Ma note ne rend pas vraiment honneur au jeu, mais mettre plus ne rendrait pas honneur à mon ressenti, ressenti que cette critique a pour but d’expliquer. Pour rappel, ressenti signifie subjectivité, néanmoins cette subjectivité sera appuyée par de nombreux éléments se voulant objectifs.

Un peu comme The Last of Us, j’ai acheté GTA5 pour ce que la presse mondiale m’en a vendu à sa sortie. Bien sûr, je l’attendais et je voulais y jouer, mais de là à l’acheter day one il restait un gouffre à franchir, et je l’ai finalement fait.

Mes premières heures sur le jeu furent réellement jouissives. La claque technique est violente, et j’ai passé autant de temps à m’émerveiller devant la profondeur de champ (sensationnelle pour un hardware aussi vieux) qu’à m’éclater avec la physique du jeu. L’histoire démarre classiquement mais bien, les personnages sont très bien écrits et les transitions entre eux royalement bien faites. Bref, le jeu devient vite chronophage, et la découverte de la map est réellement prenante.

Seulement, passé ces quelques heures, disons une dizaine, une certaine monotonie s’est installée : l’histoire n’avance pas, il ne se passe rien, les personnages vivent leur vie sans enjeux, faites de quelques braquages par-ci par-là. Alors la lassitude a suivi, cruelle. Je ne pouvais plus jouer qu’à GTA5 sous peine de finir atrophié d’ennui au bout d’une heure de jeu. Alors je faisais une mission de temps en temps tout en jouant à d’autres jeux en parallèle. Et plus j’avançais, moins le jeu me motivais. Les missions étaient bien, sans plus, mais ne s’inscrivait dans aucun arc scénaristique. Il n’y avait donc aucune intensité, aucune motivation. Et le peu de motivation durement gagné peut rapidement être brisé quand on fait un casse à valeur de 10M$ qui se trouve annulé la seconde suivante. Bonjour le sentiment de progression.

Vu que je m’ennuyais avec les missions principales, je me suis donc mis à m’éclater encore plus sur la map, à faire des courses poursuites avec les flics dans les montagnes, à sniper des gens sur le panneau de Vinewood, à aller m’écraser en avion sur le bureau de ce putain de FIB, bref les plaisirs cons d’un GTA. Sauf que là encore le jeu atteint très vite ses limites, et manque, à l’image du reste, cruellement d’ambition.

Je m’explique : GTA 5 introduit quelques features bien vues, comme par exemple les piétons qui appellent la police lorsqu’ils voient un crime, ou encore le champ de vision des flics lors des poursuites. Malheureusement, au lieu de revoir complètement leur système avec une grosse évolution, Rockstar n’a fait que rajouter une rustine de plus sur un concept qui n’a fondamentalement pas évolué depuis GTA 3. Par exemple, vous écrasez quelqu’un en voiture sport, vous choppez une étoile. Les flics ne sont pas encore là. Vous vous éloignez et montez dans un bus. Eh bien si vous croisez les flics, ils se jetteront sur vous ! Comment vous ont-ils reconnus ? Ca on ne sait pas… Idem, un jour je suis avec Michael et je trouve un flic qui se balade dans ma maison. WTF. Je le tabasse donc, normal. Il n’a pas le temps de me voir qu’il est déjà KO. Il n’a pas le temps d’être KO que j’ai déjà 2 étoiles. Donc, je suis isolé quelque part, mais si je butte un flic, mon visage se retrouve instantanément et automatiquement placardé sur tous les smartphones de la police ? Je ne sais pas quelle technologie ils ont, mais c’est de la bonne. Idem, je parlais de snipe en haut du panneau de Vinewood : eh bien un simple headshot et les flics se ramènent direct, quand bien même la cible est à des kilomètres de là et que personne n’a encore appelé la police. Bref, que GTA ne soit pas réaliste, c’est normal, ça fait partie de son charme, mais ce manque terrible d’ambition quant à l’IA et quant aux relations avec les forces de l’ordre fait peine à voir, car il limite par là-même les possibilités de jeu, et donc le fun induit par celles-ci.

Dans le même ordre d’idée, alors qu’on aura énormément à manier le snipe au cours du jeu, on ne peut même pas s’accroupir, et encore moins s’allonger ! Alors qu’on aura souvent à s’infiltrer, on doit faire face au même système d’infiltration archaïque que dans San Andreas, ce qui était déjà moyen à l’époque (face à MGS par exemple) et qu’il est vraiment lame de revoir à l’identique dans GTA 5. Quand on voit les promesses que Kojima fait actuellement avec MGS 5 et son monde ouvert, et qu’on regarde GTA 5, il est impossible de ne pas noter le terrible décalage d’ambition entre les deux.

Ce manque d’ambition se retrouve également dans le scénario du jeu, qui tient sur un timbre-poste, et encore je suis gentil. Les personnages sont tous remarquablement écrits, aucun doute possible là-dessus, mais au final il ne se passe rien pendant les deux premiers tiers du jeu, et si le dernier saura faire preuve de moments d’une magnifique intensité, le tout est au final terriblement vain. Vis ma vie de gangster, et point barre. Il y aura un seul enjeu durant toute l’aventure, la relation Trevor/Michael. Et un peu la famille à Michael aussi, vite fait… Mais à quoi bon avoir des personnages aussi bien écrits s’ils sont au final aussi profonds qu’Isaac dans Dead Space 3 ? Franklin est le type gentil qui veut juste réussir sa vie, Michael le type un peu cynique riche et triste, et seul Trevor se trouve être réellement intéressant en lui-même.

