Dragon Quest II
6.4
Dragon Quest II

Jeu de ChunSoft et Enix (1987NES)

Seek allies for your quest, the vast journey lies ahead.

Dragon Warrior II c'est beaucoup de choses, c'est un jeu un long et un bien dur, vaste dans sa géographie et suffisamment difficile et fourbe pour pouvoir s'enorgueillir jusqu'au CV des six lettres aussi magiques qu'improbables du "The End" salvateur de fin, c'est probablement tout cela Dragon Warrior II et c'est pour toutes ces raisons ambivalentes, acceptables ou inacceptables et que tu connais probablement que tu viens fouiner ton nez malicieux dans ma prose, mais je te préviens tout de suite l'ami. Ici, le moindre pas de travers, la moindre erreur de commande, le moindre petit errement quelconque peut signifier ta mort, et je ne te parle pas ici d'une mort qui te ramène trente secondes en arrière mais plutôt trente minutes. Fois trois.
Ne te fie pas à ces bouilles à l'apparence mignonne, à ces couleurs pastels et à ces plaines vertes et innocentes, et accepte tout de suite la phrase suivante comme une vérité : « Dragon Warrior II me déteste.» Si DW 2 veut te détruire à un pas de la victoire il le fera majestueusement. Nous sommes tous, ex-joueurs ayant bravés du bâton de Hargon, passés par là. Nous avons souffert et désormais nous te prévenons. La patience et la curiosité seront les seules clés de ton succès, à toi seul de les utiliser judicieusement.

> As the leader of your group, you will set forth with your allies ou « le dos de la jaquette NES raconte vraiment n'importe quoi »

Vous êtes le Prince de Midenhall, lointain descendant du héros du Dragonlord, lui-même fils du légendaire guerrier Erdrick/Loto et devez sauver le monde des griffes du magicien noir Hargon. L'intrigue est ici plaquée de manière primaire, brutalement, comme on le faisait alors sur NES (« et sur tous les DQ » diront les mauvaises langues qui ne comprennent décidément rien), à une époque où les scénarii n'étaient jamais plus que prétextes à jouer même dans les jeux de rôle – n'en déplaise aux fans de Xenosaga qui ne manquent jamais de fustiger cette série. C'est vraiment tout pour l'histoire, qui prendra fin aussi sûrement qu'Hargon, point de rapport manipulé/manipulateur et d'intrigue à tiroir, les enjeux sont on ne peut plus clairs et précis.

Il serait néanmoins bon de préciser une chose, trois fois rien si ce n'est que les trois premiers DW s'inscrivent dans une trilogie et que chronologiquement, ce DW 2 en représente la dernière partie faisant suite au premier Dragon Quest, lui-même précédé du troisième. Ce qui se traduit in game par la redécouverte d'Alefgard, fief du feu Dragonlord et de son héros cornu chamboulé par des décennies passées mais pas seulement. C'est là que ça devient déjà plus intéressant : Enix nous annonce un monde quatre fois plus vaste que son prédécesseur, joie. Ou pas.

> Je farm, tu gardes, nous mourrons

Dragon Warrior II n'est pas un bon jeu, dans le sens où son bagage linguistique de second jeu de rôle de la NES, toujours pas de Final Fantasy à l'horizon notez, ne s'accommode guère de termes aussi farfelus que justice ou équilibre de jeu. Car oui DW 2 est carrément injuste et il vous faudra vous armer de patience ainsi que de nerfs solides pour vous défaire du boss final.

Il convient tout d'abord de préciser ce qui fut alors tout ce qu'il y a de plus nouveau : en effet, DW 2 est le premier Dragon Quest, donc RPG console, à proposer des joutes en équipe, le premier ne proposant alors que des rixes s'articulant entre vous et un unique monstre, dans un déroulement au tour par tour qui lui perdurera plus de deux décennies. DW 2 introduit donc le pluriel dans le jeu de rôle et ce de manière bien maladroite. Deux compagnons, de sang aussi royal que le vôtre (le prince de Cannock et la princesse de Moonbroke, aux prénoms variant selon celui du héros), viendront grossir vos rangs, au niveau 1 du désespoir. Il vous faudra alors vous empresser de rehausser vos recrues, moyennant quelques heures de votre vie à taper des * chèvres * de Baboons et autres Dragons-Lézard par groupe de six.

