Quand on nous vante une narration qui se base pour la n-ième fois sur l'exploration du joueur dans un environnement à découvrir et à décortiquer nous même ("Bioshock style"), il y a intérêt à ce qu'elle soit cohérente et intrigante. Pari réussi avec Gone Home ? Pour la cohérence, on repassera. Pour le reste, y a du bon.

Commençons direct avec les éléments centraux du jeu : la narration et l'histoire. Le contexte de base est le suivant : après des années à vous balader dans les quatre recoins du monde et à envoyer des cartes postales toutes aussi inintéressantes les unes que les autres, vous voilà de retour au bercail retrouver vos parents (et votre petite sœur accessoirement). Pas de bol : personne n'est là à votre arrivée, aucun mot d'explication à part une lettre de votre sœur sur la porte d'entrée. Débrouille-toi. Ah oui : vous ai je dit que durant votre absence, vos parents ont déménagé dans une nouvelle maison, en l'occurrence un manoir ? Raison de plus pour en profiter pour explorer/découvrir le terrain, tout en cherchant un quelconque mot des nouveaux maîtres de la résidence.

Comme je l'ai dit au départ, la narration reprend le même principe que certains jeux comme Bioshock : une narration que le joueur se fait lui-même, à partir d'éléments qu'il découvre dans le décors et qui sont des reliques du passé : notes, enregistrements audio, ou objets du quotidien. Coup de bol pour moi, il s'agit de la forme de progression et de narration qui me tient le plus à cœur, donc évidemment la structure de Gone Home me parle. Une histoire qui se concentre sur ce qui s'est passé, que l'on découvre soi-même à son rythme. Des détails qu'on découvre ou non à loisir selon son implication dans l'exploration. Il suffit donc que l'histoire en soi soit un minimum intéressante pour mériter un minimum d'implication. Et c'est le cas.

Une histoire somme toute assez simple et intime, se concentrant sur votre petite sœur, dont vous découvrirez ses souvenirs, ses moments de joie et de peine, ses amitiés et ses relations avec ses parents. Nous n'avons pas là une intrigue extrêmement profonde et complexe, mais quelque chose qui peut se rapprocher du quotidien, de facile à comprendre et à ressentir, jusqu'à parfois s'identifier (mais pas trop, sauf si vous avez une petite sœur...ce qui n'est pas le cas pour moi). Qu'importe l'intrigue principale, l'intérêt de l'histoire réside dans l'émotion (décidément, j'emploie trop souvent ce terme cette année) infusée dans les témoignages que vous lirez, ou dans les divers objets que vous découvrirez. Ah oui, contrairement à ce que l'ambiance pourrait présager (solitude, orage, manoir... tout y est), il ne s'agit pas d'un jeu d'horreur. Donc ne vous attendez pas à croiser un cadavre derrière chaque porte. Cependant, où peut bien se trouver votre famille ? Mystère. Donc rien que pour ça, Gone Home est une expérience qui mérite au moins un coup d'œil.

Place à l'élément qui fâche : non pas la narration en soi, mais les mécanismes de gameplay qui l'accompagne. Maintenant que je vous ai posé les bases de l'histoire, mettons nous d'accord : en tant qu'être doué de raison et de bon sens, un des premiers réflexes en arrivant dans cette maison serait de fouiller chaque pièce, d'ouvrir chaque tiroir, chaque document de quelconque, même dans les endroits les plus intimes dans gens comme les bureaux ou les coffres. Non ? Non.

Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, mon premier réflexe serait de crier pour savoir si quelqu'un est là. Ensuite, de voir si je n'ai pas loupé un mémo SUR une table (et non pas dans un tiroir, ce qui ne serait pas malin du tout). Dans le cas de Gone Home, dès le départ, je me suis pris cette incohérence de plein fouet. Difficile de s'identifier, de s'immerger dans la peau du protagoniste si la première action que l'on fait est de jouer les fouineurs/cambrioleurs à farfouiller chaque recoin de chaque pièce. Ce besoin insatiable d'ouvrir chaque tiroir, de laisser toutes les portes et les lumières ouvertes, à la recherche du moindre indice. Car on ne sait jamais. Si ça se trouve, le mémo qui nous est adressé pourrait être planqué dans l'armoire privée et verrouillée dans le bureau de votre père [Mode sarcastique OFF].

Ce mécanisme prend sens dans un univers qui mise sur la survie (comme Bioshock ou The Last Of Us) ou sur une enquête policière, à chercher le moindre indice pouvant être utile à la résolution du mystère. Ici, on a limite un peu l'impression qu'il s'agit d'une manière facile, limite paresseuse pour être méchant, de laisser la narration aux mains du joueur. Heureusement, on peut dire que Gone Home adopte cette dimension "enquête", lorsque l'ont sait que l'intrigue se focalise sur un personnage en particulier et qu'on se retrouve parfois même dans un semblant de jeu de piste. N'empêche, jouer à ce point les fouineurs destructeurs de vie privée me faisait parfois un peu sortir du délire.

Maintenant, à vous de voir si vous pouvez surmonter cette incohérence. Personnellement, j'adore ce type de narration, donc même après avoir tiqué là dessus, ça ne m'a pas empêché de me plonger dans l'histoire. Peut être pas à 19€ (ou moins cher à 20$ sur leur site : http://www.gonehomegame.com/. Perso, j'ai profité d'une promo à 10$) pour moins de 2h de jeu, mais si une baisse de prix se présente, cela peut valoir le coût.

(Un article de Merlanfrit s'attarde plus en détail sur les soucis de narration dont peut souffrir Gone Home : http://www.merlanfrit.net/Porte-close)

(j'ai hésité à mettre le nom d'un film français récent en titre, mais je pense que ça spoile un minimum. Saurez-vous le retrouver ?)
TyTanne
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs jeux indépendants de 2013

Créée

le 6 déc. 2013

Modifiée

le 29 déc. 2013

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TyTanne

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