La série Gothic vit une drôle d'histoire, la même que F.E.A.R. il y a quelques années, un conflit entre l'éditeur et le studio de développement a divisé la série. S'ils se sont partagés le concept, les développeurs Piranha Bytes sont partis avec leur savoir-faire mais n'ont pas emporté avec eux le background et son Risen a donc introduit un nouvel univers. En revanche, l'éditeur JoWooD a gardé le background et le nom. Gothic 4 : Arcania est né, et c'est le studio Spellbound qui s'y colle alors qu'il n'a aucune expérience du RPG. Voilà un pari osé !

« Retrouvaille avec le héros anonyme »

Une fois n'est pas coutume, la partie commence avec un héros anonyme, un humble berger qui durant trois épreuves servant de tutorial va obtenir la main de sa chère et tendre Ivy, la fille du chef du village et aussi la chasseuse. Alors que vous êtes ailleurs sur l'île, les paladins de Rhobar III débarquent et rase le village. Ironie du sort, Ivy est devenue le gibier et vous la retrouvez agonisante sur le sol, une flèche dans le corps. Morte dans vos bras, vous décidez de faire de votre vie une vengeance. Cependant, vous ne pouvez pas débarquer dans la cour du château et défier le roi. Vous devez donc partir à la recherche d'un ancien temple dans lequel se trouve une forge magique, il faut la retrouver avant les paladins du roi sinon il sera trop tard. Le scénario se laisse suivre mais manque cruellement d'épaisseur, nous retrouvons bien quelques clins d'œil à Gothic 3, le héros sans nom que nous incarnions jadis est devenu depuis l'infâme Rhobar III, Diego, Gorn, Lester et Milten sont aussi de la partie et ont d'ailleurs décidé de suivre une autre voie que celle de Rhobar III, il faut croire que le massacre d'innocents n'est pas leur truc. À l'exception de ces personnages connus, les autres manquent de charisme et surtout de consistance. Les personnages de la série n'ont jamais été exceptionnel, il faut bien l'avouer mais nous pouvions auparavant choisir un camp, s'y tenir ou les trahir à la dernière minute ou presque. Nous ne nous attachions pas à des personnes mais les valeurs qu'elles représentaient, le bon, le méchant, le cupide... s'il est bien possible de terminer une quête de différentes manières dans Arcania, la décision se prend en toute fin de quête et l'influence ne concerne en définitive que la récompense. Mais ce qui fait tomber la crédibilité des protagonistes à zéro, ce sont les doublages complètement nuls, c'est surjoué, le choix des voix est parfois incohérent et la synchronisation labiale n'est que très rarement respectée.

« L'île d'Argaan est somptueuse »

Partant de cette situation, vous débarquez sur l'île d'Argaan, là où se trouverait le fameux temple. Vous découvrez alors un univers somptueux. Spellbound a été carrément brillant au niveau des décors et va jusqu'à vous laisser deux teintes de couleurs différentes, une teinte très colorée plus heroic fantasy et une teinte plus réaliste avec des couleurs plus sobres. Les effets météorologiques sont réussis et le travail sur les ombres est plutôt bons, il est en revanche dommage qu'ils pleuvent si souvent et la durée réelle d'une journée (1h) est trop courte pour permettre un déplacement des ombres réalistes. Mais ne boudons pas la qualité graphique du soft car le studio fait enfin rêver les joueurs avec des environnements particulièrement travaillé. Comme la découverte de Stewark, la cité aux rues tortueuses surplombant la falaise, l'entrée dans la région de Tooshoo et son arbre gigantesque dans lequel tous les mages, feu, air, eau ont décidé de s'accepter les uns les autres pour faire progresser la connaissance. La traversée de la jungle particulièrement crédible avant de parcourir les montagnes et ses neiges éternelles. Autant de lieux où se multiplie grottes et bourgades. Toutefois, si vous jetez votre dévolu sur une ville à l'horizon, ce n'est pas pour autant qu'elle sera accessible. Le studio a fait le choix de découper l'île en régions et vous les débloquez au fur et à mesure que le scénario avance. The Witcher avait fait la même chose, cependant, The Witcher avait une trame qui faisait la part belle à cette linéarité, ce qui est loin d'être le cas ici. Gothic 4 ne s'embarrasse de rien et se retrouve dans son plus simple appareil, les quêtes annexes sont peu nombreuses mais néanmoins sympathiques, le gameplay est réduit au possible.

« Plus Arcania que Gothic »

Arcania n'a pas conservé grand-chose du RPG, dernier stigmate du genre, son système d'évolution pour le moins minimaliste, à chaque niveau gagné vous disposerez de trois points à répartir sur 8 compétences. L'idée aurait été agréable si le nombre de compétences avaient été plus nombreux et s'il avait donné lieu à davantage de compétences spéciales. En effet, dans Arcania, vous savez dépecer un cerf comme le plus aguerri des chasseurs, vous êtes le plus brillant guerrier à avoir foulé le sol d'Argaan, vous pouvez crocheter les serrures au travers d'un mini-jeu qui ne restera pas dans les mémoires et pourtant... Et pourtant vous n'étiez qu'un simple pêcheur. Si ce tableau de compétences avait conservé ce qui faisait la série Gothic, notamment dans son côté jeu de rôle avec la chasse mais aussi les compétences spéciales qui auraient du naturellement faire l'objet de ce tableau comme le crochetage, il aurait pris alors une autre ampleur. L'idée n'est pas mauvaise mais est trop survolée pour convenir aux joueurs de Gothic. Cela dit, en fin de parcours, vous n'aurez plus ou moins rempli qu'à moitié votre tableau et il faut donc bien choisir son orientation.


