Far Cry 4
6.6
Far Cry 4

Jeu de Ubisoft Montréal, Cliff Martinez et Ubisoft (2014PlayStation 4)

Le mois de novembre est chargé pour Ubisoft. Après Assassin’s Creed Unity, c’est au tour d’une autre franchise d’être incrémentée d’un nouvel épisode. Far Cry quitte les îles paradisiaques des Rakyats pour le quasi anagrammatique Kyrat. A l’arc ou au lance-flamme, contre tigres et soldats, entre falaises et tyroliennes, un monde immense nous attend.



  1. Après un deuxième opus à la jouabilité plus que discutable, Far Cry 3 met tout le monde d’accord avec son univers immense, son ton définitivement barré et surtout, un antagoniste qui fait le buzz : Vaas. Le tout au milieu des îles du Pacifique. Difficile alors de ne pas succomber à l’appel tribal. Far Cry 4 prend du relief dans le Kyrat, région fictive du Népal en proie aux luttes intestines entre tyrannie et rébellion.


Fort d’une expérience aussi vidéoludique que cinématographique, Ubisoft laisse passer l’orage de la première line-up de sortie next-gen. Un an supplémentaire depuis la sortie conjointe des PS4 et Xbox One pour peaufiner Far Cry 4, dans le moteur de jeu autant que du côté narratif. Un lifting nécessaire qui tiraille l’éditeur entre la tentation de réinventer la roue en atténuant son crénelage, et la promotion d’un environnement riche aux possibilités prometteuses.



AJAY CRIAIT, POUR QU’ELLE REVIENNE



A peine le jeu lancé que déjà, les routes de montagne servent de berceau à une histoire presque simpliste. Ajay Ghale, exilé du Kyrat vers les Etats-Unis, est contraint d’y revenir pour ses 20 bougies. Motif ? La mort de sa mère, Ishwari, dont les dernières volontés sont de disperser ses cendres dans sa région natale. Une ligne narrative loin de faire office de fil conducteur. Si on met de côté quelques quêtes annexes à teneur familiale, la grande problématique de Far Cry 4 vient de la rébellion, accessoirement des mythes du Kyrat. Un virage appréciable, puisque le pathos familial est balayé d’un revers de main au profit d’un objectif plus sérieux, plus prenant aussi.


Après avoir échappé de peu à une mort prématurée, Ajay rejoint le « Sentier d’Or », ou l’organisation de la résistance à l’armée royale et aux milices sanguinaires colportant la propagande et la terreur de la dictature en place. Il découvre alors les villages du Kyrat, emplis de vie et fourmillant de détails. Une franche réussite qui humanise la population locale en même temps qu’elle renforce l’implication du joueur dans la lutte contre les répressions. D’autant plus que la libération n’est pas unilatérale : Ajay peut opter pour la progressiste Amita ou le traditionaliste Sabal pour éliminer les sbires et leur courroux.


Qui dit Far Cry dit forcément grand antagoniste. On ne vous cache rien, ce n’est pas sans appréhension que l’on découvre Pagan Min. Une réserve due en grande partie au charisme exceptionnel de Vaas, l’ancien tenant du titre du « bad guy » salaud. Pourtant, il ne faudra que quelques lignes de dialogue et une introduction pétaradante pour être convaincu. Oui, Pagan est bien à la hauteur de son illustre prédécesseur, entre vannes empreintes de culture pop et folie-furieuse fanatique. L’occasion de constater que la version française du jeu est d’excellente facture (ô rareté, et pas que dans les jeux vidéo), tant dans l’implication des doubleurs que dans un vrai travail d’écriture et de réadaptation des dialogues.


