En 2010, le jeu vidéo avait fort à faire. De nouvelles possibilités de jeu et de grandes épopées tentaient désespérément de sortir du lot , à travers parfois des concepts originaux , ou en tentant vainement de copier maladroitement la concurrence. Le point d'orgue étant la surenchère et la promesse d'un open-world toujours plus grand, toujours plus beau, toujours plus remplie de conneries à choper à droite à gauche.
Enslaved : Odyssey to the West est un jeu d'action-aventure dont les mécaniques de plateforme (et les énigmes CP) sont très librement inspirées (ou copiées, au choix) d'Uncharted. C'en est suffisamment flagrant pour saisir les vagues élans d'aventure que tentent de transmettre le titre. Le jeu est réalisé par les petits de Ninja Theory qui s'étaient alors fait remarquer par un certain Heavenly Sword, un petit bijou visuel de début de PS3 avec un gameplay emprunté au genre du beat'em all. Ninja Theory remet ici le couvert : du plateformer scripté et du combat à la troisième personne sont au rendez-vous. le tout dans un univers assez riche, très coloré (trop), aux personnages librement inspirés du "voyage en occident", conte connu de tous par l'un des protagonistes Sun Wu Kong, dont le nom résonne davantage sous les ondes d'un certain San Goku, figure de pop culture que l'on ne présente évidemment plus.
L'idée est bonne pourtant, et l’exécution tend , au départ, vers quelque chose de réussi. On s'étonne de ces premiers niveaux New-Yorkais, de ces personnages et des mystères qui les entourent et cet aspect co-op fort présent (qui donneront sans doute à certains des relans d'Ico). Tout cela n'est, sans surprise qu'une formule bien timide qui se pète progressivement la gueule durant les quelques heures qui composent l'aventure. La faute à un game-design, qui au delà d'être archaïque, est particulièrement plat. Mais aussi à un univers et une narration qui se perdent en chemin. On ne sait plus trop ou on va, les choix narratifs et scénaristiques sont discutables, et la fin du soft est une sacré tragédie (dans le mauvais sens du terme).
Je vais pas trop en parler de ce scénario mais pour faire simple : deux personnages qui s'approprient un univers désolé, du drame, arrivée d'un troisième personnage qui fout en l'air l'équilibre juste entre les deux persos principaux, blagues beauf à gogo et mystères autour d'un potentiel antagoniste balayé par une fin sortie du trou de balle des scénaristes, à croire qu'un gars a vu un certain film avant la sortie du jeu et s'est dit : "hé les gars j'ai une super idée pour finir notre jeu parce que franchement on sait pas ou on va".
Cette sensation désagréable, qui donne l'impression d'aller de Charybde en Scylla est aussi induite par un game-design très pataud. Les phases de plate-forme n'ont jamais été aussi scriptées. C'est automatique, vraiment, pas possible de tomber. Et l'aspect Co-op montre ses limites au bout d'une demi-heure. Quand au combat, il fait honte à tout ce que je connais dans le fight à la troisième personne. L'aspect BTA n'est pas travaillé, du mauvais Prince of Persia balancé dans la tambouille pour casser du vilain robot. Robots constituant d'ailleurs un bestiaire excessivement limité. Avec en prime peu de boss, et rébarbatifs. C'est la misère sexuelle du JV.
Reste à Enslaved son univers , qui s'éloigne petit à petit de ses immenses tours de ferrailles New-yorkaises , revenues à l'état sauvage vers des usines et autres marais détestables, teintés de couleurs vomitives (ces teintes de vert et de violet.... Mon Dieu ayez pitié de nous). Et quel dommage. Quand j'ai récupéré mon premier masque dans le jeu, après quelques pirouettes et combats fastoches je m'attendais vraiment à une belle petite épopée remplie de mystères. Je m’attendais à ce que le système de combat prenne de l'ampleur, à voir du gros monstre et à devoir gérer un grand nombre de situations délicates par le biais des artifices de la demoiselle en détresse nous accompagnant. Malheureusement il s'agit de vaines promesses ne parvenant qu'à transmettre une odeur de gâchis et un gout d'inachevé. le conte Enslaved s'embourbe dans un marais vieillissant aux couleurs criardes, piégés au cœur de suidés grassouillets qui aiment parler de leur pénis et d'un game-design aussi original et travaillé qu'un tableau de Malevitch.