"Bon jeu, mauvais Fallout", non, c'est juste naze.

Fallout 4, c'est l'histoire de ma plus grande déception vidéoludique. Parce que bordel, j'adore Fallout. Vraiment. C'est facilement dans le top 5 de mes licences de jeu vidéo préférée, et le meilleur Fallout à mes yeux étant New Vegas. New Vegas c'est peut-être moche, ça a 10 ans de retard, mais ça conciliait à merveille la modernisation entreprise par Bethesda de la licence avec le 3 (qui m'est tout à fait sympathique soit dit en passant) sans sacrifier la profondeur d'un jeu de rôle digne du 1, et surtout du 2.


Avant de parler de ce jeu, je dois dire quelques petits mots sur Fallout 3 : oui, Fallout 3 est inférieur sur beaucoup de point au 1 et au 2. Mais est-ce blâmable ? Une licence arrachée à sa maison mère, rachetée in extremis pour être sauvée des enfers, mais avec une équipe sans expérience sur la licence. Le résultat de Fallout 3 est donc le suivant : un jeu qui n'est plus exactement Fallout 1 et 2, mais qui est une deuxième première fois, donc quelque part ça passe. Car les incohérences, les entorses, les problèmes d'écriture, tout cela s'explique par l'histoire chaotique derrière Fallout 3, euthanasié une première fois fini à 90%, avant de renaître sous une autre forme, avec d'autres parents. Et le résultat est au final pas si mauvais : l'humour de la saga légendaire marche, et le gameplay, s'il n'a pas la profondeur de F1 et F2, offre malgré tout quelques choix dignes d'un véritable RPG. Il y avait une base, un départ à consolider. Et là on en arrive à Fallout 4.


Parce que quand bien même FNV est arrivé entre temps, sublimant la recette proposée par Fallout 3, Fallout 4, dont le devoir aurait été d'amener la licence encore une étape plus loin, a décider de faire un énorme doigt d'honneur à tout les fans de la licence en occultant purement et simplement ce qui faisait que New Vegas était excellent : le role play. Bon, on aurait pu s'en douter dès l'annonce finalement. L'idée de doubler le personnage, attirante au début, quand on y réfléchit c'est une fausse bonne idée. Car dès l'instant où on double, on pose une personnalité à un personnage, ce qui souille déjà pas mal la feuille blanche de création de perso, mais j'y reviens plus tard. On aurait pu aussi se douter que ça allait sentir le roussi avec cette roue de dialogue, avec l'accent mis sur le housing plus que sur l'histoire. Mais comme j'étais jeune et con, j'y ait cru jusqu'au bout, à ce Fallout 4. J'avais bien précommandé comme un abruti ma copie du jeu, j'avais attendu devant le téléchargement interminable à cause de ma co de merde pour pouvoir enfin le lancer.


Et bordel, si j'avais su ... Si je pouvais faire comme dans Interstellar, retourner dans le passé et cogner sur ma bibliothèque pour me dire de ne pas jouer à ce jeu, je vendrais ma mère pour le faire. Bon pas ma mère, mais peut-être ma petite soeur qui me casse les couilles. Pas autant que Fallout 4 finalement. Parce que passé la création de perso devant le miroir de la salle de bain (assez bien foutu au passage, mais bon si ça faisait le jeu ...) le jeu part vite en couille. Déjà vous vous rendez compte que votre perso a une personnalité fixe qui ne variera qu'à très peu d'occasion. Vous pourrez au mieux jouer un mec gentil, au pire jouer un mec gentil un peu grognon, mais jamais une véritable raclure. De façon générale, tout le jeu est très aseptisé comparé à la licence. Sans parler de prostituer sa femme comme dans Fallout 2 ou de faire péter les enfants à la dynamites, tout le monde il est gentil, tout le monde il est content. A un moment on vous propose de tuer l'animateur radio (insupportable) ... Puis on vous dit dans le foulée que c'est une blague, lol mdrrrrr xD trolol ! Même l'humour, même les insultes manquent de punch. Le sarcasme (devenu un meme tellement c'est grossier) amène une fois sur 20 à une phrase rigolote, le reste du temps à une phrase pondue par un scénariste à qui on a dit "tu as 30 minutes pour trouver toutes les phrases de sarcasme sinon on tue ta famille et on leur chie dans le cou". Bref, l'esprit Fallout n'a pas survécu à Bethesda visiblement.


Mais revenons à notre joyeux luron sorti de sa salle de bain qui aime vraiment beaucoup sa famille. On passe la création de perso qui a été simplifiée à un arbre S.P.E.C.I.A.L (ce qui aurait pu être une bonne idée si ça avait pas été fait par des putains de branleurs) en occultant les Traits, les Compétences et tout le tsoin-tsoin, puis on se dirige vers l'Abri 111 avec un balais dans le cul (on pardonne, un Fallout doit être moche par tradition) et on se sauve in extremis de la bombe atomique qui tombe sur Boston. Mais plot twist : Vault Tec y'en a que ce sont des enculés, y'en a qu'ils nous congèlent avec notre femme et y'en a qu'on fait une grosse sieste pendant quelques décennies. Et là, le drame : trois inconnus vraiment très méchants nous décongèlent avec notre femme, vole notre fiston et colle un pruneau entre les deux yeux de notre femme, puis nous recongèle. On refait la sieste pendant un temps indéterminé, puis on est dégelé sans explication pour le moment. On traîne son cul hors de l'abri et on découvre le monde 200 ans après l'apocalypse dans lequel on commence à gambader gaiement au milieu des arbres morts à la recherche de son fiston. Et 1) sans se demander combien de temps on a dormi et 2) sans être plus choqué outre mesure.


