue entre deux PNJ, on lit une lettre, on regarde une affiche de propagande, on écoute un audiographe ...



La femme tapie dans l’ombre de l’appartement se raidit. La voix n’avait pu lui répondre, c’était impossible. Après quelque instant, elle finit par se calmer.



Le lore permet d’ailleurs de mettre constamment en relief l’atmosphère de Karnaca. Les enjeux politiques et économiques du monde de Dishonored se trouvent retranscrit à chaque instant dans les rues de la ville.



L’univers s’appuie sur une direction artistique originale et travaillée, un mélange de style victorien et d’éléments steampunk repris du premier opus, de végétation luxuriante, et d’architecture typique des villes méridionales.



Leur monde est en contradiction constante, entre mysticisme et révolution industrielle, pauvreté des quartiers populaires et opulence des manoirs de l’aristocratie locale. Le jeu impose son style, unique et marquant, sans jamais perdre en cohérence.



La silhouette s’impatiente. Évidemment que le jeu est beau, il tourne en 1080p upscalé, 30fps sur PS4 pro. Si ça, ce n’était pas la Beauté, rien ne l’était. Quand est-ce que ce « David » allait aborder les parties vraiment importantes, le gameplay et la durée de vie ?



J’y viens, j’y viens. Le gameplay reprend les bases solides posées par son ainé, mais n’apporte que peu d’innovations. Le jeu vous donne toujours le choix entre infiltration et action, et vous laisse juger quelle approche sera la plus efficace selon la situation ou vos préférences.



Les pouvoirs sont revus en profondeur : plus de combinaisons, meilleur équilibrage, plus d’interactions avec les armes. Le jeu ne se limite plus qu’à une utilisation intensive du blink. Les combats sont tout de même déceptifs, dès que l’on en abuse.



Mais peut-on vraiment le blâmer pour ça ? Avancer via une approche agressive et brutale signifie tout simplement passer à côté du but du jeu et de la façon dont il a été pensé et construit.



Cette fois, c’était sûr, la voix entendait ses réflexions. Quelle était cette sorcellerie ? De la magie de l’Outsider ? Un artefact venu de Pandyssia ?



Dishonored reste un des rares jeux avec une replay value à la fois intéressante au niveau de l’histoire et des nouveaux styles de jeu à explorer. Pour comprendre correctement l’histoire, il faudra jouer avec Emilie et Corvo. Les challenges sont multiples (fantôme, pacifique, sans pouvoir) et les fins nombreuses.



Elle commence à reculer, prête à s’enfuir au moindre signe de danger.



Hey, attend, ne pars pas, je ne t’ai pas encore parlé du meilleur aspect du jeu, son level design. L’architecture des niveaux, pensée pour être ouverte, regorge de passages, d’alternatives. Les rues foisonnent de détails, de possibilités offertes à notre imagination.



Plus grand, plus vertical, plus dense et retors, le level design de Dishonored 2 transcende celui du premier. Chaque mission comprend une idée de gameplay qui se permet tranquillement de révolutionner les jeux d’infiltration. Le concept est toujours exploité pleinement, et de main de maitre.



Simple exemple, le manoir mécanique permet de transformer chaque partie du niveau. On s’émerveille devant les possibilités offertes, avant de comprendre que l’on peut accéder à l’envers du décor. Telle une Shell dans Portal, on explore de fond en comble ce troisième secteur, ébahi devant tant d’ingéniosité, conscient d’en rater tout de même la moitié.



Pause. Bruit blanc et grésillements. Puis la voix reprend.



Bon voilà les petits amis j’espère que cette vidéo un peu spéciale n’oubliez pas de vous abonner et à la prochaine pour une nou…



La voleuse s’enfuit, laissant derrière elle tableau, babioles et David Lafarge. Un dernier cri déchire le crépuscule.



NOOOOON, REVIENS, TU N’AS PAS LIKE LA VIDEO, AAAARGH …



Des heures plus tard, dans le confort de sa piaule près des quais de Dunwall, elle repensa aux paroles de la voix. Certes, Dishonored 2 n’entrera pas au panthéon des œuvres cultes du jeu vidéo. La faute à un scénario trop pauvre, qui réduit considérablement la consistance et la portée de l’œuvre. Néanmoins, il est certain qu’il fera office pour les années à venir de maitre étalon en ce qui concerne les jeux d’infiltration.


Oui, demain, elle ira voir si Micromania veut bien échanger un exemplaire du jeu contre une lame en os de baleine.

Eurytos
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le 14 nov. 2016

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