Ce qui est passablement agaçant dans l'affaire, c'est que même une fois à niveau vos alliés n'auront jamais ou presque leur mot à dire. La démocratie n'a pas de place dans ces terres hostiles de Green Dragons et vous vous retrouverez pendant plus de la moitié du jeu à parer avec au moins l'un de vos deux nouveaux personnages, le plus souvent le prince de Cannock qui n'apprend aucun sort digne de ce nom autre que Stopspell (qui ne fonctionne pas très longtemps de toute façon) avant le niveau 23, soit la toute fin du jeu ! Aha ! De plus, contrairement à DW 3 et tout ce qui suivra, le jeu ne semble pas allouer de « priorité » à vos personnages : j'entends par là que la princesse de Moonbroke ou le prince de Cannock ont autant de chances de se faire frapper physiquement que le héros, ce qui est une aberration. Même FFI, sorti entre DW 2 et 3 corrigera ce défaut extrêmement handicapant. Résumons d'un trait, vos compagnons sont inutiles pendant plus des deux tiers de l'aventure et vous souffrirez injustement de ce chaos sans réellement pouvoir agir. C'est là qu'intervient une autre nouveauté de DW 2, les objets, ou plutôt la manière de les utiliser.

En effet, DW 2 offre la possibilité au joueur de pouvoir employer certains équipements en plein combat, à la manière de ce que nous verrons bien plus tard dans FFIV, lesquels vous permettront d'incanter gratuitement et indépendamment de vos statistiques un sort offensif ou de support. Ce qui n'a en fait rien d'une possibilité puisqu'il vous sera indispensable d'en user et d'en abuser pour parvenir au bout des donjons les plus coriaces du jeu et de la série, ce qui n'est pas peu dire croyez-moi. Shields of Strength + Staff of Thunder FTW.

> Dragon Warrior, ça veut dire guerrier dragon. Je sais désormais pourquoi.

L'une des choses à signaler pour toute profane des vieux Dragon Quest est le level design particulièrement complexe, vicieux et immonde des donjons. Premier point à noter, IMMENSE progrès par rapport au premier DW : finies les torches, fini Radiance, vous pouvez enfin apercevoir ce qui règne au-delà des trois blocs de périmètre de rigueur et c'est un énorme progrès. N'imaginez pas en contrepartie une exploration plus aisée puisqu'en retour les donjons, à l'image du jeu, prennent une toute autre échelle et il vous sera très difficile sinon impossible (impensable pour ma part) de les arpenter sans feuille et crayon. Il est indispensable de garder littéralement un trait sur sa progression, dans le sens où les donjons sont longs, tortueux et au point où il n'est pas rare de devoir en séparer la découverte en plusieurs visites, chose qui a de quoi faire sourire n'importe quel amateur actuel de RPG.

Ceux-ci se séparent grossièrement en deux catégories : caves et tours, les premières reposent sur un design horizontal, spatial tandis que les secondes sont fondées sur une ascension verticale mais en aucun cas plus linéaire que les précédents. Il ne sera à ce titre par rare de vous rendre compte après plus de cinq étages difficilement franchis que votre chemin n'est pas le bon, vous obligeant de ce fait à redescendre chaque étage à pied : il n'est surtout pas question de retourner au précédent village et chaque visite se doit d'être la plus complète possible. Les culs-de-sac sont légions, la fréquence des combats vous fait tourner la tête et vous n'avez plus qu'une envie, en finir avec cette grotte de malheur, alors vous prenez une pause, vous effectuez trois pas en avant, quatre vers le haut et une mince félicité vous sourit quand soudain l'écran et le temps fuient : do si fa ré do sol fa, une attaque surprise est annoncée et quatre Green Dragons apparaissent ! Ce qui, en langage DW 2 ne signifie rien de moins que : « Héros was utterly destroyed ». Aha !

C'est enfin essoufflé mais heureux, après avoir une nouvelle fois étudié le terrain et sa faune que vous récupérez à la sueur de votre front, la relique responsable de vos tourments claustrophobes. Vous vous rapprochez alors encore un peu plus de votre objectif et constatez, maladroitement enfoncé dans le matelas de fortune de votre auberge, la hauteur de vos progrès. Un dernier tour en ville, le temps de glaner quelques informations, subir les ragots des villageois et profiter de la charmante naïveté locale et c'est reparti. Vous ne venez jamais que de récupérer un pauvre Crest, il vous en reste quatre. Patience.

> Son of a submariner !!!

