Far Cry Primal
6.3
Far Cry Primal

Jeu de Ubisoft Montréal et Ubisoft (2016PlayStation 4)

Voici venue la nouvelle itération de la série vidéoludique Far Cry, avec son nouvel environnement pour terrain de jeu et sa nouvelle époque, le tout promettant une aventure incomparable et un dépaysement garanti... Après avoir vu les trailers savamment mis en scène, il n’a pas fallu longtemps pour rêver d’un périple qui réunirait combats rugueux se réglant à la patate de forain, chasse au mammouth et utilisation à son avantage d’une nature hostile.


Comme souvent, Ubisoft m’a fait aimer son jeu avant même de l’avoir entre les mains.


Alors je me désape, j’enfile mon pagne de circonstance, j’attrape la manette et pousse un hurlement bestial. Car le moment est venu d’éprouver les promesses. Il est grand temps de se plonger au cœur des forêts primaires pour montrer à l’homme de Cro-Magnon anthropophage que l’heure est à la civilisation et que manger son prochain lui coûtera de finir en steak tartare pour mon tigre à dents de sabre.


Les jeux de la saga Far Cry n’ont jamais brillé par leur histoire et cet épisode non canonique ne fait pas exception. Tout a déjà été résumé. Le joueur incarne un de nos ancêtres, en – 10 000 avant JC, qui a hérité de la lourde tâche de réunir les membres perdus de sa tribu, de les installer sur un nouveau territoire, Oros, et d’en profiter pour saigner les membres d’autres tribus, moins regardantes sur la provenance des tourne-dos dans leurs assiettes. La narration se résume à son plus simple mécanisme : certains membres de votre tribu, plus importants que d’autres, vous confient des quêtes. Au final, le jeu ne vous raconte rien de très captivant et les quêtes sont juste des prétextes pour aller explorer toujours plus loin les terres d’Oros.


S’agissant du dépaysement promis, le jeu est une franche réussite. Autant du point de vue sonore que visuel, le soin apporté par les développeurs force l’admiration. Une langue originale a d’ailleurs été créée. Les environnements sont sublimes et certains effets de lumière imposent le respect, comme l’éclairage bleuté de la lune au cœur de la nuit ou le rayon de soleil qui perce entre deux montagnes pour illuminer la vallée donnant à l’air une teinte jaune orangée. Rien à dire, c’est réussi. L’immersion est immédiate.


Le jeu s’avère d’ailleurs très solide techniquement et très peu d’effet de popping n’est à signaler. Les temps de chargement, véritables plaies des jeux en monde ouvert, sont remarquablement courts. Cette remarque vaut pour le chargement initial du jeu, ceux suivant les occasionnels décès ou encore accompagnant les déplacements rapides. Il s’agit probablement des temps de chargement les plus courts que j’ai eu à subir sur cette console, s’agissant de ce genre de jeu.


Par contre, le tableau n’est pas parfait et Ubisoft Montréal se ramasse complètement sur le contenu du jeu.


Alors que l’exploration était agréable les premières heures, avec le retour d’automatismes acquis sur les précédents jeux de la série, cet épisode devient très vite lassant. Impossible de le nier, le plat qui nous est servi sent très vite le réchauffé et l’envie de poursuivre l’aventure finit par s’envoler lorsque les quêtes se répètent à l’infini, sur la base de quelques variantes, et que le jeu ne nous oppose qu’une difficulté relative.


Très rapidement, votre avatar va pouvoir apprivoiser des animaux, allant du loup au léopard en passant par le tigre à dents de sabre ou l’ours des cavernes. Cette feature aurait dû pousser les développeurs à proposer des techniques d’apprivoisement singulières d’une espèce à l’autre. Mais ils ont trouvé moins fatiguant d’opter pour une technique unique : lancer un appât et charmer l’animal en maintenant une touche appuyée pendant qu’il s’en repaît. Voilà, c’est plus long de le dire que de le faire et c’est particulièrement peu inspiré.