Si votre cœur commence déjà à s'arrêter après lecture de cette première partie du test, je vous invite à aller acheter une corde, elle vous sera utile car Spellbound a été encore plus loin dans la simplification. Vous pourrez très bien vous mettre autour d'un feu ou d'un chaudron, à une table d'alchimie ou à la forge, mais c'est inutile, ces possibilités qui sont mêmes désactivées par défaut dans les paramètres ne servent à rien. Notre héros est en effet un alchimiste chevronné capable de faire des potions au beau milieu de la jungle, mieux encore, il peut fabriquer une arme dans les ténèbres d'une grotte sans sourciller. Si notre personnage a toujours besoin d'apprendre cet artisanat au travers de recettes et de livres, si nous pouvons imaginer la fabrication de flèches et pourquoi pas, quelques potions rudimentaires sans avoir d'établi, pour le reste, nous avons du mal à y croire. Lorsque vous reposerez vos guibolles en vous allongeant sur une paillasse et que vous découvrirez qu'il n'est pas possible de dormir ni même d'accélérer le temps, par exemple pour traverser une jungle de jour plutôt que de nuit. Alors vous aurez compris qu'Arcania n'a récupéré de Gothic que le nom.

Et au bout du bout de cette macabre découverte, une IA perfectible qui sait esquiver les coups mais pas plus. Robuste dans le mode le plus difficile mais incapable de vous étaler tant vous avez accumulé les potions durant votre périple. Le bestiaire n'a rien à envier à celui de Risen mais la régionalisation des lieux fait qu'à chaque lieu, il n'y a que deux ou trois mobs typiques et basta. Le studio a aussi passé beaucoup de temps à s'approprier le jeu, il a par exemple refait physiquement tous les animaux connus et leur a apporté quelques nouvelles caractéristiques, un rampant est désormais capable de s'enfoncer dans le sol et ressortir dans votre dos. Si l'IA avait été convenable, en groupe, les rampants nous auraient encerclés, mais avec des « si » nous refaisons le monde. Ils ont aussi eux de l'imagination, une simple tortue de mer peut être en fait une Fauge capable de se mettre sur ses deux pattes arrières et combattre au corps à corps avec ses deux pattes avant. Elle n'est pas suffisamment résistante malgré sa carapace de tortue mais l'idée était bien vue. Elle est encore mieux vue lorsque nous faisons un tour dans les paramètres du soft car vous pourrez faire disparaître de nombreux éléments du HUD, des marqueurs de quêtes jusqu'à la mini-carte en passant par la santé et le nom des mobs. C'est tout de même plus sympa de découvrir qu'il ne s'agit pas d'une simple tortue mais d'une bête féroce seulement quand nous nous en approchons, ou d'écouter les indications que les PNJ nous donne pour trouver un lieu inconnu plutôt que suivre le point lumineux sur la carte.

« Arcania est un simple jeu d'aventure »

Spellbound le sait, on ne s'improvise pas spécialiste du RPG du jour au lendemain et préfère sacrifier Gothic 4 sur l'autel de la simplicité. L'histoire est un éternel recommencement, les joueurs se sont scandalisés lors des remaniements de F.E.A.R., les joueurs se scandaliseront pour le remaniement de Gothic. Rappelons-nous bien pourtant, que dans les deux cas, il ne s'agit que d'un nom. L'équipe derrière Gothic est désormais derrière Risen. C'est finalement le choix de JoWood en prenant Spellbound qui n'est pas nécessairement judicieux, il convient cependant de nuancer cela, le studio a fait preuve de beaucoup d'imagination aussi bien dans le level design que dans les mobs. C'est en somme un bon jeu d'aventure et il manque seulement le côté RP qui a fait Gothic ce qu'il est, pour qu'Arcania soit un bon jeu de rôle. Difficile en connaissance de cause de brimer le studio qui a tenté au mieux de s'approprier cette série, les efforts sont visibles, aucun bug dans les quêtes et graphiquement, seul le coutumier clipping se fait sentir.

Enfin, qu'on se le dise, la série Gothic n'est pas morte, elle brille par Risen. Elle pourra à nouveau briller avec Spellbound s'ils comprennent, grâce aux jugements des joueurs pour Arcania, comment améliorer les choses et pourquoi pas, distiller comme ils l'ont fait, leur vision du genre avec des lieux emplis de caractère. En attendant, Arcania : Gothic 4 ne pourra jamais satisfaire un joueur de Gothic, du moins s'il prend le jeu comme l'héritier de la série, en revanche, si vous êtes capable d'imaginer Arcania comme un simple jeu d'aventure, alors sa vingtaine d'heures pour le boucler en fera un bon divertissement. Difficile de noter, en héritier, il ne vaut pas la moyenne, en jeu d'aventure, il pourrait titiller un 6. Voyons un mix des deux notes comme un ultime espoir des joueurs.
pathfinding
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le 2 déc. 2010

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pathfinding

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