Dragon Age II
5.5
Dragon Age II

Jeu de BioWare Corp et Electronic Arts (2011PC)

14, c'est le nombre de mois qui sépare Dragon Age : Origins de ce Dragon Age 2. Le développement de ce dernier a précédé la sortie de Dragon Age : Origins, toutefois, son arrivée dans les bacs a été précipitée de 10 mois. Entre-temps, DA:O a multiplié les DLC, une activité lucrative mais aussi chronophage pour un studio. Pourtant, Dragon Age 2 est là, en avance par rapport à la deadline de départ. En manque de temps et l'ombre d'EA pas très loin, Bioware a préféré rogner les coins, jusqu'à quel point ?
« Du RPG tactique au hack'n'slash bourrin »

Fort du succès de Dragon Age : Origins, le studio canadien espérait sûrement réitérer le même phénomène pour ce Dragon Age 2. C'était sans imaginer qu'ils prendraient les joueurs à contre-courant en réalisant un titre plus proche d'un hack'n'slash bien bourrin que du RPG tactique qu'est son aîné. Rien que le nom « Bioware » est un gage de qualité et l'exploitation d'une licence dans un autre genre que celui originel aurait pu être accepté par les joueurs si la qualité avait effectivement était présente. Depuis sa sortie il y a une bonne semaine, une chose est sûre, c'est que de nombreux joueurs ont du mal à régurgiter leur vomi.
Le scénario commence par une discussion très animée entre Varric Tethras, un nain bonimenteur et vantard sur les bords, et Cassandra Pentaghast, une chercheuse de la Chantrie. Elle veut en savoir plus sur les circonstances qui ont conduit à l'instabilité politique de Thedas, notamment, des actions d'un humain nommé Hawke. Vous allez donc revivre une petite dizaine d'années de la vie de ce Hawke sous la forme de flash-back. Avant cela, vous pourrez customiser votre avatar de la même manière que vous le faisiez dans Dragon Age : Origins, il y a un peu plus de variété sans toutefois être transcendant. Vous choisirez votre sexe et votre classe de personnage entre guerrier, voleur et mage. Le premier récit de Varric commence alors par la fuite de votre ville natale, Lothering, attaquée par les engeances peu de temps après le départ du Garde des Ombres et ses compagnons. L'occasion d'y perdre votre frère ou votre sœur selon votre choix de classe dans une scène qui ne fait jaillir aucune émotion. Laissant son cadavre, vous prenez un navire avec les survivants pour la ville de Kirkwall, théâtre de vos prochaines exactions.
« Une histoire qui peine à s'installer »

L'histoire se déroule en trois actes entre lesquels plusieurs années s'écouleront à chaque fois. Entre le prologue et le premier acte, Hawke a vieilli d'une année. Pour replacer dans le contexte, l'Archidémon a déjà été vaincu par le Garde des Ombres, votre vie a été paisible jusque-là. L'ancienne ville minière et esclavagiste bâtie en partie par les nains et qui a souffert de la guerre ne vous a pas accueilli les bras ouverts mais plutôt la pointe d'une lance sous le menton. Si bien que votre mère vit dans une petite maison à proximité du bas-cloître de la cité, avec votre frère ou votre sœur, et vous. Sans vous en rendre compte, votre vie de réfugié ruiné va s'arrêter par la rencontre de Varric et de son frère Bartrand. Vous ferez de petit boulot en petit boulot pour amasser suffisamment d'argent pour financer une expédition dans les Tréfonds. Au cours de votre aventure, vous rencontrerez plusieurs compagnons au passé trouble, entre l'esclave en fuite et la dalatienne exclue par son peuple à cause de son goût prononcé pour la magie du sang. Parfois, ils seront déjà connus, comme Anders, un apostat dont l'Immatériel a pris part. Nous aurons aussi l'occasion de croiser de nombreux personnages connus comme Flemeth, Leliana ou encore Zevran. Dans l'ensemble, nous sommes en terrain connu, presque trop, les thèmes ne changent pas par rapport à Dragon Age : Origins.
Le scénario s'attache essentiellement à présenter la situation politique instable de Kirkwall, entre un vicomte qui ne sait pas quoi faire des Qunaris qui ont investi la ville, des Dalatiens qui ont installé leur camp à proximité sans parler de tous ces brigands qui se retrouvent dans les rues à la tombée de la nuit. Les vingt premières heures de jeu vous sembleront vraiment longues, le scénario met longtemps à se mettre en place et le rythme est en dents de scie. Les quêtes secondaires sont loin d'être aussi intéressantes que celles que nous pouvions voir dans Dragon Age : Origins. Chaque quête se termine toujours par un bain de sang, tout est prétexte au combat. Les dialogues empruntent le même système que celui de Mass Effect 2 sans le dynamisme. Son gros défaut est que dans la majorité des cas, la réponse que vous pensez donner ne correspond absolument pas à ce que votre personnage dit en réalité. Il faut dire que résumer trente mots en trois, ce n'est pas une tâche facile. Résultat, on se fie aux symboles qui identifient les dialogues sans vraiment prendre parti. C'est d'autant plus difficile de s'immerger que Hawke, qu'il soit en colère ou aimant, a toujours ce même ton monocorde, presque déconnecté de la situation. Alors on se retrouve à combattre bêtement...
« Des lieux clonés »