Inutile de chercher de réelles variantes de gameplay selon l’animal invoqué, ça se termine toujours de la même manière : votre féroce compagnon à fourrure, véritable engin de guerre, prendra l’ascendant et dégommera tout ennemi sur votre route. C’est à un véritable génocide qu’il se livrera pendant que vous essayerez de régler leur compte à un ou deux malotrus. Pendant que vous ferez bouffer des pivoines à deux gardes, votre animal décimera un camp entier. Il n’y a pas vraiment de challenge dans ce jeu. Et l’expérience s’accumule tellement vite que les aptitudes du héros se développeront à vitesse grand V, de sorte que vous ne craindrez pas grand-chose, redoutable Rambo néandertalien de votre état, même en l’absence du fauve.


On est d’ailleurs vite tenter de renvoyer l’animal pour être un peu plus maître de l’aventure, mais alors pointe le gros défaut du jeu, celui qui rend souvent l’expérience pénible : le trop plein d’événements aléatoires, de contenus inutiles, d’animaux et d’ennemis hostiles. C’en est gonflant et l’on peste rapidement contre ces membres de notre tribu qui ne peuvent pas s’empêcher de se faire prendre en otage tous les dix mètres, de ces aigles et loups qui viennent gâcher une chasse furtive entamée depuis quelques minutes, de ces ennemis qui patrouillent de manière peu naturelle partout etc... Il y a plus d’activités dans cette forêt primaire que le dernier week-end précédent Noël dans un magasin Fnac. Ubisoft n’a pas pu s’empêcher de garnir son terrain de jeu de contenu random. Une telle abondance orgiaque d’événements finit par salir le monde créé et rendre pénible tout déplacement puisque l’on se trouve inévitablement détourné de son objectif initial. Pas d’autre choix que d’invoquer son animal pour effrayer les animaux et croquer les relous un peu trop curieux.


À noter également un souci technique bloquant : des bugs empêchaient durant ma partie toute analyse des peintures rupestres ; la touche le permettant ne s’affichait tout simplement pas.
De même, l’intelligence artificielle des PNJ et animaux frise souvent le ridicule. Mention spéciale pour les jaguars qui, effrayés par notre fauve, nous fuient pour revenir hurler à quelques mètres et repartir de nouveau, le tout en boucle jusqu’à ce qu’on les trucide pour gagner en tranquillité...


Les longues heures de chasse et de survie rêvées s’évanouissent rapidement. Les combats manquent de punch et un tremblement d’écran ne suffit pas à rendre compte de la puissance d’un coup de gourdin. Tout cela est bien mou d’autant que les combats se règlent souvent à distance. Rien à faire, tout cela est trop propre et manque de rugosité. C’est d’autant plus dommage que le jeu n’hésite pas à verser dans le sanguinolent et réaliste.


S’il est possible de moduler la difficulté dans les options, il est désolant de constater qu’une nouvelle fois, le jeu a été pensé pour être terminé par le moins doué des joueurs.


Au final, Ubisoft Montréal a mal équilibré son jeu. S’il est quasiment irréprochable sur la forme, il pêche partout ailleurs. Avec ses features facilitant trop l’expérience, une surabondance de vie et d’activités faisant passer Oros pour un zoo où toutes les cages se seraient ouvertes simultanément, des combats manquant de tonus, des quêtes terriblement redondantes et des milliards de collectibles inutiles à récupérer, le joueur perd patience et subit l’expérience.


Si le jeu est truffé de qualités, le voyage qu’il propose reste peu captivant. Ubisoft avait l’occasion de proposer un vrai jeu de survie en territoire inexploré mais a rendu à la place une copie carbone des open world qu’il nous sert depuis presque une décennie, avec ce que ça implique d’ennui et de perte de temps.


Peut-être Wild, développé par le nouveau studio de Michel Ancel et ayant probablement inspiré Ubisoft, réussira là où Far Cry Primal a échoué.

Flibustier_Grivois
5

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Terminés (ou abandonnés) en 2016

Créée

le 24 mars 2016

Critique lue 2.7K fois

14 j'aime

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