Embarqué dans une région immense, le joueur peut faire confiance à la quête principale pour libérer pas à pas, mercenaire par mercenaire et adjuvant par adjuvant le Kyrat, jusqu’à l’ultime confrontation avec Pagan Min. Une histoire prenante malheureusement amputée de son principal antagoniste, ne faisant que de très rares apparences au profit de ses lieutenants, non dénués de charisme mais dont on se débarrasse à chaque fois plutôt rapidement. Encore une fois, les individualités s’effacent devant des problématiques plus larges, plus sociétales. Un parti pris intéressant, mais un peu décevant, puisque le joueur a l’impression de ne gratter que la surface de personnages aux forts potentiels.



FAR CRY 3.5



Lors de la Paris Games Week, Hype Soul avait posé à Damien Jamet, responsable France du jeu, la question du risque d’une réédite next-gen un peu plate. Force est de constater que Far Cry 4 ressemble énormément à son aîné. Sans en être exactement le jumeau, la comparaison reste forte. Déjà, tous les éléments narratifs précédemment cités semblent presque calqués sur le troisième opus, jusqu’à la jouabilité des missions – bonjour, la destruction de champs de pavot au lance-flamme… Seules réels éclats de neuve lumière, les passages dans les cimes neigeuses en semi-ouvert sont presque les seuls moments où l’on foulera la blanche, la naturelle, celle qu’on ne sniffe pas. Des infiltrations réussies comme autant de sursauts de gameplay, forçant la concentration pour la réussite.


Pour le reste, tout y est. Chasse, tour radio, avant-postes et 4×4 ennemis rutilants sur les routes, le tout ponctué de quêtes annexes permettant de remporter expérience et argent, le gameplay n’a pas bougé d’un iota. Il ravira ceux qui découvrent le jeu autant que ceux qui ont déjà éprouvé les précédents opus, cherchant là un nouvel environnement dans lequel ramper, mitrailler ou détoner. La répétition de celui-ci est largement atténuée par une I.A au top, réagissant parfaitement aux déplacements et attitudes du joueur, par les lumières parfaites et par un rendu magnifique, fluide (sans atteindre toutefois les 60 FPS), à la profondeur de champ époustouflante. Le son a encore fait l’objet d’un soin tout à fait particulier, et même si la bande originale n’est pas inoubliable, l’ambiance au casque est extraordinaire, notamment dans les véhicules ou en phase aérienne.


Côté armes, les puristes opteront pour le traditionnel combo arc / flèches, toutefois sans réelle valeur ajoutée depuis Far Cry 3. Pour les feignants ou les amoureux de la douille fumée, chacun trouvera chaussure à son pied entre mitraillettes, fusils d’assauts et snipers, très rapidement accessibles à travers un portefeuille qui se garnit très facilement. Peut être un peu trop. Dans le même ordre d’idée, les points de compétence montent très vite et, pour peu que le joueur prenne la peine de s’investir un minimum dans les quêtes annexes, l’arbre de compétence tient plus du remplissage que du réel choix tactique. Pas punitif, puisque chacune des améliorations est relativement subtile, mais on aurait aimé que le choix ait plus d’impact sur le style de jeu.



SUIT UP, WINGMAN



Kyrat se révèle à la fois diversifié et cohérent dans sa modélisation. La région fictive s’inspire du grand horizon himalayen, ses monts immenses et surplombants. Parfois, certains de ses lieux reproduisent fidèlement quelques symboles, comme l’aéroport calqué sur celui existant de Lukla au Népal. Le défi de la verticalité du level design extérieur est parfaitement maîtrisé par Ubisoft, grâce à un système ni trop punitif, ni trop aisé. Le grappin permet, par endroits, certains passages de rappel assez intéressants lorsqu’ils s’enchaînent. Toujours dans la veine FPS par Far Cry, les phases de « plateforme », en tout cas d’exploration sont prenantes, surtout lorsqu’elles sont soulignées par un ensemble d’animations convaincantes, notamment celles d’Ajay à la première personne. Se remettre un doigt en place après une chute brutale, une expérience douloureuse mais jouissive parmi tant d’autres.


