La meilleure utilisation moderne du pixel art.
En développement depuis 2007, par deux fous, ce jeu avait des relents de Duke Nukem Forever. En effet, ce concept incroyable accumulait retards et absence de communication prolongée, si bien que je faisais partie de ceux qui y croyaient, mais plus trop. Et pour la peine, je me flagelle, car le jeu est là, il est bien là. Ce petit personnage blanc qui gigote, en pixel-art, dans ce monde en pixel-art qui défie les lois de la logique, c'est moi qui le fais bouger. Armé d'un fez sur la tête, ma p'tit boule de gomme se retrouve chargée d'une mission, dont vous vous doutez car nous sommes dans un jeu vidéo : sauver l'univers. Facile. Et pour ça, il faut récupérer des cubes éparpillés un peu partout. Très facile.
Très facile, oui, car faire des scénarios dans des jeux de plate-forme, c'est pas très utile.
Là où le jeu n'a pas cédé à la facilité, c'est dans tout le reste.
Il y a tellement de façons de rater un jeu comme celui-là que je suis abasourdi du niveau d'excellence que ce titre atteint. Voici dans les grandes lignes là où le jeu n'arrive pas à se tromper :
Les graphismes. Ils sont sont magnifiques. Alors que le jeu (hormis les sprites des personnages) est entièrement en 3D , on ne le soupçonne que lorsque l'on acquiert enfin le pouvoir suprême de changer la dimension du monde. Le jeu fonctionne sur un système de cube. Vous avez le pouvoir de tourner le cube mais hormis la transition lors du pivot, vous lui faites toujours face. Le décor n'a ni fuyante, ni ombre propre, ni ombre portée (sauf celles de l'arrière-plan, qui éclaire globalement la scène et qui gère vraiment le décor, malgré son volume complexe, comme un simple cube). Le résultat est donc une 2D parfaite, à partir d'une 3D parfaite. pas de tremblote, de crénelage, rien, c'est du pixel-art parfait. La palette de couleurs est osée et très soigneusement choisie, d'autant plus que certains décors ont un cycle jour-nuit très rapide, qui permet d'admirer le décor sous différentes ambiances… du pixel-art 2.0, en fait. On est franchement un cran au-dessus de CaveStory, qui apportait pourtant son petit lot de fraîcheur. Le moteur du jeu est, à ce titre, très novateur (système de trixels).
Le gameplay. Comme le jeu se repose avant tout sur un système complexe de puzzle visuels, on aurait pu croire que la maniabilité aurait pu en souffrir. Eh bien, nullement. Fez répond au doigt et à l'œil, malgré la croix médiocre de la manette d'origine de la Xbox 360. Même au joystick, ce n'est pas pénalisant. Le personnage ne va pas trop vite, ni ne se traîne. Aucun temps d'adaptation n'est nécessaire pour contrôler le personnage. Bien sûr, le système de cube demande sûrement plus de temps, mais là encore, les développeurs ne sont pas tombés dans le piège d'Echochrome : la progression est indolore, et les énigmes du parcours, bien que parfois à même d'entamer la fonte du cortex, ne sont jamais insurmontables (alors que le système de jeu permet les pires horreurs). À noter également que la sauvegarde est totalement automatique et très fréquente, et que chaque mort vous resitue sur la dernière plate-forme stable où vous étiez. Une idée qui rappelle ce qui était dans le dernier Prince of Persia, qui vous permet donc de tenter sans peur (même si dans ce dernier, il n'y avait rien à tenter, il suffisait de suivre la flèche).
La musique. Oh, c'est vrai que ce n'est pas une grosse surprise, car les jeux indépendants s'amusent à surpasser régulièrement les grosses productions, mais cela n'empêche. Le jeu fonctionne sur une bande-son électro, à rythme lent, ni entêtante, ni lassante. C'est très réussi car cela correspond tout à fait au style un peu mystique du jeu, sans que cela ne vous agace alors que vous tournez frénétiquement le décor en espérant voir apparaître la solution. Homogène et plutôt reposante, c'est encore une fois une victoire.
Vous pouvez écouter de nombreuses pistes dans leur intégralité ici : http://disasterpeace.com/album/fez
Je ne vous parlerai pas de la durée de vie, car j'ai semble-t-il atteint le dernier niveau (avant le niveau bonus) en n'étant qu'à 56 % du jeu, donc il est un peu tôt pour me prononcer. De même, je présume que la suite me réserve des énigmes abominables, mais je l'aurai bien cherché. Ce jeu est un labyrynthe absolu, il y a des portes partout, la carte est incompréhensible et gigantesque , Je pourrais dire que c'est un défaut, mais pour le moment, c'est avant tout cohérent avec le jeu, et ça n'a rien de gênant. La progression est assez étrange et on laisse facilement de nombreuses portes fermées derrière soi tant la curiosité nous amène de l'avant. Je me souviens qu'en découvrant le jeu, je me suis retrouvé à enchaîner environ huit décors différents, en me disant « mais ça ne s'arrête jamais ? » Mais le jeu est intelligent. Une porte ouverte reste ouverte, et passer devant vous affiche l'image de la destination dans une sorte de trou noir. Si le décor est extérieur et que la porte mène vers sa suite (ou ce qui le précède), il apparaît au loin dans l'arrière-plan.
Je suis méga-conquis par ce méga-jeu. Il coûte moins de 10 € (Xbox Live Arcade uniquement, à l'heure où je publie cet avis), et… et il faut l'acheter. Si.
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