On croise très vite la route de notre robot domestique dont la seule utilité sera de nous confirmer ce que l'on pouvait savoir : le système de dialogue est à chier, la roue est en soit juste une interface moderne et la limitation à seulement 4 possibilité aurait pu être suffisante, encore faudrait-il qu'on ait réellement 4 possibilités de dialogues, et non pas dans 99% des cas "oui", "peut-être (oui)", "non (peut-être (oui))" ou "sarcastique (oui)". N'attendez rien de ce jeu à ce niveau-là, dans les anciens Fallout vous pouviez régler des situations ou vous mettre à dos une communauté juste par le dialogue, Fallout 4 vous épargne cette peine : si vous parlez, vous n'avez pas de problème, si il y a un problème, vous devrez sortir les flingues.


Ce qui va permettre de parler un petit peu du système de combat, lui aussi en demie-teinte : créé en partenariat avec ID Software, le système prend une allure de FPS assez old-school qui est plutôt bienvenue pour retirer la sensation de rigidité imposée par Fallout 3. Cependant, cet effort est contrebalancé par deux soucis : premièrement, l'IA aux fraises, tradition de Bethesda encore une fois, où les ennemis sont cons comme des manches à balais et bougent davantage au hasard plutôt qu'autre chose. Ça on va dire que c'est comme dans Borderlands 2, qui est excellent. Mais l'autre soucis, qui là me casse beaucoup plus les burnes, c'est que le nombre d'ennemi sur la map est absolument ridicule tant il est élevé. En vous battant contre un camp de pillard, vous risquez fortement de vous retrouver pris d'assaut par un autre camp voisin, particulièrement dans Boston. Le moindre déplacement est du coup pénible car vous vous retrouvez à vous battre H24 contre tout et rien. Là encore pour reprendre Borderlands 2, qui pourtant est un shooter bien plus pur, il y avait plus de phase pour souffler entre chaque combat. Et cette surabondance d'ennemi gêne non seulement les combats, mais aussi l'exploration, vu que le moindre lieu est forcément envahi de 30 000 goules/pillards/super mutant/rad-animal local.


Cela dit, l'exploration manque cruellement d'intérêt. C'est dommage car la map est plutôt aguicheuse, mais terriblement sous-exploitée. Le nombre de ville ou de lieu habité pour avoir des quêtes est ridicule, à vrai dire Fallout 3 qui était déjà radin à ce niveau-là en a plus, c'est dire. Plus on se balade sur la map, plus on se rend compte que beaucoup de lieu ont été prévus pour recevoir une quête, et ont été réduits à un easter-egg ou une sous-histoire dans un terminal. Sur le principe j'ai rien contre, mais mettre des histoires dans des terminaux, placé les squelettes dans des positions rigolotes, c'est le truc qu'on fait quand le jeu est fini en général, pas quand la map est plus vide que mes intestins après avoir bouffé à un mauvais resto chinois. Les rares quêtes sont en plus de qualité très discutables, quelques-unes sortent du lot, mais globalement c'est du fedex dans la pur tradition avec une seule résolution possible. Et souvent infinies même, histoire de créer du contenu facile, faudrait pas trop en demander non plus.


En parlant de quêtes infinies, je vais avoir l'occasion de revenir où on en était. Après avoir constaté la nullité du système de dialogue et le système de combat pas trop dégueu en réalité, vous allez vite faire la connaissance de Preston et ses 5 glandus qui forment les Miliciens, en grande difficulté face à une horde de pillards. Et ces Miliciens, c'est une faction parfaite pour moi. Comprenez par-là qu'à travers eux, on va pouvoir aborder tout les autres points où Fallout 4 se viande royalement.


Le premier c'est la fameuse casualisation, reproche récurrent aux jeux de Bethesda depuis Skyrim, voire pour nos ancêtres Gaulois, à Oblivion. Reproche qui n'a pourtant jamais été aussi légitime ici : outre le fait que tout est lissé, voire aseptisé, en terme de dialogue et de narration, le point qui frappe est la volonté maladive du jeu à vouloir toujours récompensé le joueur dans l'immédiat de façon parfois grotesque. Ainsi, au bout de deux heures de jeu, vous choperez votre première armure assistée et vous défoncerez du pillard et du griffemort au minigun. Yup, l'armure ultime et une arme normalement tardive dans le jeu vous sont ici donner immédiatement, sans formation et sans contrainte autre que de faire gaffe à votre réserve d'énergie dans votre réacteur nucléaire, que vous trouverez limite à l'épicerie locale soit dit en passant. Et quand vous avez sauver les Miliciens, hop hop hop, on vous donne fissa le titre de Général ! Pas Sergent, pas Capitaine, pas Colonel, non non, vous êtes LE Général de votre propre faction immédiatement, quand bien même vous avez passé au maximum 2 heures dans le jeu. Cette casualisation se sent aussi dans la fiche de personnage vu que tout est résumé au S.P.E.C.I.A.L, ce qui en soit aurait pu marcher si les compétences avaient encore un réel impact sur le gameplay.