Concernant les véhicules, au sol, peu d’options sont disponibles et la maniabilité des 4 roues laissent parfois à désirer dans les situations d’urgence. Pour remédier à cela, le joueur a la possibilité d’appuyer sur le joystick gauche pour activer la conduite automatique. Il peut donc se concentrer sur la visée, là où seule la vitesse est encore gérée manuellement. Pour le reste, il faut faire confiance au GPS embarqué qui suit automatiquement la route. Un brin d’assistanat qui sert des situations prenantes, presque cinématographiques, forcément plaisantes. Sans compter l’attaque de camps à dos d’éléphant, à faire au moins une fois, même pour les plus réticents. L’action ne va pas plus loin que l’intitulé, mais bon dieu, comme c’est fun.


Pour couvrir de longues distances sans se fatiguer à glisser sur le cul le long des falaises, le deltaplane est de retour. Mais d’autres moyens permettent désormais à Ajay d’aller toucher d’un peu plus près les aigles royaux. Parmi elles, le wing suit, surtout efficace dans les phases du scénario qui le demandent spécifiquement, mais assez fun pour le délire de sauter de n’importe quel sommet sans craindre de manger très fort le sol en retour. Pour ceux qui aiment également avoir la possibilité de gagner an altitude, des petits hélicoptères de fortune sont disponibles et assez maniables. Ne vous attendez pas cependant à un Apache, puisqu’il faudra conduire d’une main pour tirer en simultané.



ON FAIT DEUX TIERS, UN TIERS ?



Next-gen oblige, la coopération est débloquée au bout de quelques missions et permet de s’attaquer aux gros objectifs sur deux angles différents. Comme toujours, le niveau de collaboration avec votre alter ego d’un soir est proportionnel à la réussite et au plaisir partagé. Enfin, partagé étant un bien grand mot, puisque seul le créateur de la partie bénéficie du déverrouillage des objectifs lorsque ceux-ci sont réussis. De quoi décourager la sociabilité et préférer avancer tranquillement en solitaire.


Un mode multijoueur est également présent, se résumant grossièrement à une confrontation entre balles et flèches, entre brutalité et discrétion. Une bataille qui semble déséquilibrée d’avance, qui l’est manette en mains, mais pas forcément dans le camp auquel on croit. Un peu trop invisibles, les tribaux Rakshaka sont létaux contre les rebelles du Sentier d’Or. A moins d’être parfaitement concentrés, ou d’avoir la chance d’un mauvais adversaire. Le tout est jouable dans trois différents modes, à savoir les équivalents de match à mort, domination et capture du drapeau.



UN PROBLÈME DE RICHE



Même avec l’apport de l’éditeur de cartes, relativement complet et modérément aisé à prendre en main, le multijoueur est clairement présent pour être présent, sans plus. Le mode solo suffit amplement à prendre son pied dans Far Cry 4, grâce à un gameplay varié, immense et majestueux, et à une narration maîtrisée. Même ralenti par la discrétion d’un Pagan Min qui avait tout à gagner à être mis dans la lumière grâce à un charisme exemplaire et une VF enfin à son niveau, on se complaît à suivre Ajay à pied, en quad, en éléphant, au sol ou dans les airs, accroupi ou au Banshee.


Oui, Far Cry 4 s’inspire très largement de son grand frère. Est-ce pour autant un mal ? Tous n’ont pas eu la chance d’y jouer, encore moins avec autant de qualités graphiques sur console de salon. Se plaindre de l’héritage de Far Cry 3 est un sacré problème de riche. L’environnement de Kyrat fournit quant à lui le pendant de variété et de diversité d’un gameplay certes redondant du troisième opus, mais qui a du coup fait ses preuves. Assurément une valeur sûre de la next-gen, Far Cry 4 en est sûrement son plus beau représentant.


À lire sur hypesoul.com

Hype_Soul
8
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Créée

le 17 nov. 2015

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Hype_Soul

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