Dans des combats qui ne sont pas spécialement stratégiques puisqu'il s'agit bien souvent d'une série de plusieurs vagues. Vous ne pouvez donc pas réellement jauger vos adversaires. Si vous ne jouez pas en mode cauchemar (qui n'en est pas un par rapport ce que l'on peut vivre dans Dragon Age : Origins), il n'y a même pas de friendly fire. D'un autre côté, ce n'est pas un mal car les pouvoirs magiques ont des effets de zone bien plus souvent qu'auparavant. En revanche, les combats compensent l'inintérêt tactique par un dynamisme nettement plus convaincant. Ce qui peut être tout aussi plaisant, c'est clairement une affaire de goût. En fait, ce qui rend les quêtes peu captivantes, ce n'est pas tant leur résolution, mais la manière de les obtenir et les lieux de leur déroulement. D'une part, une grande partie des quêtes sont reçues par courrier sans aucune raison, nous connaissions déjà cela chez son aîné mais Dragon Age 2 en a accru l'ampleur. La majorité des quêtes ont un synopsis très léger qui ne donnent pas particulièrement envie de suivre. D'autre part, les lieux ne sont que d'honteuses copies où Bioware a eu la mauvaise idée de placer des rochers pour bloquer certains accès et nous donner l'illusion que cela change. C'est simple, il n'existe qu'une seule version de grotte, l'entrée variant pour compenser cette énorme faiblesse et les rochers faisant le reste. C'est particulièrement désagréable d'autant plus que nous savons toujours à l'avance où l'ennemi va débarquer. Le pire, c'est que la ville de Kirkwall est calquée sur le même modèle, heureusement, les quartiers et leurs rues sont uniques mais les intérieurs sont là encore des copies conformes. Pour ne rien arranger, l'aventure complète peut nous amener plus d'une dizaine de fois dans un même lieu. Pas franchement dépaysant.
Des quêtes peu intéressantes, l'intrigue principale qui met du temps à s'installer, des lieux clonés, des dialogues difficile à amadouer, l'immersion n'est pas au top du top. Les rues de Kirkwall n'arrangent pas spécialement les choses, elles sont peu animées, il y a bien du monde, mais très peu se déplace, ils sont souvent groupe, à discuter dans un coin. Il n'y a pas de cycle jour/nuit et c'est seulement au passage d'un quartier à un autre que nous choisissons. Quand nous achetons du matériel, nous entrons en interaction avec un coffre plutôt que le marchand à côté. Il n'est possible de parler qu'avec un très petit nombre d'habitants, si ce n'est pas pour une quête, souvent, ils vous enverront bouler. C'est très loin des attentes que nous pourrions avoir d'un studio tel que Bioware. Mais qu'importe, c'est le fond qui compte réellement.
« Un arbre de talents encore plus complet »

