Doom
7.9
Doom

Jeu de id Software et Bethesda Softworks (2016PlayStation 4)

Il y a des séries de jeux qui ont tellement marqué les esprits qu’elles obtiennent par la suite le suffixe « -like ». Il y a un temps, le genre du FPS était aussi partagé entre deux appellations : quake-like et doom-like, qui veulent vulgairement dire la même chose, à savoir un shooter rapide à la première personne. Mais récemment, le genre a été trusté par Call of Duty et consorts. Ces mastodontes engrangeant des milliers de dollars ont redéfini les codes du FPS, à coups d’auto-regen, de couvertures et autres scripts privilégiant le spectaculaire au détriment du gameplay. Mis à part quelques récalcitrants (BulletStorm, Hard Reset), le fast shooter disparaissait dans les limbes vidéoludiques. Mais c’est sans compter sur id Software qui sort enfin le quatrième épisode d’une des licences qui l’a fait connaître : Doom.


Jeune et fringuant Space marine que vous êtes, vous vous réveillez sur une table d’opération futuriste. D’affreux zombies débarquent en rugissant dans votre direction, et n’écoutant que votre courage, vous brisez la mâchoire de ces créatures infernales, revêtez une armure et sortez du laboratoire pour vous apercevoir que vous êtes sur une base martienne et qu’une horde de démons a envahi la zone. Il faudra donc suivre les directives données par quelques survivants pour fermer définitivement le portail de l’enfer et nettoyer tout ce bordel. Je ne vous ferai pas le plaisir d’établir un synopsis plus détaillé, puisqu’il serait difficile d’aller plus loin. Et le jeu, même s’il donne de vagues justifications scénaristiques quant à votre avancée, ne s’embarrasse pas vraiment de tout ça, s’efforçant de fournir le strict nécessaire pour indiquer les objectifs. Le but est donc de défourailler, de démembrer, de lacérer du monstre par dizaines, équipé d’armes plus dévastatrices les unes que les autres.


Les premières minutes donnent le ton : le jeu est vif, rapide, fluide. En deux coups de shotgun à pot, tous les souvenirs de Quake, Unreal ou Painkiller reviennent à la figure (avec au passage un bon coup de vieux) et on ne peut s’empêcher de laisser un sourire pointer au coin de la bouche. On comprend instantanément que la subtilité n’aura pas cours ici bas, et que seul votre instinct et votre skill feront la loi contre des armées de démons de plus en plus balèzes. Pas de sprint, pas de visée longue (sauf pour le fusil d’assaut, en option) ou assistée, tous les affrontements sont dirigés par un seul élément primordial : le mouvement. Les ennemis n’hésiteront pas à se jeter sur vous par dizaines, et les petites arènes aménagées avec soin sont là pour laisser le champ libre à votre esprit créatif primaire. Que ce soit s’approcher rapidement d’un diablotin pour dégainer le shotgun ou sauter en tirant des roquettes dans la tête de vos adversaires, le maître mot est dynamisme. Le jeu devient sacrément vif et reposera uniquement sur vos capacités à éviter les salves et autres boules de feu pour coller une bastos bien sentie dans le front dégarni du zombie en face de vous.


Pour vous aider à faire le ménage, le jeu sait être généreux. L’arsenal est plutôt fourni : shotgun, super shotgun, fusil d’assaut, fusil Gauss, lance-roquettes, fusil plasma, sans oublier l’increvable BFG, l’arme ultime capable en un seul tir de pulvériser toute une pièce. Le titre vous donnera accès à une tronçonneuse fort utile pour zigouiller un monstre en un seul coup afin de récupérer pléthore de munitions. Gare à son utilisation puisque l’essence utilisée est assez rare dans les couloirs de la base. Mais Doom n’est pas qu’un shooter, puisque son gameplay propose aussi une palanquée de finish moves au corps à corps, judicieusement nommés « Glory Kills ». Lorsque vos ennemis ont pris suffisamment de dégâts, ils se mettent à clignoter. C’est le top départ pour foncer sur eux et appuyer sur la bonne touche pour opérer le coup fatal, finissant généralement par un démembrement sanguinolent, avec variante à la clé suivant votre position. C’est aussi un moyen efficace de récupérer de la santé et de l’armure facilement lorsque votre avatar souffre le martyr. Le jeu profite un peu trop de la chose, puisqu’il délivre ces précieux bonus uniquement quand votre santé est basse, forçant le joueur à utiliser cette technique s’il veut survivre suffisamment longtemps. Un poil dommage au début de la campagne, quand votre avatar n’est pas suffisamment équipé.


Parmi les autres nouveautés, on trouvera de la customisation d’armes avec ajouts de tirs secondaires (missiles téléguidés avec le lance-roquettes, tir plasma surpuissant avec le fusil Gauss, …) que l’on pourra améliorer en réussissant des défis. Votre personnage peut tomber sur des modules pour améliorer santé, armure et munitions, et des cadavres de spaces marines bien planqués permettront d’améliorer des caractéristiques comme le cooldown de vos grenades ou votre facilité à grimper sur les rebords. Des zones de défis débloqueront des capacités passives (améliorables) comme récupérer les munitions éloignées. Une débauche de customisation qui peut paraître lourdingue mais qui profite d’un des points forts du level design : ses cachettes multiples qui forcent le joueur à débusquer le moindre élément étrange dans le décor pour découvrir une porte secrète ou un couloir dissimulé dans l’ombre. Mais cette profusion de bonus et d’armes tombent sur un os arrivé au troisième tiers du jeu.


