Grimper une montagne.


Avec une masse.


Avec un Monsieur Propre, cul-de-jatte, dans un chaudron.


Dès le premier visuel, on sent que le jeu de Bennett Foddy est fait pour faire parler de lui, pour attirer le chaland parmi la pléthore de stream sur Twitch. Et c’est sûrement ce que beaucoup retiendront : un jeu de merde, impossible à contrôler, avec une difficulté terriblement punitive.


L’histoire pourrait s’arrêter là. Un kusoge de plus, comme on dit ici.


Alors laissez-moi vous raconter une histoire.
Quand j’étais gamin, tous les samedis, mon paternel m’emmenait à la piscine. Pourquoi là et pas ailleurs, je ne sais pas vraiment, mes parents avaient peut-être une peur phobique de la noyade, qui sait. En tout cas c’était notre petit rituel, 1 à 2h de trempette pour moi, un peu de repos pour lui. Et ce qui me plaisait le plus, c’est qu’on allait prendre une boisson au bar de la piscine après coup, et pour moi l’occasion de doser la borne d’arcade qui était là.


Cette borne, c’était Ghouls n’Ghosts, et je n’avais droit qu’à 40F (belges), soit 2 crédits à chaque semaine.


Pour les plus vieux qui voient déjà où je veux en venir, sachez que le jeu est atrocement dur. Que la grande majorité des gens peuvent à peine passer le tiers du premier niveau. Les sauts sont d’une rigidité et d’une exigence qui caractérise si bien les 80’s, et évidemment comme toutes les bornes, tout est fait pour vous inciter à dépenser encore et encore.


Seulement avec mes deux pièces par semaine, il a bien fallu que je m’accroche, et meure, encore et encore.


Je pense que cette expérience a façonné mon parcours de joueur plus que je ne le pense. D’un côté il y avait cette borne qui me narguait de la finir, mais en même temps, ce challenge complètement dingo. Une envie de se prouver à soi, aux autres, qu’on est capable, qu’on a le “skill”.


Je n’ai jamais terminé Ghouls n’Ghosts sur cette borne. Ni même plus tard, sur GBA (je blâme les ralentissements, évidemment). Pour les plus curieux, le jeu est dispo sur SNES Mini :D


Mais revenons à Getting Over It.


Ce jeu m’a fait la même impression. Ce besoin d’exigence dans les contrôles, de sang froid de tous les instants, d’apprentissage complet de la map, et évidemment de retour fatidique à la case départ en cas d’erreur. De nature rageur, je pensais même que ce jeu allait me rendre dingue.


Au contraire, j’y ai trouvé un exercice de patience et d’habileté très relaxant. Un jeu où vraiment prendre son temps paie, et où la satisfaction de passer un obstacle prend tout son sens. Comme les retours au départ sont nombreux, on mesure très vite ses propres progrès. Ce passage qui nous avait demandé 20 min à atteindre la première fois, atteint et passé en à peine une minute ou deux.


Puis, il y a les commentaires de l’auteur. A la façon de Beginner’s Guide, l’auteur du jeu se permet d’ajouter sa pincée de sel et de vous présenter son jeu à travers des commentaires audio, très pertinent sur une certaine approche du game design. Il va également prendre un malin plaisir à vous rappeler que vous venez de perdre beaucoup de progression, à vous balancer de la musique trollesque au possible.


J’ai cru comprendre que beaucoup de streamers ont coupé ces commentaires. Et c’est là qu’on passe à côté de ce que le jeu veut vraiment vous offrir.


Car alors qu’au début du jeu, Bennett vous invite à ne plus jouer, à abandonner, plus vous avancez, plus son ton change. Il commence par vous expliquer pourquoi il a fait ce jeu, ce qui l’intéresse dans les jeux. Comme vous risquez de repasser aux mêmes endroits, les commentaires se font de plus en plus rares, et le silence s’impose.


Puis, une fois un certain point passé, le fameux “orange hell”, Bennett change de ton. Tout à coup, il semble heureux de vous voir arriver si loin, jusqu’à vous remercier une fois proche de l’arrivée.


Getting Over It est évidemment une allégorie à lui tout seul. Et une de ses citations résume à elle-seule tout le principe du jeu :



"Failure is not the falling down, but the staying down."
(Échouer, ce n'est pas le fait de tomber, mais de rester à terre)
-Mary Pickford



Dans le fond, oui, on se rapproche de ce que fait la série des Souls par son exigence. Mais là où un Souls vous proposera tout un méta-game, une mythologie dense et une variation dans l’approche du jeu selon votre build, dans la forme, Getting Over It est vraiment une expérience plus proche du prototype.


Il vaut cependant le détour pour les plus masochistes d’entre vous, pour le plaisir de faire partie de ces braves alpinistes du marteau, mais aussi pour les fou-rires lorsque vous passerez la souris à vos amis ou vos proches.

DilonInJapan
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le 5 févr. 2018

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