L'un des principaux apports de DW 2 au J-RPG consiste tout bonnement en la possession et le contrôle d'un navire. Cette étape, particulièrement dans cet épisode, marque la fin d'une progression codée et un tantinet dirigiste au profit de la découverte d'un monde gigantesque et parsemé de petits secrets, lesquels feront parfois l'objet de micro-quêtes annexes. A travers ce déroulement non-linéaire, le joueur est libre de faire sienne sa progression, de manière bien plus conséquente que ce que permettait le premier épisode, où cela se limitait à l'acquisition de trois objets clés. L'exploration se voit alors transfigurée et le joueur se sent enfin maître de sa progression en sortant des rouages trop évidents de game design, à l'exception toutefois des montagnes qui de nos jours délimitent encore la marge de manœuvre des navires dans les RPG actuels plus de 20 ans après DW 2, faute de mieux.

Le problème, qui se verra significativement réduit dans DW 3, consiste presque finalement en cette immensité que je viens pourtant de louanger. Il devient très difficile de se repérer en haute mer, faute de mappemonde, les indices étant uniques et pas toujours spécialement probants, il vous faudra vous acharner sur certains items en particulier, je pense ici au Sun Crest qui vole très haut sur l'échelle de l'absurde. Certains joueurs se sont mis à détester DW 2 à partir du moment où l'on peut naviguer, c'est vous dire la complexité de la tâche qui vous attend.

> Alefgard, me revoilà !

Outre les changements multiples et conséquents de DW 2 par rapport à son aîné, il n'en reste pas moins fondamentalement un Dragon Quest. La colonne vertébrale de la série est ainsi maintenue, Yuji Horii aussi bien que Koichi Sugiyama et le fameux Akira Toriyama retrouveront leur poste à chaque itération des Dragon Quest, respectivement dans leur rôle de scénariste improvisé ex-programmeur, grand compositeur de VGM mondialement reconnu et chara/monster-designer de génie, bestiaire qui au passage est entièrement renouvelé et est bien plus riche que lors de notre précédent séjour en Alefgard. Le programmeur principal et réalisateur Koichi Nakamura, m'informe gamefaqs, est également le même que dans le premier et sévira jusqu'au cinquième épisode, à partir duquel il se consacrera à d'autres projets bien moins prestigieux.

J'aimerais enfin préciser que je n'insiste pas sur le W de « DW 2 » par pédanterie éhontée, Dragon Warrior II étant très différent de son homologue asiatique et ce particulièrement en deux endroits : ce dernier, à l'instar de DQ 1er, privilégiait les mots de passe à la pile de sauvegarde et ne comportait pas la longue (toute proportion gardée) scène d'introduction à Moonbroke, ce qui en fait en tout point une version inférieure. Ces lacunes seront corrigées sur la compilation de remakes de Dragon Quest I et II sortie en 1993 (!) exclusivement au Japon.

Petite anecdote pour conclure ce test : une fois n'est pas coutume, DW 2 est le seul Dragon Quest à employer une musique différente du traditionnel thème de menu à l'écran de sélection de fichier. En effet celle-ci, sobrement intitulé « Love Song », n'est rien de moins qu'un réarrangement 8 bits de la chanson éponyme servant à promouvoir le jeu au Japon, et à moins que je dise une bêtise je crois bien qu'il s'agit là d'un des tous premiers usages de musique destinée à promouvoir le lancement d'un jeu vidéo. Un hymne à la légèreté et l'insouciance, en somme tout ce qui ne correspond pas à DW 2 alors profitez-en.

> 1 : « I really do not want to play this game. I mean... »
> 2 : « But thou must ! »

Dragon Warrior II est un pilier historique du jeu de rôle sur console. Si le premier a simplifié des RPG tels que Wizardry et Ultima, DW 2 pose réellement les bases fondamentales de ce que sera le J-RPG et la série par la suite. Il faudra néanmoins attendre l'épisode suivant, DW III clé de voûte de la trilogie de Erdrick pour disposer d'un système de jeu (plus) équilibré, qui rend enfin chaque personnage utile et indispensable à la survie de notre groupe. Il convient néanmoins de saluer le geste d'Enix, qui a eu le courage de modifier en profondeur la recette du premier DQ pour nous proposer une aventure d'une richesse sans commune mesure.

Si votre curiosité envers la saga est molle et ne vous pousse qu'à vouloir essayer Dragon Quest à travers le spectre de la NES alors il est évident que DW 3 est davantage fait pour vous.

Si néanmoins, vous êtes à la recherche d'un défi rafraîchissant capable aussi bien de vous réjouir que de ruiner votre journée, alors prenez votre souffle et rejoignez-moi dans ce DW 2. Vous en ressortirez avec une satisfaction rare, précieuse dans ces temps où l'on nivelle de plus en plus la difficulté par le bas et où l'on aime prendre le joueur pour un idiot.

7/10
Daka-Ozpass
7
Écrit par

Créée

le 26 avr. 2012

Critique lue 847 fois

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Daka-Ozpass

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