En effet, il arrive un moment dans la campagne solo où la progression de votre personnage freine brusquement : plus de nouvelles armes, plus de nouveaux défis. On pense tout naturellement que la fin de l’aventure approche. Que nenni : il restera entre quatre et cinq heures de jeu avant de voir l’écran du générique. Et c’est là que le bât blesse : si le mode solo de ce nouveau Doom commence sur les chapeaux de roues en proposant de l’action pur jus avec une évolution constante de son arsenal histoire de varier les plaisirs, le dernier tiers accusera sérieusement le choc d’avoir déjà touché le sommet du gameplay, sans parvenir à renouveler le contexte ni les situations. Pire, le jeu profite de certains passages en Enfer pour ressortir ses vieux mécanismes de « porte jaune-clé jaune » afin de ralentir la progression du joueur, en multipliant les arènes et les monstres de plus en plus gros. On sent une pointe d’ennui au fil des niveaux qui ne nous quittera malheureusement jamais. Le jeu donne la sensation de prolonger un peu trop l’expérience (sans compter des faux boss finaux) en faisant des allers-retours entre les deux mondes et sans jamais modifier un peu la sauce. C’est fort dommage.


Ce manque de renouvellement n’enlève en rien aux qualités du titre. Fun et dynamique, le jeu est une vraie leçon de fast FPS comme on aime. On retrouve bien vite les sensations et les réflexes que l’on pensait remisés au fond d’un tiroir trentenaire. Mais il est regrettable que le titre, avec du recul, ne prenne aucun risque. Si Doom garde une fraîcheur insoupçonnée, c’est parce que personne d’autre ne propose cette formule. En soi, ce quatrième opus ingurgite le meilleur des jeux modernes (les finish moves, la customisation de son héros) tout en gardant ce qui fait le sel des doom-like d’antan (les soins et armures à ramasser, pas de rechargement, des cachettes partout). C’est bien, mais le jeu pèche par moment d’un manque de storytelling (l’habitude, peut-être) et de ce gameplay basique. Et c’est ce fameux derniers tiers qui montre très clairement les limites du jeu, ce qui fait que même si on prend son pied lors des gunfights, on reste un peu sur sa faim une fois les monstres décimés. Le jeu ne vaut presque que pour ses combats et ses cachettes à débusquer. Ce qu’il fait, il le fait très bien, mais des jeux comme Prey ou même Wolfenstein New Order arrivaient à transcender leur idée de base pour, soit amener de nouvelles idées (les portails ou la gravité dans Prey), soit mettre l’histoire bien plus en avant (la dystopie et des personnages plus présents dans Wolfenstein New Order), sans jamais sacrifier ce qui faisait leur force. Doom, quant à lui, se contente de refaire la même chose qu’il y a 20 ans, mais en plus joli.


À côté de ça, Bethesda a l’air de compter sur son mode multi qui renoue avec les plaisirs de Quake à coups de bonus dans la map et de déplacements forts dynamiques. On regrettera encore une fois une progression par niveau archi-classique qui commence dangereusement à gonfler les joueurs, et un choix de couleurs pour l’interface un peu trop porté sur le rose. Tous les goûts sont dans la nature, dit-on, mais ceux de Doom ont de quoi étonner. Il ne faut pas oublier par contre LA bonne idée de ce nouvel opus : le mode SnapMap. Sous l’apparence d’un simple éditeur de niveaux, ce morceau fort complet se transforme carrément en un éditeur de modes de jeu en puissance, permettant de créer des arènes et des niveaux entiers et d’y attribuer des règles et des conditions diverses. Les joueurs ont déjà fait des merveilles à coups de mode RPG gérant la progression de votre personnage ainsi que des modes survies en pagaille. Bethesda France a même organisé une Doom Game Jam permettant aux joueurs de tester la bête pour produire des niveaux particuliers. Un vrai bonus qu’il serait dommage de mettre de côté.


Je parlerai rapidement de la technique. Doom possède un moteur extrêmement solide, qui ne bronche jamais et propose des environnements somptueux, même si très « jeu vidéo » dans leur construction. Qu’à cela ne tienne, le jeu l’assume complètement, mais reste que la gestion des lumières rend particulièrement justice au travail des artistes. Les niveaux en enfer bénéficient d’un travail et d’une patte atypique. Les monstres ne sont pas en reste, puisqu’on a droit à de multiples mutilations très réussies pour tous les amateurs d’hémoglobine. La musique, aux teintes électro avec consonances carpenteriennes, se laisse écouter et ne dénote pas dans l’univers.


Ce quatrième épisode de Doom est un jeu que personne n’attendait vraiment. Brutal, viscéral, il parvient à retrouver toute cette splendeur du skill aérien et sanglant que l’on pensait perdu entre deux jeux de guerres modernes. C’est un jeu sacrément con, qui n’attend rien de l’intelligence du joueur, mais mise avant tout sur ses réflexes et le fun. La campagne solo fait le boulot, n’est absolument pas difficile pour les habitués du genre mis à part deux ou trois coups de pression (pensez à passer en difficile) et tire la tronche dans son dernier tiers à cause d’une répétitivité inévitable qui saute à la figure. Son gameplay reste celui d’il y a vingt ans, malgré les ajouts modernes qui font passer la pilule, mais le plaisir est intact. Et rien que pour la joie de retrouver ces sensations grisantes qu’on pensait avoir oubliées, Doom remue ses tripes putréfiées avec joie pour les balancer dans notre gueule à grand coup de shotgun.

Cronos
7
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le 23 juil. 2016

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