Les missions suivront la relative intensité narrative du dernier tiers, le jeu en comportant certaines vraiment délirantes et vraiment bien foutues. Malheureusement, celles-ci sont gangrénées d’incohérences jusqu’à la moelle. Et que j’infiltre le bureau du FIB en plein jour avec des bombes dans mes poches, et que je récupère une arme nucléaire en faisant de la plongée sous-marine, et que je me rends compte à la toute fin qu’en fait les mecs qui m’emmerdent depuis le début du jeu il suffit d’une pression sur un bouton pour qu’ils disparaissent, et que je vais aller signaler ma position auxdits types pour qu’ils m’envoient tous leurs hommes en sachant très bien que eux ne viendront pas alors que c’est eux que je veux, et que mes potes qui sont avec moi dans une mission se volatilisent au moment d'une cut-scene… Tout ça n’enlève rien au plaisir de jeu des missions, mais il est du coup impossible de vraiment y croire, impossible d’être à fond devant tant d’artifices.
De plus, j’ai trouvé que lesdites missions exploitaient de manière générale assez mal le terrain de jeu (pas si grand que ça d’ailleurs) : on revient inlassablement aux mêmes endroits…

La communication du jeu s’est beaucoup axée sur la carte et les 3 personnages, et en effet j’ai un peu l’impression que Rockstar a créé une carte, trois persos, puis s’est dit : « bon, on en fait quoi maintenant ? »

Le plus triste dans l’histoire, c’est quand je vois tous ces médias qui m’ont fait acheter le jeu : les gens manquent-ils de discernement à ce point-là ? Oui, la carte est énorme, les possibilités nombreuses, les rares nouveautés sympathiques, l’écriture travaillée, mais… Tout ça je l’avais déjà dans San Andreas bordel ! Sauf peut-être l’écriture. Jouer à GTA 4 leur a-t-il donc fait oublier que Los Santos existait déjà avant ? Car oui, l’évolution est énorme depuis GTA 4… mais avez-vous oublié que le 4, en termes de terrain de jeu et de possibilités, était une régression infinie ? Presque tout ce que qui est dans GTA 5 était déjà présent dans San Andreas. Alors une fois passé la baffe technique et le changement générationnel, comment ne pas déplorer ce cruel manque d’ambition de la part de Rockstar ? Avoir un superbe open world ne suffit pas à faire un excellent jeu, d’autant plus qu’à part les fonds marins celui-ci n’a encore une fois absolument rien de plus que SA.

Alors oui, GTA 5 reste un super bon jeu, avec des moments de folie, un open world grisant, certaines missions dingues et des possibilités de braquage bien foutues… mais personnellement, je ne peux pas faire abstraction de tous les défauts suscités. Je ne comprends pas comment on peut sérieusement qualifier de Masterpiece le jeu « le plus attendu de la génération » quand celui-ci a moins d’ambition que la majorité des jeux sortis en 2013. Mais je veux bien qu’on m’explique…
VGM

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

25
18

D'autres avis sur Grand Theft Auto V

Grand Theft Auto V
Sevanimal
2

La seule critique valable (mondialement) de ce "jeu".

C'est bon c'est fait, j'ai enfin terminé GTAV. Cinquante heures de souffrances, mais je vais me donner la peine d'écrire un "petit" (wall of text incoming) quelque chose à propos de ce jeu monstre et...

le 10 déc. 2013

81 j'aime

65

Grand Theft Auto V
Kobayashhi
8

I'm rich, I'm miserable, I'm pretty average for this town.

Cinq années, c'est le temps qu'il a fallu à Rockstar pour peaufiner son bébé, pour arriver à puiser l'essence de la série et offrir l'épisode le plus abouti et l'un des jeux vidéo les plus addictifs...

le 21 sept. 2013

73 j'aime

Grand Theft Auto V
PekJB
9

Addicted to chaos

On connaît de longue date les ingrédients de la franchise. La sauce prend encore une fois, et peut être même plus que jamais. Au delà de toutes les considérations concernant la juiciness du gameplay...

le 21 sept. 2013

57 j'aime

5

Du même critique

Rayman Legends
VGM
9

La meilleure déception de l’année

Mon attente sur Rayman Legends a soufflé le chaud et le froid. D’abord ébloui par un premier trailer leaké, puis refroidi par des annonces marketing totalement illogiques sur l’exclusivité Wii U,...

Par

le 4 sept. 2013

68 j'aime

19

Le Meilleur des mondes
VGM
6

Pas la meilleure des lectures

J'ai tellement de livres à lire, et tellement de classiques à emprunter à droite à gauche que je suis rentré depuis maintenant un bout de temps dans une phase où je n'achète presque plus de livres,...

Par

le 3 févr. 2015

61 j'aime

16