Bon par contre faut pas déconner, vous êtes le chef, Preston se soumet, mais ce sale petit enculé ne se gênera pas pour vous appeler toutes les 30 minutes pour vous appeler à l'aide pour une colonie. Parce que oui, vous avez des colonies dans Fallout 4. Et pour être honnête, c'est une excellente idée sur le papier (j'insiste, sur le papier), autant dans l'esprit de la licence qui mettait l'accent sur la reconstruction de l'humanité que d'un point de vue roleplay. "Bah il est où le problème petit enculé ?" me direz-vous. Et je pense qu'on devrait parler "des" problèmes. Le premier est que cet aspect censé être secondaire devient assez vite envahissant à cause de Preston "Casseur de couille" Garvey qui vous appellera toutes les 30 minutes parce qu'un connard de votre colonie ce sera fait enlever pour la 3è fois de la semaine par le super mutant du coin. Le deuxième est que le système de gestion de la colonie est finalement assez minimaliste, vous devrez faire gaffe à l'eau, la bouffe, l'énergie et à la défendre, et c'est à peu près tout, d'autant que ce n'est pas très dur. Et le troisième, et probablement le pire, c'est que le système de construction est aussi agréable que de se faire mettre des piments de Cayenne dans le cul. La souplesse pour placer les éléments est digne de Stephen Hawking depuis qu'il est mort, le panel d'éléments à construire est aussi large qu'une bite de tardigrade et, parce que Bethesda aime la France, ils ont pensé à ajouter un bug rien que pour nous : le clavier AZERTY est tout bonnement incompatible avec ce mode de construction et vous devrez passer en QWERTY pour en profiter. Ou vous priver d'avancer ou d'aller à gauche. Ah non, juste aller à gauche, ils ont réussi à régler la touche pour avancer. Mais pas la touche gauche. Faudrait pas trop débuguer le jeu non plus. Ah et aussi, votre nombre de construction par colonie est limité, beaucoup trop limité. Abandonnez l'espoir de faire un truc classe, c'est pas faute d'avoir essayé pourtant.


Bref, les combats sont pas si oufs, les dialogues puent, les colonies on s'en fout, la construction ne marche pas, l'exploration n'a aucun intérêt, la map est vide et les quêtes sont un retour en arrière de plusieurs décennies, il reste quoi finalement ? Bon, la map a un peu de gueule, malgré le retard technique, les designers ont fait leur possible. La musique est, quoique un peu "Elderscrolifiée", très très bonne voire excellente. La quête principale est assez surprenante vue que Bethesda a fait l'effort incroyable de nous laisser le choix de la faire avec plusieurs factions, ce qui constitue au final le seul intérêt à refaire le jeu. Bon, les Factions sont au final très discutables vu que seules deux tirent vraiment leur épingle du jeu, et encore. L'Institut nous laisse avec plus de question que de réponse, le Réseau du Rail ne tient pas la route et les Miliciens sont là juste pour émuler la voie solitaire de Fallout New Vegas, mais en nous collant une faction entière dans les pattes. On peut aussi mentionner le mode Survie, qui peut sauver les meubles auprès d'un public de niche.


Enfin bref. "Occasion manquée" est le premier qualificatif qui me vient pour Fallout 4. Après "feignant", "mal pensé", et "décevant". Fallout 4 aurait pu et aurait du être la prochaine étape du RPG occidental, au final il se vautre dans le côté putassier du genre, à chercher un public toujours plus large, il essaye de faire tellement de chose à la fois qu'au final il n'en fait pas une de vraiment bien. On a donc un melting-pot des genres en vogue sans trop de questionnement sur la pertinence de ces genres. C'est un RPG, mais pas aussi bien écrit ou libre qu'un New Vegas. C'est un jeu d'action sans la nervosité et le côté défoulant de Doom ou Borderlands. C'est un jeu de craft sans les possibilités qu'offre Minecraft. C'est un jeu de survie sans le côté grisant et sans pitié de Rust. C'est un jeu d'exploration sans la majesté et l'intérêt d'un Subnautica. Fallout 4, c'est non seulement un mauvais Fallout, mais c'est surtout un jeu très moyen. Vous pouvez rajouter deux points à ma note si vous ne portez pas plus d'attention à la licence que ça, mais passez votre chemin malgré tout, vous avez bien plus intéressant pour bien moins cher ailleurs.


Ah et petit mot de la fin : certains défauts soulevés dans cette critique sont corrigés par les DLCs. Au nombre de 6. Entre 15 et 25 euros pièce à leur sortie. Parfois pour du contenu qui aurait du être dans le jeu. Ouais en fait, allez vous faire enculer Bethesda.

Legeno
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le 8 août 2019

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