De prime abord, peu de changements dans le gameplay. Vous accumulez des points d'expériences et à chaque niveau gagné, vous pouvez répartir trois points d'attributs et un talent parmi une liste encore plus variée qu'auparavant. L'affichage change mais les catégories restent plus ou moins les mêmes que celles que nous pouvions voir dans Dragon Age : Origins comme le combat à deux armes, le combat avec arme et bouclier etc. Une nouvelle catégorie apparaît spécifiquement pour chacun de vos compagnons, le nain Varric a plusieurs talents dédiés à son arbalète Bianca. Certains talents peuvent être améliorés, soit pour une efficacité accrue, soit pour pouvoir l'utiliser plus fréquemment. Dans les faits, un seul défaut apparaît, il est maintenant obligatoire de dépenser l'ensemble de ses points pour valider notre répartition, que ce soit pour les attributs ou les talents. Au final, ce n'est pas si dramatique que cela avec la disparition des compétences (ruse, désamorçage), dont l'un d'entre eux a été réintroduit dans les attributs, il s'agit de la ruse qui en fonction de sa valeur permet le crochetage et la détection des pièges. En fait, pour un personnage, nous augmentons toujours que trois attributs, il n'y plus aucune polyvalence à avoir. Un principe qui était intéressant dans le premier opus et qui, effectivement, est beaucoup moins utile dans ce deuxième opus plus bourrin.
« Mais un gameplay réduit »

Ce qui chagrine vraiment, c'est la gestion de nos compagnons. Ceux-ci sont neutres les uns envers les autres. Vous ne vivraient pas les mêmes animosités que Morrigan avec Alistair par exemple. Vous ne pouvez plus offrir de cadeaux non plus car il est déjà facile d'être ami avec tout le monde, parfois, sans le vouloir. Le concept de rivalité et amitié déjà visible dans Dragon Age : Origins n'arrive pas à s'exprimer pleinement avec de tels défauts. Outre l'aspect relationnel, c'est l'inventaire qui prend un sacré coup dans l'aile. Toutes les pièces d'armures ne peuvent être portées que par vous, vos compagnons ont la leur qui évolue avec leurs niveaux mai que vous pouvez aussi améliorer en achetant cinq objets chez les commerçants. Cela leur donne quelques bonus d'attaque, de défense et autres bonus spéciaux.
Dans les combats, l'IA montre ses limites, vos compagnons s'arrêtent souvent de combattre sans raison, votre personnage aussi à cette fâcheuse manie dès que votre cible se retrouve à terre. En fait, le personnage que vous contrôlez ne répond plus à aucune de vos tactiques. Les ennemies ne sont pas en reste et se bloquent de manière beaucoup trop régulière. Pour améliorer les sensations durant les combats, les développeurs ont rapprochés la caméra de l'action, au détriment de la vue tactique qui n'existe plus vraiment. Les séquences en pause sont moins pratiques qu'avant et l'on préfère passer beaucoup plus de temps dans les tactiques pour minimiser l'utilisation de la pause. Enfin, c'est ce que nous voudrions mais nos compagnons n'en font malheureusement qu'à leur tête. Ceci dit, Bioware reste professionnel et les patches devraient pleuvoir (il y en a déjà).
« Une coquille percée »

Au final, Dragon Age 2 est une coquille percée de toutes parts qui a laissé couler toute la substance de Dragon Age : Origins. Les nouveautés sont anecdotiques mais les disparitions sont, elles, carrément brutales. Les quêtes sont loin d'être palpitantes et les 50 heures de jeu peuvent alors paraître très longues. Cependant, l'intrigue principale après l'acte I où elle prend son envol, mérite que l'on s'y intéresse. En revanche, elle ne pousse pas à refaire le jeu, nos choix se terminant souvent par un massacre, les conséquences sont souvent uniques et ne peuvent pas être altérées dans une nouvelle partie. C'est à l'image de l'utilisation de notre sauvegarde de Dragon Age : Origins qui ne vient modifier que quelques éléments du background ou certaines rencontres du troisième acte notamment. La durée du développement a été bien trop courte, les dialogues français ne profitent pas de la même qualité que dans le premier jeu de la licence Dragon Age, et leur écriture laisse à désirer avec le choix d'utiliser le système de Mass Effect 2. Le pire reste l'immersion qui laisse à désirer entre les lieux clonés à l'excès et l'animation proche de zéro. Alors certes, le jeu n'est pas nul, mais ce n'est ni un bon RPG, ni un bon hack'n'slash.
pathfinding
5
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le 19 mars 2011

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