Vous vous souvenez l'arrivée dans le Columbia de Bioshock Infinite. Une longue promenade, où avant d'affronter des ennemis sans relâche, on flânait à la découverte d'une cité perdue dans les nuages. Comme résonnent encore l'ivresse de ces longues chevauchées dans Red Dead Redemption, des promenades piétonnes de Shen Mue ou encore des longues traversées en taxi de GTA, passées à scruter le paysage et ses détails. Autant de moments esquissant la possibilité que ce cadre du jeu n'en soit justement plus un, mais au contraire sa finalité véritable. Et qu'à l'inverse, la mécanique de la victoire et du scoring, jusque là au centre du jeu, ne deviennent plus qu'un ornement laissé à la périphérie d'un lieu et d'une histoire profondément liés.

Dans Gone Home, il n'est question de rien d'autre que de cela. Rien d'autre qu'un espace -une maison-, et une histoire familiale que le joueur reconstitue au fur et à mesure de son exploration. Nous sommes en 1995 et l'on y joue Katie, une jeune femme qui rentre d'un road trip d'un an en Europe. Entre temps, les parents de Katie ont emménagé avec sa soeur Sam dans une nouvelle maison à Portland. Arrivée à cette adresse, personne pour l'accueillir. Seul un message de Sam, placardé à l'entrée de la maison lui implore de ne pas tenter de la retrouver. Pour comprendre ce qui s'est passé, le joueur devra ainsi fouiller les pièces une à une, remuer tiroirs et placards pour découvrir des messages sur un répondeur, des lettres, des notes, des factures, de vieilles dissertations et toute une série d'autres objets du quotidien. D'abord des clins d’œil à une époque passée, leur somme dessine peu à peu les contours d'une famille à laquelle il est impossible de ne pas s'attacher : un père dépressif et raté, une mère qui tente de maintenir la communication dans la cellule familiale, et enfin une adolescente aussi forte que fragile, prête à affirmer son identité.

Avec une justesse et une sobriété remarquable, le jeu de Fullbright Company part ainsi de la maison et ses objets pour toucher le joueur. Il éveille des sentiments et des souvenirs lointains comme proches, et ramène finalement au plus essentiel dans l'histoire et la vie de chacun. Allumer la lumière pour se rassurer, trouver la trace d'un amour passé ou présent au fond d'un tiroir, chercher toutes les cachettes possibles, chacune des actions du joueur met en évidence la maison comme le lieu fondamental de notre rapport à l'espace, de même que Bachelard évoquait dans sa Poétique de l'Espace d'abord la maison, puis les coffres, les tiroirs et les armoires comme ces territoires dont l'imagination s'empare pour faire résonner notre être avec l'univers entier. Un lien vibrant qui fait enfin pénétrer le jeu vidéo dans la sphère de l'intime.
KDD
10
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le 20 sept. 2014

Critique lue 264 fois

Khanh Dao Duc

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